Assassin's Creed Origins
7.3
Assassin's Creed Origins

Jeu de Ubisoft Montréal et Ubisoft (2017Xbox One)

Autant le dire, l’histoire de la licence Assassin’s Creed n’a été qu’un long et douloureux désamour entre les joueurs et celle-ci.
Après un premier episode perfectible mais original dans son concept d’enquête/assassinat ainsi que son contexte de croisade, un second bien plus dans les clous de ce qui se fait aujourd’hui mais ayant au moins le mérite de faire partie des précurseurs, la licence s’est progressivement transformé en produit d’usine, par une volonté de l’éditeur Ubisoft de standardisation de ses jeux, en rationalisant les moyens de production afin d’accroître la productivité, permettant donc une accélération des sorties et contenter les fans (consommateurs automatiques) jusqu’au gavage. Et alors qu’Assassin’s Creed Syndicate semblait signer définitivement la perte de confiance des joueurs pour la licence (et plus globalement pour l’éditeur français), et après une année de repos, voilà qu’apparaît en 2017 Assassin’s Creed Origins devant représenter le « renouveau » de la saga.
Est-ce que le pari est réussi ? Oui... mais pas tellement en fait.
Car il faut d’abord admettre que le jeu a complètement revu sa jouabilité, le systeme de combat a été corrigé et se retrouve plus dynamique que jamais, l’escalade se montre plus ouvert et ne se limite plus au bâtiments et autres points très précis, les contrôles se sont énormément affinés et fluidifiés, l’animation s’est débarrassé de tout le superflue qui s’accumulait au fil des épisodes, comme l’ATH qui est enfin épuré et l’infiltration reprend un peu de place après avoir quasiment disparu dès le deuxième épisode. Tout cela a pour effet de creer un jeu légèrement différent, mais de là jusqu’à dire un renouveau ? Et bien non car le fond du jeu lui n’a pas changé d’un iota, c’est à dire que dans les faits malgré ces changements, on reste dans un jeu Ubisoft, avec son monde ouvert Ubisoft, a comprendre « sans intérêt » malgré la beauté des panoramas offert par l’égypte antique, servi par une quête principale a la trame aussi inintéressante que clichée et rempli a ras bord d’activités annexes insipides pour combler le vide. Alors il peut sembler étonnant que cette partie du jeu n’ai pas bougé alors que, selon les développeurs, le monde ouvert était le principal enjeu, en s’inspirant notamment de The Witcher 3. Ce qui est le cas, mais il est bon de préciser que celui-ci se rapprochait déjà dans son monde ouvert d’un jeu Ubisoft, a la différence qu’il est un RPG. Et si il y avait bien un écueil à celui-ci, c’était son monde ouvert générique (dans sa construction pas dans sa direction artistique), ce qui a été admis même par les développeurs, heureusement compensé par la qualité de l’écriture aussi bien du monde que les quêtes qui le parsème. Et si ce AC reprends ces mécaniques RPG avec tout ce que ça implique en level-up et quêtes annexes, et bien l’écriture, elle, ne suit pas, restant au standard des jeux Ubisoft, c’est à dire pitoyable, comme sa mise en scène d’ailleurs. Et c’est bien la le principal problème du jeu il se contente de reprendre ce qui a déjà été fait sans jamais rien ajouter de neuf, changer pour mieux ressembler, et si toutes ces mécaniques représentent une avancée pour la série, de manière plus globale cet épisode se fond dans la masse des jeux a gros budget. Ainsi, si les mécaniques sont reprisent elles n’égalent pas pour autant les modèles : les combats sont repris de Dark Souls sans jamais atteindre la même rigueur ou finesse, l’escalade semble s’inspirer de Zelda : BOTW mais l’absence d’endurance enlève tout challenge a celle-ci, l’infiltration fait pâle figure face aux cadors tel que MGS V ou Hitman etc.
De plus aucune mécanique ne semble réellement faire sens entre elles,donnant un effet patchwork à l’ensemble, signe d’un manque de cohérence dans la manière dont le jeu a été pensé, comme si celui-ci s’était contenté de remplir un cahier des charges, un phénomène malheureusement trop récurrent dans la sphère du jeu a gros budget et encore plus chez Ubisoft
