Lunar Knights
6.8
Lunar Knights

Jeu de Kojima Productions et Konami (2006Nintendo DS)

Lunar Knights opère un tournant dans la série des Boktai. Ses précurseurs avaient essuyé de nombreuses critiques par la faute d'un gameplay coercitif, qui attendait du ciel qu'il soit constamment au beau fixe et que l'utilisateur se présente aux UV en toute circonstance. Or, il arrive au soleil de poser des RTT, et tous les gamers n'ont pas forcément l'occasion de jouer sur les étendues sablonneuses de Miami Beach. Konami a donc revu sa copie : Exit le capteur solaire. Il convenait dès lors d'instaurer un palliatif aux limitations de cet ingénieux système. Une formalité pour le très précieux Kojima, qui transforma l'essai par la force de ses super pouvoirs de designer qui bifle.

...


Le monde de Lunar Knights connait une recrudescence vampirique sans précédent. Deux figures charismatiques que tout oppose vont se liguer pour contenir cette menace grandissante à la force de leurs petits bras musclés. Lucian, d'une part : légendaire chasseur de vampires aux allures de soupirant ténébreux, personnel et taciturne. D'autre part, Aaron : jeune pistolero de tempérament gaillard, naïf et insouciant comme le chiot naissant. Ces deux personnalités aux antipodes seront amenées à combiner leurs compétences bien distinctes, mais leur croisade commune dissimule de plus intimes motivations. Je ne vais pas m'attarder davantage sur le maigrelet scénario, vague prétexte aux pérégrinations de notre duo de justiciers sans peur. Même s'il est mené tambour battant par une mise en scène classieuse qui ne tolère aucun temps mort, sa concision reflète une dynamique de jeu profondément dédiée à l'action. Une vision à double-tranchant, car elle fait perdre en richesse scénaristique ce que le jeu gagne en rythme. Les phases de dialogues sont pour le moins lapidaires, les donjons s'enchaînent sans déplaisir, et l'équation s'avère au final très bien sentie.

Autant l'annoncer sur-le-champ : je n'ai pas joué aux précédents épisodes de la série. Voilà pour la note préventive qui évitera tout malentendu entre vous et moi. La fine équipe de Kojima Productions a substitué Boktai au procédé de captation qui faisait tout son exotisme, pour introduire un concept beaucoup plus conventionnel. En lieu et place du panneau solaire nous trouvons une gestion interne du cycle jour/nuit. Oui mais voilà : Lucian pourra s'abreuver des rayons lunaires lors des phases nocturnes qui se réduisaient précédemment à un malus pour le joueur. Une nouveauté en apparence anodine, mais qui déploie bien vite un éventail de possibilités conséquent. L'écran supérieur de la DS affiche la météo en temps réel, qui prend également en compte de nombreuses variations climatiques. Le design du jeu dans sa globalité – du level-design aux ennemis rencontrés – découle de ces données primordiales à la progression. En plus de dépendre respectivement du jour et de la nuit, Aaron et Lucian sont dotés d'armes aux emplois radicalement différents. Tandis qu'Aaron dispose d'un arsenal de flingues, Lucian fait dans le corps à corps bien viril. Le joueur devra alterner entre les deux personnages pour composer avec cette foule de paramètres selon la situation rencontrée.

