Il était terminé. Le dernier chapitre de Max Payne 3 sonnait comme le point final de cette nouvelle histoire écrite dans le sang. Je relâchais mon doigt de la gâchette de ma manette. C'était fini.

Max Payne. Remedy. Deux noms illustres qui ont nourri mon expérience de joueur pc de moments de bravoure anthologiques. Popularisant le bullet time dans l'industrie vidéoludique comme le fit Matrix pour le cinéma, Max Payne a surtout apporté au TPS une ambiance unique, une aura cinématographique ancrée dans le film noir le plus cynique. Comme beaucoup de monde j'ai eu un peu peur lors de l'annonce de ce troisième opus par Rockstar. R* est un grand studio, mais les gunfights de GTA4 et RDR ne valaient pas les ballets aériens à la John Woo des deux premiers Payne.

Presque dix ans après The Fall of Max Payne, le retour du flic maudit se fait donc avec un brin d'excitation, et beaucoup de craintes. Car Rockstar ne fait pas un reboot, ni un spin-of, mais bel et bien une suite, il est donc très important de comparer ce Max Payne 3 à ses deux grands frères. D'une part pour l'apport des nouvelles technologies sur le gameplay de la série, et sur la capacité de Rockstar à s'accaparer une licence culte sans pour autant la détourner de sa substantifique moelle.

Avant tout il me parait très important de ne pas trop sombrer dans la nostalgie facile, surtout concernant le gameplay des premiers Max Payne. Ce qui était incroyable hier n'aurait sûrement pas le même impact pour un joueur d'aujourd'hui; et c'est normal. De ce genre de premières fois naissent les enfants terribles de la dégénérescence vidéoludique, ces bâtards plus perfectionnés que leur géniteur, plus lisses également, pour n'être finalement que de fades saveurs dans la bouche de celui qui a goûté jadis à l'exigence de tous les instants d'un titre novateur. Sombre époque, raison de plus pour que Papa revienne montrer aux chiards comment on s'éxécute, mais attention à ne pas être trop rouillé, sous peine d'un retour de bâton assez violent en plein dans les valseuses.

Les premières aventures de Max étaient fraiches, la fraicheur d'une nuit froide où la neige se teinte de rouge à son passage. Autrefois Max avait la tête de constipé de Sam Lake, et on trouvait ça réaliste, sur les screenshots. C'était un jeu d'action dans le fond assez classique, avec des portes à ouvrir, des antalgiques à trouver, et des méchants à dézinguer. Ce que d'aucun appelle aujourd'hui "Le Bon Vieux Temps". Mais Remedy avait apporté quelque chose dans ses valises : Une ambiance incroyable, noire, malsaine, poussée par des cinématiques sous forme de graphic novel vraiment excellentes. Mais plus que ça, la portée cinématographique des combats où les douilles pleuvent pour sonner sur le parquet grinçant le glas de quelque truand toxicomane. Des ralentis pour montrer toute la beauté tragique d'une éxécution, pour admirer notre justicier se jeter à corps perdu dans sa vendetta. La mort froide qui vous suit tout au long de votre Passion, qui vous oblige à figer dans votre esprit le regard vide des hommes que vous tuez. Max n'était pas un héros, il n'était qu'un homme triste, s'abandonnant à un dernier éclat avant de retrouver les siens.

Mais ce n'était pas la fin pour Max, malheureusement. Max était toujours là, la douleur était toujours là. Plus cynique que jamais, sans aucun but dans sa misérable existence, Max était devenu une loque. Une loque avec une belle gueule néanmoins. La tronche blafarde de Lake laissait place aux traits sévères de Timothy Gibbs, et le titre se parait d'un nouveau moteur qui ne rigolait pas. Graphismes de haut niveau, moteur physique irréprochable, on ne se sentait plus pisser sur nos PC. Aujourd'hui on pourrait volontiers se moquer de nous par un "tu trouvais ça beau? sérieusement?", mais qu'importe, notre dernière rencontre avec Max était belle, fidèle, et toujours aussi savoureuse.

