Le RPG qui avait des cojones (et un tunnel tout sombre, qui sent pas très bon).

Breath of Fire : Dragon Quarter, c'est quoi? On peut commencer par dire que c'est un Breath Of Fire, et donc un RPG japonais. Mais c'est surtout un épisode qui opère un complet bouleversement avec le reste de la série qu'il s'agisse du gameplay ou de l'ambiance. Et autant être clair dès le début ; non seulement il instaure un univers inhabituellement sombre et suffocant, mais il dévoile aussi une belle prise de risque qui aurait dû être récompensée par des Cojones D'Or (mais qui sera en réalité récompensée par des ventes misérables. lolmdr.).

La PS2 s’allume et une cinématique plaisante s'enclenche, donnant un bel aperçu du niveau musical global : des sons assez oppressants, principalement des cuivres graves qui te rappellent que tu vas bouffer du terreau pendant des dizaines d'heures. La note est donnée, on commence une nouvelle partie.
L’histoire suit en fait les 3 et 4eme opus, le sable a recouvert la totalité de la planète, les hommes se réfugient donc sous terre pour se protéger et laisser la planète se régénérer. Vous êtes dans la peau de Ryu, un soldat chargé de terrasser les génics, créatures offensives souterraines. L’histoire va ensuite se développer autour de Nina, un personnage qui représente la faiblesse et porte sous sa fragilité une mission beaucoup trop importante pour elle. Votre mission à vous : retourner à la surface de la terre. CARREMENT SA MAMAN.

De prime abord, le design très particulier peut surprendre. Les personnages ont des proportions étranges, de grands yeux émotifs qui indiquent bien les intentions de chacun, en opposition aux décors sombres et confinés. Ce contraste est efficace et donne une sacrée identité visuelle. Même si l'aventure est souterraine, les développeurs ont su varier les ambiances : on passe de villes relativement sympathiques à des décharges, des temples, des laboratoires dégueulasses, des cavernes, et j'en passe. C’est certain ça change par rapport aux précédents opus colorés, tout chauds et tout mignons, mais on retrouve toujours cette Capcom’s touch agréable.

