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Patrick Lung est probablement le réalisateur Hong Kongais pré-nouvelle vague le plus important à ne pas avoir encore eu les honneurs d’une reconnaissance critique internationale. Contrairement à des réalisateurs comme King Hu ou Chang Cheh, qui ont fait l’essentiel de leur carrière dans une Chine ancienne plus ou moins fantasmée, le cinéma de Patrick Lung s’est toujours inscrit dans un contexte spécifiquement Hong Kongais. Très conscient des difficultés économico-sociales qui déchiraient la colonie, Lung a su les pointer du doigt dans ses films tout en conservant une forme commercialement attractive. Toutefois, il arrive parfois au réalisateur de se laisser emporter par sa volonté d’exprimer un message social fort et de passer à côté de ses histoires. Un cas de figure qui s’était ainsi produit sur le courageux Hiroshima 28. Yesterday, Today, Tomorrow souffre également de cette tendance.


Le film est une adaptation libre de La Peste d’Albert Camus. La structure du long métrage est celle du film catastrophe typique * : On y découvre de multiples personnages, censés illustrer les différentes facettes de la société Hong Kongaise, dans le premier tiers, puis l’épidémie se déclenche et l’ensemble des personnages se retrouve ensemble à en subir les effets et à lutter contre elle.


A travers ce sujet, Patrick Lung parle surtout de l’évolution au sens large qu’a connu la ville de Hong Kong dans les années récentes. La fin des années 60/début des années 70 était effectivement un tournant pour la colonie. Suites aux émeutes de 1967, le gouvernement se décidait enfin à mettre en place une politique sociale ainsi que mettre en valeur l’existence d’une identité Hong Kongaise. Le développement économique se poursuivait également, transformant rapidement la ville en profondeur. Cette facette est illustrée dans la relation unissant un journaliste et sa guide, l’occasion pour Patrick Lung de montrer la ville dans toute sa splendeur et de mettre l’accent sur les nombreuses réussites récentes.
Pour autant, Lung n’était pas dupe des difficultés que ces tous ces développements engendraient. De nombreux personnages présents dans le film viennent de milieux pauvres et défavorisés. De même, les comportements égoïstes ou ignorants quand la population doit faire face à l’épidémie sont clairement présents.


Mais Yesterday, Today, Tomorrow n’est pas un brulot contestataire ou une analyse amère de la nature humaine. Le film de Patrick Lung est avant tout optimiste. Il met en avant les réussites de la ville et l’espoir de lendemains encore meilleurs pour ses habitants grâce à leur esprit de résistance et leur (relative) unité. C’est bien là tout le message du film : Que malgré toutes les épreuves, Hong Kong continuera d’avancer et de progresser grâce à la force de ses habitants. Un message prophétique puisque, en effet, malgré de nombreuses crises (rétrocession, crise financière, SARS…), Hong Kong a toujours su rebondir et aller de l’avant.
Ce message positif très (trop ?) marqué prend hélas un ascendant bien trop important sur le récit. Les personnages, généralement une force du réalisateur, ressemblent souvent à des archétypes et ne vivent pas de manière naturel au sein du film. La caricature est même régulièrement atteinte dans la manière dont sont décrites les histoires d’amour (mention spéciale à celle du journaliste et de la guide, véritable catalogue de clichés du genre). Cette lourdeur dans la caractérisation, qu’on retrouve également dans un récit au rythme inégale et tombant dans la facilité à plusieurs reprises, empêche le film d’atteindre son plein potentiel dramatique et pédagogique. On apprécie les intentions et la démarche de l’auteur mais sans jamais se sentir pleinement concerné par l’histoire racontée.


Yesterday, Today, Tomorrow est pourtant régulièrement consacré comme un des films majeurs de son auteur. Du point de vue de la démarche, cela l’est assurément. Du point de vu de la qualité du film intrinsèque, on peut légitimement être plus mesuré. Ce statut tient probablement aux difficultés qu’il rencontra avec la censure. Le film fut en effet amputé d’une vingtaine de minutes par les autorités pour pouvoir être distribué. Le motif des coupes était le parallèle trop marqué au gout des autorités avec la situation qu’avait connu la colonie durant les émeutes de 1967. Bien que personne n’ait vu les images en question, le film en est ressorti avec la réputation d’un brulot contestataire, trop franc sur la réalité déliquescente de la société Hong Kongaise pour le gouvernement qui préféra le censurer. On peut toutefois douter que cela soit effectivement le cas.

Comme il a été souligné, toute la thématique du film est positiviste. Elle s’attèle à décrire une société bouleversée par des événements naturels imprévisibles mais capable de faire front pour aller vers des lendemains meilleurs. Un message extrêmement critique et pessimiste ne semble pas avoir sa place dans un tel contexte. On peut davantage penser que les scènes en question étaient la mise en scène de réactions de panique face à l’épidémie dont le résultat visuel était trop réaliste et proche de ce qu’avait connu la ville pour des autorités encore à cran après les difficiles événements de 1967. Bien que cela aurait certainement enrichi le film, il est douteux de croire que la conservation de ces scènes aurait pleinement corrigé les défauts spécifique au long métrage.


Au final, Yesterday, Today, Tomorrow a toute les caractéristiques des grands films ratés : Un concept intelligent, la présence d’une équipe technique talentueuse, des éclairs de génie ponctuels desservis par des maladresses narratives trop nombreuses et une naissance difficile. Et comme eux, s’il fascine incontestablement, il ne convainc jamais.


• A noter toutefois que le film a été tourné en 1969 et que la grande vague des films catastrophe ne commencera vraiment qu’en 1970, faisant de Patrick Lung (comme souvent) un précurseur.

Palplathune
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le 3 avr. 2017

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