Avec Days of future past, Bryan Singer réussissait à se réapproprier une franchise qui lui avait depuis longtemps échappé. S'appuyant sur un script particulièrement audacieux bourré d'aller-retours temporels, il raccrochait in fine les wagons avec ses précédents opus tout en gommant un Affrontement final maladroit et décevant signé par son rival de l'époque Brett Ratner. Il y avait donc de quoi attendre beaucoup de ce dernier volet d'autant que la séquence post-générique de DoFP nous annonçait déjà la confrontation à venir, les X-Men devant cette fois affronter le plus ancien et plus puissant des mutants, le fameux Apocalypse.


Ce personnage emblématique, méchant récurrent des comics originaux, attendait pourtant depuis longtemps son incarnation à l'écran. Au vu de sa popularité et de son statut de big bad guy, c'est sans surprise que Singer lui consacre l'exposition de son nouveau film, plongeant du même coup le spectateur en plein coeur d'une cérémonie antique sensé rendre immortel un être prétendument tout puissant. Pour incarner ce mutant millénaire, le réalisateur a fait appel à l'acteur Oscar Isaac. Rendu méconnaissable sous le maquillage et les prothèses, le comédien semble faire ce qu'il peut pour apporter ce qu'il faut de charisme et de prestance à un personnage dont le chara-design live (pourtant fidèle à celui des comics) pourrait aussi facilement évoquer le ridicule d'un vilain alien tout droit sorti d'un tv show pour enfants (du genre Power Rangers). L'ennui c'est que le personnage ne fonctionne pas ou très peu. Singer et Isaac ont beau se démener pour rendre crédible la menace représentée par Apocalypse, celui-ci ne convainc jamais vraiment, la faute à une entrée en scène trop précoce du personnage et des lignes de dialogues trop explicatives. Si le réalisateur a bien pris soin de lui consacrer un temps de présence important à l'écran, il aurait peut-être mieux fait de travailler un peu plus les motivations de ce nouvel antagoniste ainsi que ses interventions dans le script. Exposer trop souvent un tel personnage sous prétexte de quelques explications superflues (le gonze n'est qu'un mégalo de plus, particulièrement bavard et obsédé par la domination du monde) équivaut à en diminuer l'aura menaçante. D'autant que les pouvoirs d'Apocalypse ne se révèlent jamais aussi spectaculaires que dans les comics et il faudra attendre le dernier acte du film pour entrevoir enfin l'étendue de sa puissance à l'écran (et encore...).


L'intérêt de ce sixième opus réside donc moins dans ce nouvel ennemi que dans l'évolution de certains de ses protagonistes. Il faut bien avouer que la plupart d'entre eux ont bénéficié de toute l'attention des scénaristes. Il s'agit ici surtout d'opposer au premier et plus puissant des mutants une jeune génération d'X-Men. Alors qu'elle fut longtemps reléguée à un rôle secondaire, Mystique (Jennifer Lawrence) a progressivement conquis un rôle de premier plan dans cette seconde trilogie jusqu'à devenir un modèle de courage et d'héroïsme pour la plupart des jeunes mutants. Charles Xavier lui, toujours interprété avec conviction par James McAvoy, est désormais le professeur sage et bienveillant auparavant incarné par Patrick Stewart (sa calvitie soudaine en fin de métrage suffira à boucler la boucle). Il dirige ici un institut encore suffisamment récent pour voir l'arrivée de jeunes mutants qui deviendront les X-Men les plus célèbres. Autrefois bêtement sacrifié sur un caprice de scénariste, le jeune Scott Summers (Tye Sheridan) trouve une place presque centrale dans l'intrigue et fait ici le dur apprentissage de ses pouvoirs aux côtés de Hank McCoy (toujours interprété par Nicholas Hoult) et Jean Grey (Sophie Turner). La future Phoenix garde d'ailleurs ici suffisamment d'importance pour faire basculer les événements à la faveur des jeunes héros dans leur confrontation face à l'antique mutant. Vient se joindre à cette génération 80's, un Diablo rajeuni (qui n'est toujours pas le fils de Mystique, n'en déplaise aux puristes) et un Quicksilver jouant à nouveau ici les deus ex machina (dans une scène opportunément recyclée du précédent film), mais ayant droit à plus de présence qu'il en avait auparavant. Plus surprenant est de retrouver Tornade dans le camp adverse, la jeune femme devenant ici la première des apôtres d'Apocalypse. Suivront deux nouveaux venus issus des comics, Archangel ayant ici à peine plus d'importance que sa version "Ratnerienne" (Angel), et Psylocke se résumant à une guerrière aussi belle que taciturne, mais au background opportunément bazardé. Quant à Magneto, il a à nouveau droit à un certain traitement de faveur de la part des scénaristes, toujours très bons quand il s'agit d'expliquer les motivations des pires salopards. On découvre ici un Eric Lensherr assagi et casé, retrouvant à travers sa famille une part d'humanité que le script se chargera cruellement de lui ôter pour faire du personnage le quatrième bras armé d'Apocalypse. Une des seules qualités du script est qu'il ne néglige donc que très peu ses nombreux personnages, tous (ou presque) ayant un rôle important à jouer dans l'intrigue. Et c'est sans parler d'un caméo attendu en milieu de métrage et qui, loin de se résumer à un simple clin d'oeil facétieux (comme dans First Class par exemple), influe grandement sur le cour des événements.