Pire même, certaines mécaniques n’existent que pour justifier la surmonetisation du jeu. En effet la mécanique RPG, empêche le joueur de terminer la quête principale en ligne droite nécessitant un niveau adéquat pour espérer survivre, et donc un temps de grind ( période où le joueur va accomplir des objectifs annexes pour accumuler de l’expérience et monter en niveau) assez voir très long. Or, contrairement à The Witcher 3 qui évite l’ennui par la qualité de son écriture même dans ses parties annexes, AC:O ne fait aucun effort de ce côté, et rend l’expérience volontairement lente et frustrante afin de convaincre les moins patients à passer au tiroir caisse pour acheter de l’expérience et monter de niveau plus vite. Personnellement cela n’a pas eu d’influence sur moi, car ça ne me pose pas de problème d’y investir du temps mais le principe reste sale quand même.
Et c’est d’autant plus sale que ce genre de pratiques, habituellement retrouvé dans les jeux gratuits, se trouve ici dans un jeu vendu plein pot à 50-70€ (même si je l’ai eu d’occasion a 20€), donnant l’horrible impression que le jeu n’en a que pour notre porte feuille.
Alors oui on va nous répéter que cela est nécessaire dans le monde du jeu gros budget actuel, car le coût de production grimpe en flèche etc. Mais peut-être que ce sont les moyens de production qu’il faudrait remettre en cause. Cesser d’investir dans du superflue, d’engager plusieurs studios et des milliers de personnes situés à des milliers de kilomètres les uns des autres au sein d’un même projet si cela ne fait que briser la cohésion et donc la cohérence de l’expérience. Car si le jeu ( et tous les blockbusters de manière général) est ambitieux par sa taille, ses effectifs, ses coûts de production, il ne l’est définitivement pas dans son expérience et sa proposition globale.
C’est un bon jeu, avec un très beau et exotique monde ouvert malheureusement sans grand intérêt, qui fait tout aussi bien que tout le monde, mais sans jamais faire mieux ni jamais se démarquer, et dont l’expérience peut se retrouver gâchée par les lubies mercantiles de son éditeur.
Car si le jeu-vidéo est sans cesse vendu comme un produit culturel (ce que je ne remet absolument pas en doute), parfois par les gros acteurs eux-mêmes ceux-ci les conçoivent-ils au moins comme cela au moment de leur production ? Des créateurs, certainement très talentueux mais écrasés par le travail « objectif » les mettant dans une posture d’exécution brisant toute créativité, un processus créatif noyé par les études de marché afin de « répondre aux attentes des joueurs » et j’en passe, tout cela afin de maximiser les ventes et donc les rendements, ça sonne comme la création d’un produit culturel ça ?
Énorme blague que la conférence E3 2016 d’Ubisoft avec Yves Guillemot, le PDG, ventant la liberté créative de ses studios alors que son entreprise est l’une des pires en la matière, fonctionnant comme une usine Ford des années 1910 avec tout ce que cela implique de rationalisation des moyens de production, de standardisation et contrôle du produit, ainsi que du travail et n’hésitant pas à écarter les personnalités voulant trop s’impliquer dans le processus de création comme le pauvre Patrice Desilet, créateur d’Assassin’s Creed, gentiment mis à la porte pour « désaccord artistique », bouclant ainsi la boucle.
Oui le jeu-vidéo peut-être un produit culturel, encore faut-il qu’il soit conçu et pensé comme tel, et non pas comme un aspirateur devant remplir un cahier des charges et répondre à des critères « objectifs » de qualité avant d’être mis à la vente.
A méditer donc.

_arabiianprince
7
Écrit par

Créée

le 2 nov. 2019

Critique lue 117 fois

_arabiianprince

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