Comme spécifié plus haut, je n'ai pas connu les précédents épisodes de la saga Boktai. Mais si je porte un regard tout neuf sur ses rouages, j'en connais cependant les grandes lignes. Les graphismes de Lunar Knights ne dépareillent pas avec le style éprouvé par ses aïeux, on y retrouve même pas mal d'éléments de décor inhérents à la trilogie GBA. Je crois pouvoir affirmer qu'en revanche le gameplay dépaysera plus d'un péquin. Au lancement du jeu le gamer est accueilli par une séquence animée du plus bel apparat, réalisée par une petite boite à la réputation surfaite répondant au nom de Studio 4°C (auteur de navets cosmiques du genre Mind Game, Spriggan...). Elle consiste en un melting-pot des quelques cinématiques éparpillées dans le jeu, qui vont ponctuer l'aventure avec bonheur. Une fois l'introduction close et la « Nouvelle partie » validée, quelques textes d'usage vous mèneront sans transition jusqu'au repaire du premier vampire à décalquer. Après avoir expurgé la place de ses suppôts malfaisants vous rejoindrez la carte du monde, sur laquelle apparaîtra alors une nouvelle icône de couleur : celle d'un nouveau lieu malfamé. Dès lors qu'un niveau a été visité il est possible d'y retourner à loisir pour faire du levelling, empocher quelques thunes... et bien plus encore. Pour rappel, Boktai tient son originalité de la jauge d'énergie du personnage, ici logiquement présente par deux fois. Pour être tout à fait explicite, on pourrait en parler comme d'un réservoir de puissance : elle se consume lorsque vous faites usage de votre arme ou que vous tapez le sprint (double pression directionnelle de la croix). Il fallait auparavant – vous l'aurez compris – s'exposer aux rayons solaires pour la recharger. Il conviendra désormais de presser le bouton A au moment opportun pour invoquer les ressources de la Lune ou du Soleil. Les donjons s'accommodent la plupart du temps de cours extérieures qui vous autoriseront à remplir cette fameuse jauge à volonté, mais l'affaire se corse lorsque vous arpentez de longs couloirs encombrés de fripouilles qui souhaitent porter atteinte à l'intégrité de votre délicate personne. Les intérieurs ne laissent pas filtrer la moindre lueur, à l'exception de quelques lucarnes disséminées ça et là pour permettre au joueur de puiser dans leur réverbération gisant au sol. Il sera donc déterminant de gérer au mieux sa progression, d'envisager le combat comme la fuite en fonction de ce facteur énergétique. Je vous vois venir... vous allez m'objecter qu'un maudit niaiseux de flingue et des armes blanches ne nécessitent pas l'apport d'énergie en provenance de quelque astre de la voie lactée ! Ce à quoi je répliquerai par 4 voyelles et 6 consonnes : Terrenials. Cette dénomination cryptique désigne les multiples entités à l'origine du monde de Lunar Knights, et accessoirement l'autre grande innovation de gameplay. D'entrée de jeu, Aaron et Lucian disposent de leur Terrenial personnel. Mais quelques autres gagneront vos rangs par la suite, qui pourront être mis à contribution de l'un ou l'autre des deux héros. Ces surpuissants compagnons sont tous affublés d'un élément, traditionnelle composante du RPG nippon depuis belle lurette. Le Terrenial adopté apparaît dans un coin de l'écran supérieur ; à tout moment une pression maintenue du bouton L, et l'action se fige. La croix vous permet alors de sélectionner le feu, la glace, la terre ou le vent, en sus des Terrenials de lumière et d'obscurité propres à Aaron et Lucian.

Ce sont donc ces foutus démiurges miniatures qui pompent votre énergie... Oui, mais c'est là un juste retour des choses, car sans leur appui vous seriez bien souvent acculé. Un ennemi décèlera votre présence si vous pénétrez son champ de vision, mais vous serez également débusqué si vous portez l'estocade à distance. Dans ce cas, le juste emploi d'un Terrenial peut vous épargner de lourds dommages. Si vous projetez, par exemple, une salve de roquettes dans les côtes d'un vilain streumon pas beau, celui-ci saura d'emblée qu'on en veut à sa peau et se précipitera vers son assaillant pour lui professer quelques rudiments de civilité à coups de surin dans le crâne. Si vous avez fait usage d'Ezra – Terrenial de glace – contre un ennemi affilié au même élément, il y a de fortes chances que ce dernier vous atteigne avant que les roquettes n'aient pu entamer la moitié de sa carte vitale. Au contraire, l'emploi du feu lui délivrera sans délai une ordonnance pour les limbes. Certes le joueur dispose d'un bouclier, qu'il peut à tout moment brandir par pression du bouton B pour parer à l'offensive, mais les belligérants sont parfois plus nombreux que dans une manif' alter-mondialiste. Devancer leurs attaques se révèle alors carrément plus judicieux que d'aller au contact. Il n'est pas bien difficile de savoir à quel Terrenial recourir : chacun d'entre eux porte une couleur dominante, et il en est de même pour les ennemis. Un critère de repérage d'une grande efficacité dont le game-design fait montre à tous égards. Les Terrenials recèlent une autre utilité, celle de briser des sceaux qui ferment l'accès à certaines zones des donjons. Et comme vous n'aurez pas forcément obtenu le Terrenial adéquat lors d'une première incursion, il vous faudra revenir examiner les endroits déjà pratiqués. L'intérêt de la chose se vérifie par l'obtention quasi systématique d'un objet unique, et cela booste clairement la durée de vie du jeu, ma foi bien éphémère dans l'absolu.