Aujourd'hui on retrouve Max comme après une longue cuite carabinée. Le gars a changé de crèmerie pendant que ses anciens réguliers se sont enamourés avec un écrivain à la manque. Les Temps ont changé. Max a gardé les traits de Gibbs, mais on aurait du mal à le reconnaitre tant la technologie avance et modifie nos perceptions d'antan. Max Payne 3 n'est pas forcément beau à en crever, mais le retrouver après presque dix ans sous les spots de l'excellent moteur de Rockstar, ça fait son effet. Le titre sort en dernier sur PC, là où il demeure le plus beau. Une autre époque. Le Temps a fait son oeuvre, et les fidèles de la première heure ne sont plus nécessairement les premiers invités à cette nouvelle sauterie. Une goutte de sueur glaciale qui perle sur ma nuque; face à cette suite revendiquée, après le temps passé où les clones sont devenus peu à peu des héritiers, et de dignes héritiers pour certains, l'heure des retrouvailles se fait la respiration lente, le regard attentif, et le doigt sur la détente. Max ne part pas gagnant, loin de là, tant on peut s'armer de préjugés, n'attendant qu'une opportunité pour tirer à boulet rouge. Une version GBA et un Film sont passés par là, on n'est pas à une déception près...

Max est une mouche. Une mouche qui se noie au fond d'un verre de scotch. Il n'a plus aucun ego, plus aucun goût pour une vie qui partait pourtant si bien. Comme pour rester l'anti-héros intemporel que nous avons aimé, il ne sait même plus en quelle année il se trouve, mais un simple regard sur son visage marqué par la vie suffit à esquisser un homme qui a trop souvent cotoyé la mort et qui approche inéluctablement vers son dernier tango. La douleur est son amie la plus fidèle, si bien que Max passe ses journées à vider des bouteilles et des flacons de médocs. Lui qui fit la chasse aux camés de NYC pour les Stups, le voilà plus défoncé que n'importe quel accro au V. Perdu dans la merde clinquante de Sao Paulo comme agent de sécurité pour la riche famille Branco, Max va tomber dans une affaire d'envergure dont il ne sortira que par la voix des armes, et elles ne cesseront de chanter.

Pour le concert, Rockstar nous propose toute son expérience sur GTA4 et Red Dead Redemption. Un système de couverture de qualité, une première pour la série, qui change de nombreuses choses dans la forme, mais pas forcément dans le fond. Si à l'époque il nous fallait connaître les emplacements de nos ennemis sur le bout du canon pour nous en sortir à moindre mal, l'arrivée du système de couverture nous offre dans les faits un round d'observation pour choisir une tactique d'approche. Plus attentiste? Je ne pense pas. Car R* a équilibré la chose, et pas qu'un peu, par l'aggressivité mesurée des ennemis, leur nombre, et leur talent au tir. Il faut bien l'admettre, dans nos précédentes aventures, nous avions toujours cette première "salve gratuite" qui ne nous touchait que très rarement, comme un avertissement de notre obligation à ouvrir les vannes et déverser la mort sur notre passage. Cette fois-ci, même le tir à la Libanaise n'est pas sans danger; les ennemis n'hésiteront pas à venir vous déloger si besoin est, ou à vous sniper de loin. Oui, en dix ans les méchants de jeux vidéo ont appris à viser, et souvent mieux que vous. Même lors d'un bullet time qui était autrefois une gourmandise de sadisme, il faut bien comprendre que vous ne serez plus à l'abri. Au départ plus posé que ses prédécesseurs, Max Payne 3 s'avère bien plus pétaradant et sans doute plus exigeant. Si on joue à un niveau élevé, sans l'aide à la visée (à retirer absolument sinon c'est bien trop simpliste), on arrive à un challenge ma foi assez relevé qui vous imposera de maîtriser Max dans toutes ses qualités ainsi que ses défauts.

