Dire que AoE III (oui, on va faire rapide) est innovant serait enfoncer une porte ouverte. Si AoE II, mis à part le changement d’époque historique, reprenait (et améliorait) le système de jeu de son prédécesseur et n’apportait donc pas de surprise, AoE III, quant à lui, change de beaucoup l’expérience de jeu.


Tout d’abord, l’époque historique concernée va de 1492 à la fin du 19e siècle. En effet, le Nouveau-Continent va être notre nouveau terrain de jeu, où nous devrons établir une colonie. Et qui dit colonie dit métropole. Et c’est l’une des très grandes nouveautés du jeu : chaque objectif atteint, chaque ennemi tué ou bâtiment détruit va nous rapporter des points d’expérience, qui feront gagner des niveaux à notre colonie. Et ces niveaux vont permettre de débloquer des chargements en provenance de la métropole, chargements uniques ou non dont le choix va s’accroitre avec la puissance (le nombre de PX reçus) de la métropole en question. Ces chargements, qui arrivent sur l’aire de jeu au bout d’une vingtaine de secondes, peuvent être des ressources, des unités militaires, des colons voire des améliorations. Ainsi, on peut techniquement disposer d’une armée sans même avoir construit la caserne correspondante, ou bénéficier d’un coup de pouce en cas d’attaque. Les métropoles sont au nombre de huit : Espagne, Angleterre, France, Portugal, Hollande, Russie, Allemagne et Empire Ottoman, chacune avec ses forces et ses unités uniques. Autre nouveauté, la possibilité de s’allier aux peuples locaux. Outre le fait qu’elles disposent d’unités uniques, ces troupes ne rentrent pas dans le décompte d’unité de notre colonie, ce qui est très intéressant en cas de conflit majeur. Pour sceller cette alliance, on peut compter sur un tout nouveau type d’unité, l’explorateur. Contrairement à ce qui en tenait lieu dans AoE I et II, et qui ne servait pas forcément très longtemps, l’explorateur a nombre de qualité : outre le fait qu’il peut sceller des alliances, il peut également trouver des trésors (et assez facilement se débarrasser des gardiens, animaux sauvages ou unités neutres hostiles) rapportant des ressources ou de l’expérience, et construire des comptoirs le long des routes commerciales, afin de gagner des ressources ou de l’expérience très régulièrement (et dont le nombre dépend du degré d’amélioration du comptoirs). Dans les faits, le contrôle de comptoirs relève généralement d’une importance stratégique majeure. Enfin, dernière nouveauté importante, la campagne solo a été entièrement revue : finies les campagnes où l’on suivait une civilisation (AoE I) ou un héros historique (AoE II), on est ici dans une histoire complètement imaginaire, bien que l’on soit amené à croiser la route de quelques figures réelles ou à se mêler à des évènements historiques (la révolte de Bolivar, par exemple). Un parti pris osé, mais pas ridicule non plus qui permet de diversifier un peu l’expérience de jeu. Petit bémol, cela dit : j’avoue ne pas avoir trop accroché sur ce concept d’eau magique et tout et tout…


Au rang des nouveautés mineures, on notera quelques changements : désormais, le passage d’âge permet de choisir entre deux bonus (des vaches ou un coffre d’or, par exemple). D’ailleurs, en parlant de vaches, il est intéressant de noter que le concept d’engraissement à fait son apparition : ainsi, une vache peut être abattue dès son obtention, mais elle produira plus de viande si on attend un peu (si l’on dispose de la structure nécessaire, sinon, c’est plutôt long pour qu’elle atteigne son potentiel maximum). La production de ressources a également été revue : désormais, plus besoin d’une structure de collecte spéciale. Concrètement, les colons collectent la ressource jusqu’à son épuisement ou qu’on lui assigne d’autres ordres. J’avoue trouver ça un peu dommage, puisqu’un tel ouvrier pourra collecter des tonnes de bois sans jamais retourner à sa base. Cela dit, cela ouvre de nouvelles possibilités. On notera également la possibilité de bâtir des structures rapportant de l’or (les champs de coton), voire toutes les ressources souhaitées (les usines). Niveau unités, on remarquera que le fonctionnement du prêtre a changé : plus question de conversion, il ne fait plus que soigner via une compétence de zone nécessitant un peu de temps pour se recharger. Au niveau des unités, il faut bien avouer que l’artillerie prend désormais assez souvent le pas sur les autres, et peuvent massacrer sans soucis un bon nombre d’assaillants, du moment qu’on la protège de la cavalerie. A ce titre, on pourra s’étonner de la nouvelle attribution des points d’expérience : il est parfois assez judicieux de ne pas attaquer un ennemi un peu moins puissant et avancé technologiquement, afin de massacrer les troupes qu’il envoie afin de gonfler artificiellement la puissance de notre métropole (qui nous suit durant toute la campagne). De même, il est plus intéressant en termes comptables de détruire petit à petit la colonie de l’ennemi au lieu de s’en prendre au cœur, ce qui aboutirait à une victoire plus (trop ?) rapide. Tout cela fait qu’AoE III apporte une expérience de jeu vraiment nouvelle et pouvant potentiellement dérouter. Alors qu’avant , le nombre d’unité était assez souvent synonyme de puissance militaire, on peut voir ici qu’un chargement de trois fauconneaux (suffisamment appuyés, j’entends) peut sans trop de mal mettre en déroute une jolie armée de fantassins. Quant aux murs et autre fortifications, là, on est presque sur de l’anecdotique : les puissants forts pourront sécuriser un périmètre contre des assaillants assez bêtes pour se jeter dessus (l’IA, par exemple), mais ne résistera pas à une bonne attaque d’artillerie. Les roquettes sont à ce titre limite tricky, et en voir arriver donne un peu le sentiment de voir l’ennemi débarquer dans AoE II avec une demi-douzaine de trébuchets pouvant faire office de mangonneaux. Les couleuvrines peuvent constituer une riposte, mais bon, on est encore dans l’artillerie, là. L’heure des attaques d’infanterie semble loin, et même si la cavalerie peut parfois avoir des cartes intéressantes à jouer, il faut désormais s’axer autour de l’artillerie.


