Alerte spoilers : une bonne majorité du scénario est décrit ici, si vous comptez jouer au jeu, vous feriez mieux de ne pas lire cette critique.


Certains l’attendaient depuis son annonce il y a trois ans, d’autres encore l’attendent depuis ses dernières aventures il y a cinq ans de cela, et les plus puristes sont en extase sur son retour sur grand écran après bientôt onze ans. Une attente interminable, rythmée par les trailers tous plus alléchants les uns que les autres, et légèrement allégée par une démo d’une heure vendue plein pot dont je ne parlerais pas plus que ça. Mais cette attente est arrivée à un terme le premier septembre, jour de gloire que nous attendions tous. Big Boss est de retour, et il amène avec lui le dernier épisode d’une des franchises les plus cultes de l’histoire du jeu vidéo, le lien manquant d’une série qui aura fait parler d’elle jusqu’à son dernier souffle, Metal Gear Solid V : The Phantom Pain.



V Has Come To



Avant de parler du jeu en lui-même, contextualisons un peu la chose :
MGSV se situe chronologiquement neuf ans après Ground Zeroes, qui lui-même se situait directement à la suite de Peace Walker. Cet épisode est donc celui qui aborde la fameuse opération « Les Enfants Terribles », qui a conduit à la naissance des deux clones de Big Boss, David (Solid Snake) et Eli (Liquid Snake). Le jeu va donc faire le lien entre les dernières aventures de Big Boss et la génèse de Solid Snake, étant donné que chronologiquement il est suivi du premier Metal Gear (celui sur MSX), épisode où Solid Snake défait en combat Big Boss.


Le simple fait d’avoir choisi de raconter l’histoire de Snake (Snake réfère à Big Boss) à ce moment précis de la timeline est audacieux. Jusqu’à présent dans la série, et plus particulièrement dans MGS1 et 2, le coma de neuf ans de Big Boss a toujours été évoqué en tant qu’élément de contexte, comme une justification de l’existence de Solid et Liquid, et MGSV va prendre cet élément de contexte pour l’approfondir considérablement, et en faire le moment clé de toute la série. Autant dire que cet épisode a les épaules lourdes d’attente et d’explications.


Le jeu commence donc sur le réveil de Boss dans un hôpital en Chypre. Pas le temps de reprendre ses esprits que l’on se fait attaquer par une escouade de militaires surentraînés, et qu’il faille s’enfuir au plus vite de cet hôpital. C’est donc le prologue, qui dure environ deux heures, et qui consiste surtout à presser le stick gauche vers le haut et regarder les cinématiques toutes plus étranges les unes que les autres.
Car comme toujours, Kojima aime mélanger sérieux et fantastique, et MGSV ne déroge pas à la règle : entre l’homme en flammes, le jeune garçon aux pouvoirs surnaturels et une baleine géante qui nous fonce dessus à la sortie, à ce moment du jeu seul une question vient à l’esprit : « C’est quoi tout ce bordel ? ». C’est une des forces du jeu, mais nous y reviendrons plus tard.


Après ce prologue où on finit par se faire récupérer par Ocelot sur son cheval, le vrai jeu commence enfin, celui où on s’infiltre et on tue des gens sans se faire remarquer.
Le jeu se découpe donc en deux chapitres, le premier étant le plus long des deux et celui qui est aussi le plus scénarisé. Pour éviter confusion, je vais dans un premier temps parler de tout ce qui concerne le premier chapitre avant d’embrayer sur le second.



We are Diamond Dogs



Au cas où vous n’aviez pas saisi avec le nom subtil du chapitre qui est « Vengeance », le but de Big Boss et de son armée privée, les Diamond Dogs, est de retrouver et éliminer Cipher, une agence de renseignements à l’origine de l’incident Ground Zeroes, qui deviendra par la suite le réseau d’influences que l’on connaît tous : Les Patriots, avec à sa tête Major Zero, un nom bien connu de ceux qui ont fait MGS3 : Snake Eater.
Pour accomplir cette vengeance, il nous faut donc étendre la portée et la puissance des Diamond Dogs, ainsi que celle de notre QG, la Mother Base. Pour cela, extraire des soldats trouvés sur le terrain et les former à rejoindre notre rang, trouver des matériaux/véhicules utilisables, mais surtout marcher sur les plate-bandes de Cipher pour petit à petit s'en approcher.
Rapidement, on croisera la route du principal antagoniste du jeu : Skull Face. Un homme sans visage et assez mystérieux et qui était le commandant en charge de l'incident Ground Zeroes, causant le coma de Big Boss pour rappel. Plus tard, et à plusieurs reprises, on retombera nez-à-nez contre l'homme en flammes et l'enfant qu'il protège visiblement. Ce sont principalement ces trois membres de Cipher qui articuleront tout le jeu et qui serviront aussi de bossfights.