Qualités dans sa manière de se déplacer d'une part, avec une palette de mouvements ultra polyvalente, vous permettant de réagir à toutes les situations, qu'il faille être discret ou s'aventurer vers plus d'improvisation. Ainsi vous pourrez rester accroupi et progresser lentement de couverture en couverture, ou être plus percutant dans votre approche et sauter par dessus tables et comptoirs pour attaquer vos ennemis directement au corps à corps. Un corps à corps qui s'éloigne de l'esprit d'antan où la barre de fer était à l'époque l'arme de dernier recours quand on gaspillait nos munitions. Ici il s'agit avant tout du paroxisme de l'agressivité du joueur. Lorsque celui-ci décide d'en finir au plus vite et va jusqu'à poser son canon sur la tempe de son ennemi pour lui mettre un peu de plomb dans le crâne. Une nouveauté qui garde malgré tout l'ADN de Max Payne, avec ce moment de rien, le calme avant la tempête, où vous tenez en joue un adversaire vulnérable, et c'est à vous d'appuyer sur la détente. Glacial.

Dans le même ordre d'idée il faut une fois de plus saluer la maîtrise de Rockstar dans la gestion des dégâts. Euphoria est une merveille et je ne cesserai jamais de le répéter, et il fait encore une fois montre de sa supériorité sur ce titre. Une technique qui apporte une saveur inégalée dans le gameplay, où chaque balle compte, chaque impact se ressent et nous oblige à jouer différemment. Ainsi, les décors (qui fourmillent de détails) sont eux aussi agrémentés de petites intéractions vous permettant de mettre hors d'état de nuire vos adversaires et ce très facilement. Nous avons là un gameplay reprenant les fondamentaux de Max Payne 2, tout en lui apportant plusieurs couches supplémentaires de profondeur par le biais de la technologie et des nouvelles normes. Une bien belle surprise pour le joueur en manque d'exigence et souhaitant renouveler avec cette satisfaction presque intime où l'on termine une zone sans avoir croqué le moindre cacheton. Comme quoi on peut être oldschool sans pour autant paraître archaïque.

Mais attention cependant, la partition est loin d'être parfaite, même dans le gameplay. Malgré une animation généreuse, il est regrettable de se retrouver avec un problème qui défrise, enfin... Qui defreeze. Cinq ans après Stranglehold, on aurait pu attendre de Max qu'il soit aussi à l'aise avec son environnement, surtout en bullet time. Mais le fait est que lorsque vous sautez au ralenti pour éliminer votre ennemi avec une classe monstre, le moindre rebord de muret, de table ou autre obstacle sonne la fin brutale du ralenti et vous place dans une position des plus inconfortable qui ne pardonne pas dans un jeu aussi éxigeant. On pourra dire que ça renforce la difficulté du titre en vous obligeant à être attentif à ce genre d'obstacles, mais après Stranglehold, il aurait été de bon ton de voir Max épouser le décors avec un peu plus de naturel. Les animations sont riches, mais elles manquent de réponse dans des situations spécifiques. Deuxième point regrettable, en tout cas dans ma propre expérience, le fait que je ne sache presque jamais où se trouve le pointeur lorsqu'il n'apparait pas à l'image. Qui comme moi a regardé un adversaire alors qu'on était planqué derrière un mur, puis dégainé notre arme pour se rendre compte qu'en fait on visait trois mètres plus à droite? Qu'il y ait un temps d'adaptation à un système de visée je l'accepte volontier, mais de toute l'aventure je n'ai à aucun moment saisi où se trouvait le point de visée. Dans un titre où les ennemis ne manqueront pas deux fois l'opportunité de vous pincer la peau à coup de 9mm, avoir ce handicap peut s'avérer problématique.

Il reste malgré tout évident que le gameplay de ce Max Payne 3 garde toute la verve de ses grands frères, en y apportant le sel des productions actuelles et l'expérience de son nouveau développeur. C'est le premier gros soulagement de ce Max Payne 3, c'est bien un Max Payne, et il mérite son numéro.

Concernant l'ambiance et la narration de cette troisième histoire, beaucoup ont craint de perdre le goût amer dont on se délectait autrefois dans les deux premiers opus. Ces immeubles miteux où la rouille se mélange au bois vermoulu, quand la neige laisse place à la pluie, puis aujourd'hui, au soleil...