The Warchiefs, le premier add-on, introduit les civilisations indiennes et deux campagnes suivant le père d’Amélia Black (Nathaniel) au cours de la guerre d’Indépendance, et le fils de celle-ci (Chayton) jusqu’à Little Big Horn. On regrettera un peu que la civilisation aztèque ne puisse pas bénéficier de sa propre campagne, question de bakground, je suppose. Les deux campagnes sont assez sympathiques et nous plongent dans les (la ?) nouveauté de cet add-on : le foyer. Il s’agit d’un bâtiment permettant de bénéficier de bonus : production d’unité plus rapide, unités faisant plus de dégâts, production de guérisseurs, augmentation du plafond de population, production de points d’expérience… Ce bonus est proportionnel au nombre de villageois qu’on envoi danser autour du feu (jusqu’à 25). Dans les faits, ces bonus peuvent devenir très intéressants et assurer un avantage décisif. On notera un léger handicap au niveau de l’artillerie, dont les cartes métropoles sont bien moins puissantes et nombreuses. Mais à la rigueur, c’est tant mieux pour l’immersion. Autre nouveauté, il va désormais falloir gérer notre deck métropole : plus question d’avoir des cartes à foison, il va falloir choisir parmi un maximum de 20 cartes. En revanche, vu l’époque historique, les cartes sont généralement toutes disponibles de suite. Mais globalement, pas de grands changements de gameplay dans Warchiefs.


Par contre, du changement, on va en rencontrer dans The Asian Dynasties. Les trois nouvelles campagnes vont nous emmener tour à tour au Japon, en Chine et en Inde. On notera que si les campagnes japonaises et indiennes sont historiques (avec respectivement l’ascension de Togukawa Ieyasu et la Révolte des Sepoy), la campagne chinoise va nous entrainer à la découverte de l’Amérique. Première nouveauté au niveau du gameplay, le consulat : en échange d’un taux de collecte de ressources légèrement amputé, on va pouvoir alimenter notre consulat en point d’exportation, et s’allier à une puissance européenne qui, en échange, nous enverra des troupes et des technologies inédites. Deuxième innovation, les unités dans les casernes sont clairement nouvelles (vive les éléphants indiens et les lance-flammes chinois) et leur mode de recrutement varie : ainsi, dans la campagne chinoise, on ne produit pas par unités, mais par groupes d’unités. Tout cela est assez dépaysant, un peu déstabilisant au début, mais on s’habitue. Troisième nouveauté, le retour des Merveilles. Cependant, désormais, elles servent à faire changer d’ère à la civilisation asiatique, et apporte de plus un bonus après sa construction. Par exemple, le Taj Mahal indien permet au joueur de bénéficier de cessez-le-feu, le Torii japonais donne un bonus d’expérience, la Tour de Porcelaine chinoise génère des ressources… On a donc ici un add-on qui change vraiment l’expérience de jeu, et nous emporte jusqu’à la fin du XIXe siècle.


En résumé, AoE III est un excellent jeu, qui a su faire peau neuve et garder tout son intérêt. On regrettera cependant que la trop grande puissance de l’artillerie nuise à l’éventail stratégique.

Chat-alors
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le 24 août 2017

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