Retour à la carte. On s'y déplace au toucher. Y figurent les donjons à explorer, ainsi que deux centres-ville et la résidence du professeur Sheridan, qui vous sera fort utile. Grâce aux connaissances de ce scientifique retiré du monde, vous pourrez accroître la puissance de vos armes moyennant quelques matériaux. Il consentira également à modifier le climat dès que vous lui demanderez, grâce au système météorologique ParaSOL. En outre, c'est à partir de son imposante bâtisse que vous pourrez réitérer certains passages du jeu pour viser le Hi-score et obtenir des rangs S. Les centres-ville, quant à eux, constituent un vivier d'infos pratiques, mais ils sont avant tout l'occasion de dilapider vos économies dans une échoppe. Vous y ferez couramment escale afin de combler votre inventaire en articles divers, de la potion énergétique à l'amulette contrepoison. A noter que les objets ont tous leur vertu, aucun n'est superflu même si la fréquence d'utilisation varie grandement de l'un à l'autre. Détail remarquable qui dénote une fois encore du zèle appliqué au game-design. C'est aussi dans les échoppes qu'on trouve les matériaux requis par le professeur Sheridan pour upgrader son artillerie. De temps à autres les monstres abattus laissent choir ces denrées de valeur, mais c'est essentiellement le pactole amassé qui vous permettra d'en acquérir suffisamment pour aiguiser vos skills. Inutile de préciser que le prof sollicitera progressivement des matériaux de plus en plus rares et donc onéreux. L'amélioration porte sur deux critères : la puissance de frappe, augmentée à chaque forge, et l'évolution de l'arme qui se manifeste par paliers. Ce dernier point décernera de nouvelles capacités à votre attirail de guerre. Par exemple, dans un premier temps le glaive de Lucian ne peut porter plus d'un coup à la fois. La charge est d'une amplitude telle que vous serez touché en retour avant d'avoir pu dégainer à nouveau. Lorsqu'il aura franchi le premier seuil évolutif, notre bretteur de l'ombre pourra porter deux coups successifs. Puis trois. Et ainsi de suite. Ce processus soumet la dextérité du gamer au renouveau perpétuel, il est une chouette trouvaille en cela qu'il déjoue la monotonie dont les combats auraient fait preuve autrement. Bref. Outre son échoppe réservée, chaque centre-ville est doté d'une auberge et d'une Banque Solaire. La première enseigne, pour y passer une nuit salvatrice. La seconde pour entreposer un surplus d'objets ou charger sa station solaire. Ces stations convertiront votre pécule en substance énergétique à hauteur de la somme désirée. Elles sont, le plus souvent, situées dans l'antichambre d'un boss. On leur trouve une utilité dans les premières heures de jeu, mais le dispositif s'avère rapidement obsolète.

La finition du jeu requiert des éloges sur bien des aspects. Le gameplay relève tout simplement du travail d'orfèvre. Une multitude de petits riens concourent à la cohérence du grand tout. Cette savante alchimie ne doit rien au hasard et se ressent tout pareil dans la prise en main, précise au possible. Les deux écrans sont mis à contribution, la fonction tactile sort de son bois quant il faut, le micro tient son petit rôle bien subtil. Juste admirable. La palette graphique, quant à elle, est aussi chatoyante qu'une étoffe de carnaval. Les décors présentent un pur style bien à eux. Les boss et autres ennemis ont de la gueule, comme les sprites en général. A contrario, le character-design aurait mérité plus grande attention. Rien de techniquement renversant dans ce jeu, juste de (très) jolis graphs parés d'une délicieuse griffe lunaire. Pour ce qui est des musiques, elles se font tantôt guillerettes genre ska festif des familles, tantôt inquiétantes à grand renfort d'orgues funèbres. Les oreilles du mélomane tutoient la félicité à leur contact, car elles se montrent aussi variées qu'inspirées. Les bruitages ne sont pas en reste, on en dénombre une pléiade. Sans compter les voix digitalisées du plus bel effet. En revanche, s'il existe un maillon faible dans la chaîne de roxxor en adamantium renforcé qu'est Lunar Knights, c'est bien la durée de vie. Ou pas. Il faut compter une grosse dizaine d'heures pour venir à bout de la quête principale. Malgré tout le jeu est assez addictif pour prétendre être rejoué une fois fini (je l'ai enchaîné quatre fois de suite sans lassitude). D'autant qu'il jouit de bonus en tout genre et de modes de difficulté à débloquer. Lunar Knights est un peu ce que l'on pourrait qualifier de muthafuckin' soft incandescent qui déboite les rotules comme pas deux. On pourra toujours vomir la niaiserie de certaines répliques, la mollesse du scénario ou le chara-design simpliste. Ce serait quand même refuser les avances d'un éphèbe musculeux sous prétexte qu'il porte un polo ne s'accordant pas à votre robe de bourgeoise. Bon, les attributs du mâle en question flancheraient une fois la trentaine entamée, ok. Mais en même temps cette critique ne s'adresse pas aux nanas exclusivement, bordel de chibre ! J'aurais donc pu prendre une rombière en exemple. Or, le corps féminin ne connaît pas la panne technique. Et toc! Reste que la libido se manifeste différemment et ne se nourrit pas des mêmes fantasmes selon l'individu. L'égout et les couleuvres, once again...
DrunkenBastard
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le 22 août 2010

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