La première chose qui saute aux yeux est le caractère purement immersif proposé par le jeu. Cela passe par un visuel faisant largement honneur aux panoramas des films. Même joué en mode performance sur PS5 (sur un écran doté de VRR pour un 60 fps stable la très grande majorité du temps), on est plongé dans une végétation dense, tangible et époustouflante. L’immense terrain de jeu regorge de paysages à couper le souffle. De quoi passer énormément de temps dans le mode photo robuste, mais qui comporte quelques lacunes au niveau des poses du personnage (surtout en pleine action). Il y a tout de même assez d’outil pour délivrer des clichés saisissants. Les trois régions proposées, elles-mêmes divisées en divers biomes, ont des styles bien propres et marqués tout en s’inscrivant parfaitement dans l’esthétique de la saga. La première nous permet de mettre les pieds avec familiarité dans une jungle similaire au premier film. Les deux autres offrent de nouvelles saveurs à la lune. Les plaines venteuses et la forêt embrumée sont de belles additions au lore de Pandora. Les introductions de ces zones de jeux sont aussi très bien amenées par les missions les concernant. Des séquences mémorables amplement aptes à faire tomber en sidération devant les décors du jeu. Un autre point qui renforce le caractère immersif est l’utilisation de la manette exploitant avec justesse la DualSense sur PS5. La manette propose une résistance des gâchettes pour l’arsenal et des vibrations haptiques qui permettent de ressentir la spatialisation des interactions. Que ce soit la respiration d’un grand animal, un feu de camp, la pluie qui tombe ou encore les caresses que l’on offre à son ikran.

La remarque a été faite sans cesse depuis l’annonce du titre. Que ce jeu estampillé Ubisoft est un Far Cry avec un skin Avatar. Oui. Mais… c’est peut-être la meilleure proposition du genre depuis Far Cry 2. Car s’il reprend bien une formule établie, c’est le détail des différentes implémentations qui fait que ça sort un peu du carcan habituel et qui surtout arrive à être en phase avec l’univers d’Avatar. La chasse invitant à faire des mises à mort propres et sans bavures. La récolte avec un mini jeu pour renforcer l’aspect tactile du procédé (encore une fois habile jeu de vibrations à la manette). L’inventaire limité. L’économie basée sur le troc. En tant que na’vi, tout nous pousse à ne prendre que ce que l’on a besoin. Le crafting appelle à la chasse aux matériaux, mais pour obtenir de meilleures statistiques dans les équipements façonnés, on est poussé à faire attention aux biomes et conditions météorologiques pour optimiser les récoltes. Faire corps avec son environnement en somme.

Côté RDA, on doit infiltrer et saboter des bases. Sur la longueur, il y a certes des répétitions dans les infrastructures à démanteler. Mais l’agencement tire bien profit des possibilités de parkour du na’vi qu’on incarne. Ce pour prendre les soldats et AMP suits par surprise, où les submerger avec notre agilité lors des combats directs.

Au niveau de la navigation, on peut choisir un mode exploration qui n’indique pas les lieux précis des quêtes et missions. Ce qui laisse l’orientation aux mains des joueurs. On peut placer un marqueur manuellement sur la carte et le voit apparaître sur la boussole de l’UI. Mais je me suis retrouvé la majorité du temps à ne rien mettre, n’utilisant que la carte pour planifier mon chemin et viser à l’œil les lieux reconnaissables pour m’aiguiller sur la route.

En termes de collectibles, on a une bonne quantité à trouver sans trop non plus envahir la map. Certains se font naturellement sur le chemin et d’autres sont davantage intéressants à faire que de simples drapeaux ou paquets cachés. Certaines de ces activités contribuent même pleinement à la démarche d’incarnation du décor et du personnage joueur.

Le na’vi dont on choisit l’apparence est un rescapé du clan Sarentu. Iel et un petit groupe sont kidnappés encore enfants par la RDA pour être endoctrinés selon les préceptes humains. Une éradication culturelle menée par une force coloniale écrasante. Mais malgré cette violence, l’innée combat l’acquis. La mémoire Sarentu persiste. Cela passe notamment par un chant dont les paroles sont oubliées, mais dont la mélodie reste intacte. Un chant qui sert comme l’un des motifs musicaux principaux du jeu. On l’entend durant certains titres du score et est également murmuré ou chanté diégétiquement par le personnage lors de moments importants ou bien nonchalamment lors de la mécanique de cuisine. L’enjeu de la progression dans le jeu est de renouer avec cette culture Sarentu. Ce clan nomade possède un devoir de transmission entre les différents peuples na’vi. Ce travail est incarné manette en main avec les collectibles mentionnés plus haut. Des moments de calme pour retrouver la perspective d’antan et se reconnecter aux racines. Une grande partie de l’expérience de jeu permet donc de soutenir cette thématique. Rien que ça rend le jeu digne d’être une expérience Avatar véritable.

