La longue liste des crédits défile sur mon écran.
Me voilà arrivé au terme de cette aventure étrange que l'on nomme Alan Wake. Il est tard, je frotte mes yeux fatigués, et tandis que la longue liste de noms continue sa course, j'essaye de remettre en ordre tout ce qui s'est passé durant cette douzaine d'heures de jeu. Je sais déjà que le constat sera doux-amer. Il y a cette sensation qui me tient au ventre, l'impression qu'une ombre continue de planer sur ce titre en dépit de son achèvement. Et par malheur, c'est une ombre de nature multiple.

Pour moi, Alan Wake fait partie de ces jeux qui possèdent leur propre atmosphère, laquelle sert à attirer le public friand d'expériences nouvelles et atypiques. C'est donc avec cet état d'esprit que j'ai commencé l'aventure, et sur ce point il est vrai que le titre tient ses promesses. Le background donne le sentiment d'être dans un coin reculé du monde, où l'environnement sert de grandiose prison aux habitant de Bright Falls. La direction artistique est impeccable et soignée. Et même si les graphismes sont datés, les sensations que l'on a en se perdant dans les forêts de la région, en visitant les barraques en bois, et s'arrêtant au pied d'une falaise pour scruter l'horizon, ces sensations-là donnent un aspect d'authenticité au titre et favorisent énormément l'immersion du joueur.
De fait, l'exploration des lieux a, en début de partie, un attrait indéniable, d'autant que le level design est intelligement pensé. Tous les environnements sont basés sur des couloirs étendus, c'est-à-dire que la progression du joueur est nettement linéaire et balisée, mais en même temps la taille de chaque lieu permet de faire abstraction de cette construction. De plus, fouiller un peu chaque coin permet de trouver des items, voire des pages du manuscrit de Wake qui servent à cerner un peu mieux l'histoire. Enfin, il y a aussi des choix tactiques qui s'offrent au joueur à plusieurs reprises: est-ce que je suis le sentier en sachant que le chemin vers la zone sûre sera plus long, où est-ce que je prends le risque de couper pour diminuer la distance sachant que je risque d'être ralenti par des obstacles naturels ? Et croyez-moi, cette question, quand le vent se lève et que les ombres deviennent plus menaçantes, vous vous la poserez souvent !
En revanche, l'un des gros points noir du jeu tient dans la répétitivité des environnements, et particulièrement la forêt. Dans tous les chapitres, vous serez amenés systématiquement à aller d'un point A à un point B en coupant par les bois, et cette sempiternelle randonnée est extrêmement lassante. Car non seulement Remedy recycle cet environnement en rajoutant deux trois éléments pour dire qu'il y a de la variété, mais en plus les évenements qui s'y passent sont toujours les mêmes... C'est d'autant plus dommage que cette routine enlève à l'horreur de la situation, et ces phases qui au départ sont pleines de tension deviennent au fur et à mesure des courses bourrines sans saveur.

