Un miracle.


Je me souviens encore de l'énorme déception que j'avais ressenti en novembre 2017, en sortant du cinéma après avoir découvert le film tiré des aventures de la Justice League.
Si je ne suis pas, à la base, particulièrement fan du personnage de Superman, force est de reconnaître que Man of Steel, sorti en 2013, a toujours été à mes yeux un objet cinématographique fascinant. Là où Marvel Studios enchaînait les comédies d'actions à grand succès, Warner tentait un parti pris tout à fait opposé, osant une adaptation bien plus sérieuse et grandiloquente du mythe du super-héros. En effet, Zack Snyder nous offrait une version messianique de Kal El, présenté comme un véritable élu devant prendre sa place comme sauveur de l'humanité. Au delà du simple métrage de science fiction, le film offrait certaines pistes de réflexion en abordant des thèmes plus intéressants que la moyenne des blockbusters habituels : la société kryptonnienne est alors issue de procréation artificielle et est basée sur le déterminisme sociale ; on s'intéresse particulièrement à la place qu'aurait le surhomme dans le monde d'aujourd'hui et le général Zod est un colonialiste poussé à l'extrême, éternellement opposé à la diversité culturelle. La vision de Snyder était sublimée par son incroyable talent à la réalisation, multipliant les plans iconiques et faisant la part belle à la puissance divine de ses personnages. Le dernier acte se terminait alors par un veritable acte de foi de la part du héros, forcé de sacrifier son espèce et donc son héritage, dans le but de préserver le monde qui l'a vu grandir. Il en résultait une épopée grandiose et réfléchie, véritable coup de fouet dans le sillage des adaptations super-héroïques.


Il m'aura fallu attendre la version longue de Batman V Superman pour découvrir une véritable suite à la hauteur, la version sortie en salle ayant malheureusement été charcutée par un studio aveuglé par la volonté de réussite commerciale. Ici, les actions de Superman trouvent leurs conséquences, et le héros s'attirent très vite les foudres de son plus grand acolyte sur papier. On découvre alors une version de Batman brisée par la vie et n'ayant plus peur de recourir au meurtre, grandement inspiré d'un des plus grand comicbook du chevalier noir - à savoir The Dark Knight Returns de Frank Miller. Ben Affleck, tout juste oscarisé, offre une interprétation saisissante et pleine de rage de ce justicier en bout de course. Les scènes fortes s'enchaînent dès l'introduction, présentant le meurtre des parents Wayne dans une séquence incroyablement stylisée, puis un Bruce Wayne déboussolé dans un Metropolis rappellant les évènements du 11 septembre. On y verra également le procès de Superman orchestré de la main d'une figure d'opposition traumatisé par Dieu parfaitement campé par Jesse Eisenberg. Le combat entre les deux super-héros se terminera quant à lui sur une scène (injustement raillée sur internet) qui ramènera le personnage de Batman vers la lumière, la mention du prénom de sa mère perdue le renvoyant à la part d'humanité enfouie depuis longtemps en lui. S'en suivra un dernier affrontement causant la mort de Superman, le parcours christique du personnage voulu par Snyder trouvant son deuxième acte ici. Si le film s'offre quelques libertés par rapport au media d'origine, il n'en reste pas moins une oeuvre mature, s'interrogeant sur l'immigration, la peur de l'étranger, la peine de mort et l'interventionnisme du héros dans le contexte géopolitique actuel. Encore une fois, on retrouve un film de super-héros intelligent qui n'hésite pas à se démarquer de l'image légère présentée par la concurrence.


Si tout semblait bien parti, le décès de la fille de Zack Snyder couplé au mécontentement des dirigeants de la Warner quant aux résultats décevant du précédent film au box office forcent le réalisateur a abandonné le tournage de Justice League en cours. Josh Whedon, réalisateur des deux premiers Avengers, est appelé en renfort pour finir la production, tout en ayant la consigne d'apporter humour et légèreté au métrage pour plaire au plus grand nombre. Le résultat sera alors infâme à mes yeux, l'iconographie propre à Snyder s'étant muée en sorte d'auto-parodie du genre.
On a troqué la vision très personnelle d'un auteur contre un produit de commande visant la surconsommation.
C'était sans compter le soutien indéfectible des fans, qui pendant trois ans, se sont battus auprès de Warner et ont fini par faire plier le studio et à lui faire reconnaître l'étendue de son erreur : Zack Snyder sort enfin son propre film, tel qu'il l'avait imaginé au départ. On reconnaîtra que ces dirigeants s'en sortent bien; c'est bien eux qui feront récolte dez bénéfices alors que le réalisateur a renoncé à son salaire. Mais au final, le plus grand gagnant est bien le spectateur passionné, qui attendait patiemment de découvrir ce bel objet cinématographique.


N'ayant pas prévu de m'étendre de trop à propos de cette version, je me contenterai de dire qu'elle aura comblé mes attentes. Pendant un peu plus de 4 heures (!), les personnages existent , la magie opère et l'ensemble est enfin cohérent. Si le fond semble moins enrichi par de fortes thématiques qu'auparavant, la forme est plus sublimée que jamais, chaque plan semblant être travaillé par le réalisateur avec la précision d'un orfèvre au travail. La partition de Junkie XL se permet elle aussi quelques envolées lors des moments de bravoure qui ponctuent le film. Enfin l'on aura vu cette odyssée grandiose, cette épopée épique et majestueuse, fruit de la vision passionnante d'un réalisateur passionné.


Plus qu'un simple film c'est, à l'image de l'emblème porté par le personnage principal de cette trilogie ostentatoire, un symbole d'espoir rayonnant à l'heure où producteurs et studios préfèrent stériliser leurs réalisateurs plutôt que de leur laisser un semblant de contrôle créatif. À une époque où l'on doit se taper régulièrement des films comme Suicide Squad (clip MTV de 2 heures dénaturant les personnages qu'il présente) ou Captain Marvel (divertissement calibré sans âme ni originalité), c'est une belle victoire.


Merci les fans. Merci Zack Snyder.
PS : L'incroyable face à face entre Affleck et Leto me laisse encore des frissons !
Et merci a ceux qui auront pris le temps de me lire.

Spider-Dam
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le 22 mars 2021

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Spider-Dam

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