[Test écrit en janvier 2011]

Jusqu'en décembre dernier, les jeux DS classés « Mature » aux USA se comptaient sur les doigts des deux mains. Pile poil. Désormais, il faudra sortir un orteil et prendre en considération 999 : Nine Hours, Nine Persons, Nine Doors. Sous l'égide de Chunsoft, Kotaro Uchikoshi (scénariste d'Ever 17 : The Out of Infinity) nous propose un jeu d'aventure, mélangeant énigmes et mécanismes des visual novels.

Junpei, jeune homme assez générique, se réveille enfermé dans un immense bateau. Des vagues souvenirs d'un enlèvement lui reviennent rapidement, mais ne lui seront pas d'une grande utilité. Une fois la première énigme résolue, il va s'apercevoir qu'il est loin d'être seul. Huit autres victimes ont été embarquées comme lui, par un obscur [Zero] qui les convie à participer au mystérieux « Nonary Game ». A cet instant, il leur reste neuf heures pour trouver la dernière porte, la numéro neuf, s'ils veulent rester en vie. Important à souligner : chaque personnage est numéroté de un jusqu'à neuf, via une montre attachée à son poignet. Il leur faudra par conséquent former des groupes déterminés pour déverrouiller certaines serrures, en calculant leur racine numérique. (les candidats quatre, cinq et huit pourront par exemple franchir la porte huit, 4+5+8=17, 1+7=8)

Bien entendu, ce simple résumé zappe pas mal de détails. Le jeu recouvrant la plupart du temps une forme littéraire, les circonstances et particularités ont tout le temps d'être développées. Autant le dire de suite, si vous n'aimez pas lire, vous feriez mieux de passer votre chemin ! Par contre, si les mots ne vous font pas peur, l'expérience promet beaucoup de suspense, voire quelques moments d'angoisse. Il faut bien comprendre que les personnages sont sous pression constante et s'adonnent dès le départ à une certaine paranoïa. Ainsi chacun adopte un pseudonyme, pour cacher sa véritable identité. Nombre de titres font miroiter des solutions pour finir dans un gloubi-boulga nébuleux, point de cela dans 999. Si l'on est pas obligé d'adopter entièrement les explications proposées, elles ont le mérite d'être là et bien là. Des fausses pistes sont évidemment au rendez-vous, toutefois il suffira de s'armer de patience pour comprendre tous les rouages de l'enquête.

Fidèle à la tradition des visual novels, 999 propose six fins, à découvrir avec appétit. Vos premières parties risquent de se solder par une des mauvaises (ce fût mon cas), pas la peine de paniquer pour autant, ces conclusions sont abruptes mais elles permettent de vous familiariser avec le casting et d'échafauder vos hypothèses. Les choses sérieuses débutent avec les « bonnes » fins et bien entendu, l'achèvement ultime, la « true good end ». Il ne s'agit pas ici de trois phrases disparates balancées au hasard, chaque route est l'occasion d'aborder le scénario d'un point de vue original, on pourrait presque parler d'intrigue renouvelée à chaque fois. Il faudra malgré tout se coltiner quantité de textes déjà lus, heureusement dès le deuxième run, une simple pression de touche fera accélérer la cadence pour s'arrêter au prochain dialogue inédit.

L'intrigue est très habilement ficelée et les révélations font mouche... à moins d'être vraiment très malin ! Quelques blagues grivoises se racontent entre les scènes tendues, le groupe tremble et cède parfois à la menace, quelques descriptions donnent même dans le répugnant. Déductions rationnelles et théories surnaturelles marchent côte à côte, sans forcément donner dans le vrai ou le faux. Encore mieux pour briller devant les copains, une influence majeure citée par l'auteur repose sur les champs morphogénétiques et les idées deRupert Sheldrake. Bien sûr, les relations et autres façades psychologiques ont la part belle. Les liens se tissent et pour nous toucher, il fallait forcément une distribution de caractères à la hauteur. Première facette agréable, son apparence est le fruit du travail du Kinu Nishimura, notamment fameuse pour ses illustrations chez Capcom. Son trait frais et agréable est un régal. Pour explorer les relations humaines dans son ensemble, Kotaro Ushikoshi avoue s'être inspiré de l'ennéagramme des personnalités. L'idée est d'autant plus astucieuse que comme dit plus haut, chaque protagoniste est affublé d'une montre indiquant un chiffre de un à neuf, ils s'en inspirent au demeurant pour créer leurs surnoms.

Pour varier chaque parcours, des choix cruciaux se présenteront régulièrement au joueur. Toujours à base de chiffres, une véritable obsession, les possibilités de portes à franchir sont multiples. Comme les règles du Nonary Game stipulent qu'un maximum de cinq membres par groupe ne peut être dépassé, vous l'aurez compris nos neufs survivants devront se scinder. Et par la même, il faudra jouer plusieurs fois pour pouvoir découvrir ce que cache cette entrée que vous n'avez pas pu traverser. Une subtile manœuvre pour enrichir la replay-value, qu'il sera obligatoire d'étudier pour pouvoir appréhender un ordre préférentiel afin de découvrir la meilleure fin.

Derrière chaque porte se cachent... des énigmes ! L'occasion d'alterner entre les longues phases de textes et de remuer activement nos méninges. Ni trop faciles, ni trop difficiles, ces puzzles sont savamment dosés. Il suffit de naviguer entre des écrans fixes en tapotant du stylet pour découvrir des indices. Ces derniers prendront la forme d'objets, de clés ou de notes à décrypter. On appréciera ces phases lors de leur découverte, elles seront pour le moins redondantes quand il faudra se les retaper dans une nouvelle tentative. Cependant, une fois les dispositifs assimilés, on avancera très vite pour retourner à la suite de l'aventure.

Shinji Hosoe livre une bande originale inspirée, qui saura renchérir les séquences de stress ou d'émotion. Point de vue technique, les personnages en 2D sont bien modélisés et les (trop rares) animations réussies. Reste que le titre est majoritairement composé d'écrans figés. Un minimalisme qui n'empêche absolument pas une mise en scène ingénieuse qui saura vous transporter au-delà de ses mots. On n'échappe pas à quelques clichés, mais dans son ensemble, l'intrigue est efficace et donne constamment envie d'en savoir plus.

Un peu sorti en catimini et uniquement disponible aux USA (hors Japon il va sans dire), 999 mérite pourtant bien plus. Arborant des thématiques intéressantes, il a l'audace de s'adresser à un public varié, oserais-je dire mûr, sur une console trop souvent reléguée à un statut enfantin. Si le scénario n'évite pas toujours quelques formules déjà vues, je ne peux qu'encourager les amateurs d'aventure et d'énigmes à jeter un coup d'œil à ce titre d'un genre assez atypique en Occident. Difficile en ce qui me concerne d'en décrocher avant d'avoir pu découvrir tous les secrets de cette histoire, dévorant goulûment mes cinq parties ! Et vous, auriez-vous deviné le mystère de la neuvième porte ?
Molo
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le 1 juin 2011

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Molo

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