On peut craindre en effet un syndrome "Die Hard 4", et sur certains points c'est effectivement le cas. Il y a dans cette mise en scène et dans l'écriture de Max Payne 3 un côté exagéré, ce plaisir excessif si caractéristique des productions Rockstar. Si ça s'inscrit dans la volonté de R* de montrer le détachement hallucinant de Payne face à la violence et la mort, on pourra regretter le ton trop décalé qui en ressort. Max n'accorde plus aucune valeur à la vie, et les morts s'enchaînent sans qu'on ressente la chute progressive de notre personnage vers une fin tragique. D'autant qu'avec la technologie, les killcams sont plus violentes que par le passé, sans que ça apporte quelque chose à l'ambiance générale, au contraire même. C'est un sentiment très particulier qui ressort de la mise en scène de MP3, l'impression qu'il est plus "gratuit" que ses prédécesseurs, et finalement moins marquant, tant Rockstar nous pousse à nous détacher du destin de Max. Bien sûr cette impression fait corps avec le scénario même du jeu, mais là où je trouve la pratique maladroite, c'est que malgré les renversements de situations, la pratique demeure. C'est également le cas avec l'effet de décrochage de l'image, omniprésent dans l'aventure, voir abusif. Cet effet renforce l'idée que Max est drogué et bourré comme jamais, et c'est une idée parfaitement louable, même si elle aurait mérité plus de parcimonie. En revanche, à l'instar du soucis précédent, je m'attendais à ce que cet effet se retire à partir d'un certain moment dans l'aventure, pour qu'effectivement il ait une véritable justification scénariste. Mais malheureusement cet effet demeure du début à la fin du titre, et finit par vous gaver tant il est dépensé à outrance.

Reste malgré tout la voix-off remarquable de James McCaffrey qui nous accompagne sans arrêt, certains passages de grande qualité qui apportent vraiment à l'aventure comme les flashbacks à New York, même si encore une fois ils souffrent de l'éxubérance typique de Rockstar. A noter également des panoramas parmi les plus beaux de cette génération. Loin de n'être que de vulgaires jpeg un peu baveux, ces panoramas envoient vraiment du lourd, et souvent je me suis arrêté pour un moment de contemplation. On pourra sans doute regretter que les anciennes phases de "plateformes" aient été remplacées par des cutscenes, renforçant de ce fait l'idée que ce Max Payne 3 est un shooter pur et dur. Pour ma part je reconnais volontiers que ces phases étaient loin d'être les plus mémorables dans les premiers MaxPayne, mais le côté très dirigiste de Rockstar sur ce jeu est assez surprenant pour le développeur de "la liberté du joueur". Une tentative louable, qui n'est cependant pas exempte de reproches.

Passons rapidement sur le côté Arcade du titre, avec la rejouabilité très intéressante du solo, que ce soit via le scoring, les défis ou bien la minute new yorkaise, tout est là pour vous perfectionner et vous donner envie de retourner régulièrement à la mitraille. Un mode Multijoueurs également, très convainquant, à la Uncharted finalement, qui tout en étant très honnête n'est pas vraiment le type de multi qui me fait rester sur un jeu. Il apporte malgré tout des idées très intéressantes dans le genre, et puis réussir à intégrer le bullet time dans une expérience en ligne c'était un casse-tête réalisé avec beaucoup d'intelligence.

Et un nouveau coup de gueule sur les sous-titres microscopiques! Je veux des noms ! Qui est responsable de cette connerie?!



A l'heure des Adieux je quitte Max bien plus rassuré que lors de nos retrouvailles. Rockstar a fait un boulot remarquable pour conserver l'ADN de la franchise en jeu, en lui apportant tout son savoir-faire pour un résultat vraiment prenant. En revanche la mise en scène se trouve à mon sens plombée par l'incapacité du studio de proposer une aventure intime, viscérale. Tout comme son effet de décrochage, Max Payne 3 souffre d'une exubérance mal venue et malheureusement gratuite. Reste donc le plaisir de retrouver un TPS qui ne pardonne aucune fausse note, qui vous impose l'excellence pour libérer toute votre jubilation. Rockstar, autrefois risée du système de gunfight, en devient un des exemples et signe là certainement sa plus belle copie sur le sujet. En revanche il pêche là il était irréprochable, par un excès incongrue d'effets de narration.
Anfalmyr
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le 21 juin 2012

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