J'ai merdé. J'ai merdé et il va falloir maintenant assumer. Pas question de retour en arrière ou de passer dix plombes à se demander ce qui se serait passé, si... Si mon doigt n'avait pas appuyé par réflexe idiot sur le mauvais bouton, s'il ne s'était pas agité aussi promptement ou au contraire s'il avait fait son devoir bien plus frénétiquement. Au fond, ça n'aurait rien changé. Tout est écrit. Du moins dans les grandes lignes. Et je sais bien que le destin me remettra d'une manière ou d'une autre sur le droit chemin. Plus cabossé, rongé par la culpabilité, les muscles en vrac et les nerfs à fleur de peau, certes, mais je n'y couperai pas. Je vais à nouveau me retrouver comme un lapin aveuglé par les phares des voitures en plein milieu d'une autoroute à six voies. Reste à savoir dans quel état.

Difficile de croire qu'il y a encore quelques heures, j'accumulais les gestes anodins sans y prêter grande attention. Un regard satisfait jeté au miroir, une vague excuse à ma femme débordée pour justifier le fait que je n'ai totalement rien foutu de la matinée ou un petit moment passé à gribouiller sur une feuille de papier. Une accumulation de minuscules actions sans grand intérêt qui trouvent désormais leur sens confrontées à l'urgence de la situation. Car si le quotidien a laissé sa place à une mécanique sans répit, ces petits gestes subsistent. Comme autant de piqûres de rappel des choix qui m'ont menée là.

Parfois heureuses, souvent très douloureuses, ou même carrément insupportables - mais saisies avec le plus grand pragmatisme du monde dans une volonté très réfléchie de pouvoir m'arranger avec ma conscience par la suite - ces décisions s'enchaînent dans une partition déroutante qui ne perdra pourtant pas son fil. Tout se tient (à de très légères maladresses près). Tout s'explique (à condition d'avoir posé les bonnes questions). Bref, tout repose sur nos frêles épaules (à l'exception d'un bug très fâcheux en plein pic émotionnel qui heureusement n'est pas au rendez-vous pour tout le monde). Aussi déconcertant (contrôles compris) que familier, aussi fascinant que banal dans son récit, aussi intime que voyeuriste, Heavy Rain touche et finit par agripper la corde sensible, cachant joliment ses ficelles en impliquant comme jamais celui qui acceptera de se laisser prendre au jeu.
Virginie
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Créée

le 27 oct. 2014

Modifiée

le 28 oct. 2014

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Virginie

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