Pour autant, le gameplay du jeu recèle quand même de bonnes idées. En premier lieu, l'utilisation de la torche et autres fusées de détresses, en fait de la lumière même comme première défense contre les ennemis possédés par les ténèbres, ce mécanisme est très bien pensé et permet l'élaboration de stratégie différentes en fonction des situations. La lumière peut servir à briser l'invulnérabilité des ennemis, mais aussi les aveugler quelques petites secondes, voire les repousser si l'on utilise un bâton de détresse. Dès lors, on se retrouve à choisir entre combattre et fuir la menace, mais dans les deux cas rien n'est simple. Les ennemis arrivent le plus souvent par groupe, ils sont vifs et capables de lancer des armes sur le personnage. Et bien que l'on récupère tout de même suffisamment de munitions en mode normal, la santé diminue vite et les adversaires reviennent vite à la charge. La fuite est souvent la meilleure option tant qu'on n'est pas forcé d'éliminer tout danger.
Le combat lui même est d'ailleurs assez ardu à prendre en main, la faute à un Alan pas très maniable au clavier sur PC. Lent, il s'essoufle vite aussi ce qui n'aide pas à fuir. On arguera que c'est un intellectuel peu sportif, mais franchement un type qui n'est pas capable de faire le tour d'une maison sans crever de fatigue, je me dis qu'il a un sérieux problème de tabagisme ou qu'il est à deux doigts de la mort...
Bref en plus de cela, le jeu vous offre tout de même un arsenal qui peut être ravageur, notamment la grenade incapacitante, mais quelle plaie de changer d'arme à la molette ! En pleine panique, on manque souvent son arme et plus occupé à regarder ce qu'on prend plustôt que ses adversaires, les sales coups vont vite ! Un autre point très rageant, le placement de la caméra. De nombreuses fois on se retrouve à avancer à l'aveuglette car les arbres nous cachent la vue. Ou pire encore, on fait une esquive juste à côté de la falaise qu'on croyait encore loin...
Comme dit, les situations se répètent et la plupart du temps on se retrouve à courir dans les bois en esquivant des enténébrés. Cependant il y a tout de même des passages qui apportent de la variété. Par exemple des phases en véhicules qui donnent une impression jouissive de toute-puissance face au mal, des courses sur des passerelles se disloquant sous nos pas, des petites phases d'enquête qui donnent un peu d'interaction avec les habitants de Bright Falls, et j'en passe. Oui, malgré la globale répétitivité du titre, il y a tout de même des passages qui apportent un souffle de fraîcheur et qui empêchent la lassitude de s'installer. C'est en partie ce qui aide à continuer l'aventure, ça et les mystères que recèlent le scénario...

L'histoire d'Alan Wake est un mélange entre le thriller psychologique et le roman d'horreur. Divisé en 6 chapitres (ou épisodes selon le jeu), il narre l'histoire de l'écrivain Alan Wake en panne d'inspiration et prenant des vacances dans la région aux allures canadienne de Bright Falls en compagnie de sa femme Alice. Mais tout vire au cauchemar lorsque le soir venu, sa belle est emportée par les ombres au fond du lac. Wake tente de la sauver mais échoue et se retrouve une semaine plus tard dans une voiture accidentée au bord d'un précipice, incapable de se rappeler des évènements depuis la disparition de sa femme. S'ensuite alors une enquête pour remonter le fil de sa mémoire, aidé par les pages disséminé dans Bright Falls d'un manuscrit qu'il a lui-même écrit, et confronté à l'horreur mystérieuse de ténèbres qui semblent le pourchasser...
Le synopsis est on ne peut plus accrocheur, vous ne trouvez pas? Et là où Remedy fait fort, c'est que les éléments susceptibles d'aider à comprendre l'histoire d'Alan Wake sont disséminés tant et si bien au travers des 6 chapitres que le joueur est toujours scotché à l'intrigue. L'envie de savoir le fin mot de l'histoire est le moteur qui pousse à progresser et à ne pas lâcher le jeu. Néanmoins, la narration d'une histoire psychologique et horrifique est un exercice périlleux, et malheureusement Remedy rate complètement sa sortie, tant et si bien qu'au terme de l'aventure on a l'impression d'avoir encore plus de questions à poser, et ce non seulement sur le dénouement de l'histoire, mais aussi sur tout son déroulement ! Un comble ! Alors je sais que certains sont friands d'histoires où l'interprétation a une grande place, et personnellement je n'ai rien contre dans une certaine mesure, mais Alan Wake dépasse la limite. Le scénario lance des pistes sans jamais aller jusqu'au bout, il n'y a strictement aucune réponse claire ni aucun moyen de légitimement pencher pour telle ou telle explication. La fin elle-même est complètement opaque, préparant faussement le terrain à une quelconque suite. En ce sens, Alan Wake est une déception...

Pourquoi 6 étoiles alors? Et bien en dépit de ses défauts malheureux, il m'est impossible de nier que le jeu est accrocheur par son ambiance et son déroulement. Alan wake est une bonne expérience, qui tient en haleine, et dont certains passages promettent des pics de tension et des moments visuellement impressionnants. Il ne lui aura manqué qu'un vrai scénariste pour en faire un titre incontournable.

Créée

le 5 juil. 2013

Critique lue 455 fois

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