Dragon Quarter possède un élément de gameplay très particulier qui mérite notre attention : le Ratio-D. Explications : lors de chaque partie, vous recevez un Ratio-D (valant au départ 1/8192) qui représente votre place dans la hiérarchie du monde souterrain. Plus votre Ratio-D est grand, plus vous pourrez monter en grade et en importance politique (le maximum étant 1/4). On lance donc sa première session en étant considéré comme un gars complètement miteux, un « troufion », tout en bas de la chaîne alimentaire. Les seuls moyens d'augmenter celui-ci sont : de finir le jeu en un minimum de sauvegardes, en ouvrant un maximum de coffres, en atteignant un maximum de niveaux, en un minimum de temps. Tout cela paraît violent à réaliser, mais vous avez la possibilité de recommencer le jeu en gardant vos armes et compétences et en additionnant vos anciens points de Ratio-D. Vous êtes donc plus puissant et plus respecté, ce qui vous permet de débloquer de nouvelles scènes, de nouveaux donjons (et donc de nouveaux coffres), et donc de finir cette deuxième partie de façon plus exhaustive. On peut être refroidi à l'idée de recommencer moult fois le jeu, mais on constate que l'aventure est relativement courte et que les nouveautés apportées lors de chaque nouvelle partie sont loin d'être anecdotiques.
Autre morceau de gameplay digne d'intérêt, le compteur-D, qui est un compteur (oui, oui) affiché en permanence en haut de l'écran dès que l'on reçoit LA PUISSANSS DU DRAGON EN NOU. Bah ouais, on est dans un Breath Of Fire et donc ça cause de ces grandes bestioles mythiques qui crachent du feu. On a donc la possibilité de libérer la PUISSANNSS DU DRAGON et, inversement à un Final Fantasy où l’utilisation d’une magie mettant à feu la planète n’a pas plus d'efficacité qu'un pipi d'eau, ce pouvoir destructeur est au centre des préoccupations, en vous donnant un pouvoir immense malgré votre faible Ratio-D et donc représentant un lourd danger pour le fragile équilibre politique du monde souterrain. Bref, ce compteur-D est en fait un handicap, le dragon étant trop puissant pour votre petit corps il vous consume petit à petit. Il démarre à 0.00% mais augmente un peu à chacun de vos pas et beaucoup (énormément même) à chacune de vos transformations. Et puis, arrivé à 100% c’est la mort, game over \o/. Vous détenez donc un pouvoir énorme (permettant notamment de terrasser directement n’importe quel boss) mais que vous savez très limité et risqué pour le bon déroulement de votre partie. PS d'amour : il vous faut un compteur-D de maximum 60% pour pouvoir espérer tuer le boss final.
Reste un troisième point important du gameplay : le système de combat. Instinctif, dynamique et stratégique, il est malheureusement aussi agréable que difficile à expliquer. Mise en situation explicative (pouf-pouf) : je ne suis pas en combat, mais une dizaine de chauves-souris mutantes sont à une dizaine de mètres. Deux solutions : foncer dans le tas ou les attirer pour ensuite les attaquer par surprise. Je choisis la deuxième solution et je sélectionne un piège parmi les nombreux proposés : un bon gros tas de viande. Je le lance et les chauves-souris s’y précipitent. Je choisis ensuite un deuxième piège : une bonne grosse bombe. Les chauves-souris se reçoivent l’explosion de face, j’en profite pour foncer et entamer l’affrontement en prenant l’assaut à mon avantage avec un coup d’épée. Je vois qu’elles ont toutes perdu la moitié de leur vie, de plus mon coup d’épée les a surprises, je peux commencer l’affrontement et bénéficier d’un tour supplémentaire. Vous allez en chier, mes mignonnes.
Bien préparer l’affrontement facilite donc grandement les choses et double les bonus en fin de combat. Maintenant place au frittage : vous avez un nombre limité d’AP, points qui délimitent vos actions pour le tour ; chaque déplacement, attaque et magie en consomment et lorsque votre nombre d’AP est insuffisant le tour s'achève. A votre disposition ; trois touches, chacune équivalant à une catégorie de puissance d’attaque. Pour chaque touche vous pouvez attribuer jusque trois attaques. Ajoutez à cela des compétences nombreuses à attribuer, un système de combos jouissif, des effets de zones en chaîne... Tout ça est assez touffu pour ne pas lasser.

La structure du jeu est déstabilisante et inhabituelle. Premièrement, les points de sauvegardes ne sont pas très nombreux et requièrent des jetons "sauve", objets peu nombreux, mais suffisants. Ensuite vous n’avez évidemment pas de carte du monde, mais un plan du monde souterrain, constitué de blocs qui sont souvent des suites de couloirs. Ca peut inquiéter, mais je n'ai pas ressenti ça comme un défaut. Et puis, on a une magnifique OST pour sublimer tout ça! Composées par Hitoshi Sakimoto (Coupable des OST de Final Fantasy Tactics, Vagrant Story et Final Fantasy 12. Ouh.), les musiques trouent positivement le cul. De la mélodie gaie au gros morceau oppressant, tout s'accorde parfaitement pour notre plus grand plaisir.

Donc, quoi? Et bien, Breath Of Fire : Dragon Quarter est un RPG qui a le mérite de poser ses couilles sur la table avec une audace forçant le respect. Cette petite révolution dans l'univers du RPG japonais ne plaira certainement pas à tout le monde, mais elle existe et il faut le souligner. D’une difficulté certaine mais très bien réglée, d’un gameplay solide mais intransigeant, il rend finalement un bien bel hommage à cette série hétérogène. ET ON ATTEND TOUJOURS LA SUITE, BORDEL! ET PAS UN JEU IOS QUI VIOLE LA LICENCE :'(

(PS : vous venez de lire une vieille critique profondément remaniée. J'espère que le résultat n'est pas trop indigeste. Bisou.)

Créée

le 4 sept. 2012

Modifiée

le 4 sept. 2012

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