Tactical Espionage Operations



Parlons maintenant du coeur du jeu, et ce qui a été mis le plus travaillé et mis en avant : son gameplay, une véritable révolution et redéfinition du genre de l'infiltration.


Le gameplay de MGS n'aura jamais été d'une profondeur pareille. Grâce à l'open-world du jeu, les possibilités d'infiltrations sont décuplés, il est possible d'entrer dans une zone de plusieurs manières différentes, d'aborder une mission différemment, de s'exfiltrer d'une zone soit à pied, soit en véhicule, soit en appelant l'hélicoptère, et j'en passe. Jamais un jeu d'infiltration n'aura été aussi complet dans son core gameplay, et jamais le genre n'a connu un jeu qui repousse toujours autant ses limites pour offrir ce qu'on peut facilement qualifier comme étant l'infiltration à son paroxysme, jusqu'à présent du moins.


Snake a gagné énormément en souplesse, et il est terriblement jouissif de le contrôler, foncer à grande vitesse, plonger sur un garde pour lui placer une prise de CQC avant de se plaquer au sol pour ne pas se faire remarquer par son pote qui arrivait non loin. A cette palette très variée de coup s'ajoute un catalogue très conséquent d'armes, létales ou non, à débloquer et utilisables en missions. Digne de l'Inspecteur Gadget, on passe de simples fusils de chasse et pistolets tranquillisants à des soldats gonflables, des fulguro-poings ou encore l'inévitable et culte carton, toujours aussi utile.


A tout cela vient s'ajouter une des nouveautés du jeu : le coéquipier. En effet, pendant l'infiltration il est possible de se faire accompagner par, au choix, un cheval, utile pour se déplacer entre deux avant-postes ou chier par terre, un chien qui permet de repérer les ennemis à distance et les mines au sol, un Walker Gear, robot de transport armée d'une mitrailleuse et upgradable, et enfin une sniper d'élite fort peu vêtue du nom de Quiet, qui aura son rôle à jouer dans le scénario. Bref, beaucoup de choix s'offrent à vous et les méthodes d'infiltration sont aussi variés qu'efficaces, et peuvent parfaitement s'adapter à votre style.


Mais là ou c'est vraiment fortiche, c'est que ce gameplay si profond est accompagné d'un level design tout bonnement excellent dans les zones à infiltrer. On sent très bien la patte japonaise sur le jeu car toutes les zones sont savamment construites et désignées afin d'offrir une infiltration toujours au top, toujours plus variée et excitante. Il faut pourtant devoir revisiter plusieurs fois les mêmes zones pour faire certaines missions, mais jamais on ne s'ennuie, tant les approches sont différentes et que jamais il ne se passe deux fois la même situation. L'improvisation est elle aussi une compétence qu'il faudra travailler, surtout pour les vrais bonhommes qui jouent sans mode réflexe.



Drag out the demon inside of me



Et c'est donc après près de trente missions principales, à l'issu d'un combat final contre le Metal Gear Sahelanthropus typique d'un MGS, que le premier chapitre se finit, sur la mort de Skull Face, et de la chute de son plan de purification ethnique du monde. Et c'est sur une cinématique extrêmement classe que le jeu fait la transition vers le chapitre 2, nommé sobrement "Race".


Et là, la narration du jeu change directement. Etant donné la mort de l'antagoniste principal au précédent chapitre, il n'y a plus vraiment d'objectif précis, en dehors de pourchasser toujours plus Cipher. Ce chapitre 2 va donc principalement s'articuler autour du développement des personnage principaux de la Mother Base (Eli, Huey, Quiet et Miller) et conclure leurs arcs scénaristiques, de manière terriblement bien mise en scène pour certains (Quiet en particulier, elle s'approprie toute la mission 45 qui est la dernière mission originale du jeu - mais pas la dernière pour autant- ), d'une manière triste et volontairement frustrante pour d'autres (Huey putain) et abruptes pour cause de manque de budget pour les restants (Eli surtout).