Le film n'en est pas pour autant dénué de nombreux défauts qui finissent hélas par en faire un des plus faibles opus de la saga. Outre un méchant en carton, X-Men Apocalypse pâtit d'une intrigue bêtement linéaire qui finit par se perdre entre chacun des protagonistes qu'elle met en scène. Le film aligne ainsi une succession de personnages sans apporter quoi que ce soit d'innovant dans le genre du comic movie. En gros, il s'agit ici d'assister à la formation des X-Men de la première trilogie (si l'on oublie la présence de Diablo) en les confrontant à un ennemi dont la seule menace agira comme un prétexte suffisant à réunir tout ce petit monde sous l'égide de Xavier. On est très loin de l'inventivité du script d'un X-Men 2 qui alignait les coups de théâtre (l'attaque de l'institut, l'évasion de Magneto, l'association temporaire de ce dernier avec les X-Men) sans verser dans la redite. X-Men Apocalypse nous ressert plutôt l'éternelle trame du danger planétaire s'acheminant vers une alliance de tous contre un ennemi commun. Mais si il n'y avait que le script qui clochait. La mise en scène de Singer, elle aussi loin d'être très inventive, se dilue facilement dans une avalanche d'effets numériques convertis en 3D et censée figurer une catastrophe d'ampleur planétaire. Bon nombre de villes sont ainsi ravagées (lointainement, en plans larges) par la puissance conjuguée de Magneto et d'Apocalypse sans que l'on voit jamais le moindre mort à l'écran, pas même sur les ruines du Caire où se déroule l'essentiel du dernier acte. A croire que Singer souffre lui aussi du syndrome d'Emmerich et mâche tout le travail à la censure.


Loin d'en remontrer aux autres films du genre, X-Men Apocalypse conclue donc de manière fort décevante la trilogie First Class. La faute à un méchant archétypal et à une trame particulièrement prévisible, très loin des intrigues enchevêtrées du précédent film. Ce sixième opus laisse d'ailleurs penser que son réalisateur n'a tout simplement plus rien à dire sur les mutants. Après tout, les années 2000 sont loin derrière nous et bon nombre de comics movies se sont succédé à l'écran depuis le tout premier X-Men. En cela, ce dernier film donne clairement l'impression au spectateur d'avoir déjà assisté au même spectacle, ou lu la même intrigue, à peu de choses près. Les histoires de faiseurs d'Armageddon sont en effet nombreuses, tant au cinéma qu'en littérature et en comics, et celle-ci, malgré tout son étalage numérique, n'en bouscule hélas aucun des poncifs. C'est d'autant plus dommage qu'il s'agit là d'un carrefour important dans l'histoire de la franchise en cela qu'il s'agit probablement de la dernière participation de certains des acteurs principaux. Mais les mutants de Stan Lee eux, n'ont certainement pas dit leur dernier mot à l'écran et il semble bel et bien qu'une génération post-apo d'X-Men se profile déjà à l'horizon.

Créée

le 10 oct. 2016

Critique lue 2.5K fois

30 j'aime

7 commentaires

Buddy_Noone

Écrit par

Critique lue 2.5K fois

30
7

D'autres avis sur X-Men : Apocalypse

X-Men : Apocalypse
Docteur_Jivago
5

Fausses divinités

Avec Apocalypse, Singer décide d’invoquer Apocalypse (tout simplement), de retour dans notre monde après plusieurs siècles d’hibernation, et prêt à en découdre avec l’aide de ses cavaliers, qu’il...

le 17 mai 2016

71 j'aime

4

X-Men : Apocalypse
Behind_the_Mask
8

Le temps détruit tout

Pas besoin de Cerebro pour deviner ce que vous allez penser, avant même la fin de cette lecture. Je suis sûr que vous vous direz quelque chose du genre "Oui... Le masqué... y sait pas ce qu'il fait...

le 18 mai 2016

59 j'aime

15

X-Men : Apocalypse
Kiwi-
3

Burn the ground.

À tous et à toutes celles et ceux ayant aimés « X-Men : Days of Future Past », autant le dire tout de suite, « X-Men : Apocalypse », toujours réalisé par Bryan Singer, n'apporte absolument pas ses...

le 20 mai 2016

50 j'aime

1

Du même critique

Les Fils de l'homme
Buddy_Noone
9

La balade de Théo

Novembre 2027. L'humanité agonise, aucune naissance n'a eu lieu depuis 18 ans. Pas l'ombre d'un seul enfant dans le monde. Tandis que le cadet de l'humanité vient d'être assassiné et que le monde...

le 18 juil. 2014

92 j'aime

6

Jurassic World
Buddy_Noone
4

Ingen-Yutani

En 1993, sortait avec le succès que l'on sait le premier opus de la franchise Jurassic Park. En combinant les différentes techniques de SFX et en poussant à leur paroxysme des images de synthèse...

le 16 juin 2015

84 j'aime

32