La trame principale de l’histoire soutient ces thèmes et porte une proposition intéressante. Les missions principales sont prenantes et parfois intenses. Mais la teneur narrative n’a pas la maitrise de celle des films. Si les micro-récits des clans de chaque région a son lot de personnages na’vi plaisant à rencontrer, ceux-ci sortent trop rapidement de la narration avant d’avoir besoin à nouveau d’eux dans la mission finale (très bonne en soi cependant). L’antagoniste principal souffre lui d’un problème récurant dans le cadre d’un jeu open world. Il a peu de temps à l’écran et sa présence n’est que ponctuelle. Il est trop détaché du reste et un sentiment d’urgence manque à l’appel. L’entité de la RDA doit donc la majorité du temps exister par elle-même. Ce n’est pas que ça ne fonctionne pas, mais il manque une figure à l’égale de Quaritch pour personnifier la force adverse. Au-delà de ça, au sein du groupe de la résistance dont le joueur fait partie, les personnages na’vi sont intriguants, les humains moins. Certains dialogues de ces derniers tirent parfois d’ailleurs trop vers les habitudes cringe d’Ubisoft avec des répliques d’ »awkward » sociaux dont on pouvait un peu se passer.

Autre point que je réfléchis encore pour me dire s’il est dommageable ou non. Il n’y a pour ainsi dire pas de mise en scène dans les cutscenes, vu qu’elles restent vissées à la vue à la première personne du jeu. Pas de montage à proprement parler non plus, puisque l’on rentre et sort des séquences narratives avec systématiquement un fond noir. C’est particulièrement étrange lors de l’introduction avec les différentes ellipses temporelles. Il n’y a donc pas de langage cinématographique dans une œuvre Avatar. Ce qui est une chose un peu bizarre à admettre.

Mais est-ce que je peux vraiment reprocher à un jeu vidéo de ne pas faire du cinéma ? Est-ce que je préfère finalement pas que ce soit comme ça ? Plutôt que d’avoir des cutscenes qui font pâle figure en comparaison de James Cameron qui repousse sans cesse les limites du possible au cinéma. En témoigne le récent Robocop Rogue City. Lui aussi capture très brillamment et efficacement par le jeu et le gameplay le feeling des films qu’il adapte. Mais lui offre des cutscenes sommaires en simples champ-contrechamp, sans efforts signifiants dans la mise en scène.

Quelques réserves donc sur le récit qui brise par moment l’immersion. Tout comme des objectifs de quêtes souvent buguées et les dialogues ambiants des NPC mal implémentés. Les répliques de tout le monde se superposent dès que le joueur est à proximité, et le tout s’enclenche trop brusquement et avec beaucoup de répétitions. Je ne compte plus le nombre de fois où des na’vi refont la même remarque narquoise sur ma tenue juste après avoir fini le dialogue de quête.

En dehors de ces réels soucis, la fantaisie de vivre une aventure sur Pandora est pleinement réalisée par ce dont j’ai déjà parlé plus haut. Il faut que je m’arrête cependant sur le point culminant de cette intention via la séquence dans laquelle l’on se lie avec un ikran. La mise en place est bien dosée et pensée. L’aboutissement de la quête est lui d’une exaltation hors norme. La sauce commence à monter avec un micro-récit très touchant centré autour du lien profond entre le na’vi Eetu et son ikran. Plus loin, on apprend les contrôles de vol en jouant les souvenirs d’un insecte kinglor avec qui on s’est connecté à un arbre des voix. Puis l’ascension des montagnes flottantes commence à faire jaillir l’émerveillement du moment. Enfin, le saut dans le vide du premier envol fait éclater en sanglots de joie. L’intelligence du moment est de ne pas avoir fait apprendre les contrôles lorsque l’on est à dos d’ikran mais avant. Un tutoriel placé ici aurait gâché le lien qui se crée à ce point précis. L’objectif de quête peut alors se contenter d’un simple « profitez de votre premier vol ». Et remis de mes émotions, je me suis appliqué à suivre cette requête en volant avec le soleil reflétant sur mes ailes et le paysage de Pandora loin sous mes pieds.


Dès que l’ikran répond à notre appel pour nous rattraper en vol, le morceau First Flight retentit de manière triomphale, renforçant la magie de cet instant. Tout le score composé par Pinar Toprak est de haute volée. La musique se réapproprie parfaitement le feeling et l’identité sonore des films sans jamais avoir à reprendre les mélodies de James Horner ou de Simon Franglen. C’est la dernière touche qui signe une grande aventure digne de l’héritage Avatar. Et quand il a fallu arrêter le jeu une dernière fois après avoir obtenu le trophée de platine, j’ai donné avec émotion une dernière caresse à mon ikran Telisi, comme pour lui dire au revoir.

Oel ngati kameie.


Cet article a été originellement publié sur Chronics Syndrome:

https://chronicssyndrome.wordpress.com/2024/01/16/youre-not-in-kansas-anymore-critique-avatar-frontiers-of-pandora/

Zhibou
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le 18 janv. 2024

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