Mais même si moins scénarisé, ce chapitre 2 n'est pas moins intéressant, sur la dizaine de missions originale qu'il propose se situent de véritables perles, notamment l'incroyable mission 43 qui figure sans aucun doute possible parmi les plus grands moments vidéoludiques de ces dernières années, et qui symbolise totalement le thème de MGSV, la métamorphose de Big Boss en démon vengeur. Un véritable chef d'oeuvre de mise en scène et une leçon de story-telling.
La mission 45, malgré qu'elle soit en elle-même une des plus mauvaises du jeu à cause de son combat contre des tanks beaucoup trop long et inintéressant, a également une cinématique de très haute facture et qui conclut l'arc scénaristique de Quiet d'une merveilleuse façon, et prouvant au passage qu'il n'y a pas toujours besoin de mots pour développer un personnage et le rendre attachant pour le joueur.



The Phantom Pain



Mais bien sûr, le joyau de la narration de MGSV se situe dans sa mission 46, qui sera très sûrement une des plus mémorables de la série, lorsqu'on en reparlera dans dix ans.
Cette mission consiste à revivre le prologue, après avoir fini le jeu et obtenu tout les éléments de réponses qu'il fallait pour atteindre la vérité, et pouvoir enfin répondre à toutes les questions qu'on se posait au début de l'aventure. L'homme en flammes qui n'est autre qu'un rival ranimé par la soif de vengeance ; l'enfant télépathe manipulé par les adultes et qui finira par s'en aller avec un autre enfant pour former des années plus tard la fameuse FoxHound ; l'assassine envoyée pour nous tuer, sans succès, qui continuera son plan en rejoignant Mother Base en tant que sniper d'élite, avant de tomber amoureuse de la légende de Big Boss.


Mais le clou du spectacle, l'ultime twist, l'ultime révélation, celle qui était insoupçonnable et l'un des plus grands coups de maître d'Hideo Kojima, c'est celle de briser complètement le 4ème mur lorsqu'il nous révèle que le Big Boss que nous contrôlions depuis le début n'était pas le vrai Big Boss, mais son double factice, le fantôme de son plus fidèle lieutenant avec qui il a décidé de changer de place après un coma de 9 ans, et que ce fidèle lieutenant qui créera et incarnera la légende de Big Boss, c'est toi, joueur.


Et c'est sur cette note finale, ce coup de théâtre au moment ou tout était fini, qui m'a fait réaliser à quel point j'étais immergé dans l'univers de MGSV. J'y ai passé 75h avant d'arriver à cet ultime moment, 75 heures à m'infiltrer, 75 heures à étendre ma réputation et la Mother Base, 75 heures à bâtir la légende de Big Boss. Cette légende, ce personnage, c'est moi, en tant que joueur qui l'ai crée, et c'est lorsque Kojima me l'a annoncé dans cette ultime cinématique que tout s'est soudainement expliquée : Contrairement à la majorité des jeux vidéos, on ne contrôle pas un personnage donné, on l'incarne, on crée son histoire par le gameplay, on construit sa légende.



Kept you waiting, huh ?



MGSV n'est pas un jeu exempt de défaut, certaines missions sont frustrantes, certains bossfights sont inutilement pénibles, les mécaniques d'extensions de la Mother Base sont calqués sur celles d'un jeu smartphone et c'est souvent assez long d'étendre son personnel pour débloquer des armes intéressantes. Le jeu a énormément divisé, comme tout les MGS au final, pour tout ses changements par rapports aux quatre premiers MGS, beaucoup plus classiques et linéaires.


Mais au final, quand je dépose ma manette après avoir passé 75h de jeu et qu'il faut faire le bilan, ce que je retiendrai c'est un jeu qui m'a totalement happé pendant quatre semaines depuis sa sortie, un jeu qui m'a totalement pris dans son histoire et son univers, un jeu qui m'a fait construire construire mon personnage au cours d'une histoire captivante, pour au final me remettre à ma place de joueur et me faire regarder derrière moi tout ce que j'ai accompli.
C'est un sentiment rare dans un jeu vidéo, très rare, cela faisait des années que j'attendais un jeu de ce calibre, je ne m'attendais pas à ce que ça soit Hideo Kojima qui me le délivre finalement, en tant que son dernier chef d'oeuvre. Du début jusqu'à la fin, il aura prouvé sans conteste qu'il mérite de faire partie du panthéon des génies du jeu vidéo.

Kanozu
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le 2 oct. 2015

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