Castlevania: Symphony of the Night
8.4
Castlevania: Symphony of the Night

Jeu de KCET et Konami (1997PlayStation)

Si les Metroid 2D ont beaucoup innové à leur époque, notamment en terme de level-design avec ce concept d’un vaste labyrinthe à explorer en toute liberté, seul dans un monde gigantesque et hostile, devant trouver de quoi débloquer de nouveaux passages et raccourcis bien pratiques... J’ai toujours trouvé qu’il manquait la carotte de tuer les mobs qu’on croise sans arrêt et une certaine variété et technicité dans la façon de jouer. Puis vint Castlevania Symphony of the Night qui reprend la formule Metroid pour renouveler sa saga une bonne fois pour toutes, elle qui ne cessait d’alterner entre des épisodes classiques et plus expérimentaux.
La critique étant longue, je vous propose l’écoute de cette musique extraite de l’OST du jeu pendant la lecture.



GAMEPLAY / CONTENU : ★★★★★★★★★☆



La première mue importante du gameplay du titre par rapport à sa saga est évidente dès la prise en main, le maniement rigide, qu’il soit imposé ou fortement présent, est abandonné pour un maniement beaucoup plus souple, transformant complètement l’approche du jeu jusqu’ici très axée sur la plate-forme et l’action avec un haut degré de précision. Symphony of the Night se présente comme ce que je considère un Action-RPG en 2D, vue de profil, et je mets beaucoup de sens derrière cette catégorie que l’on appellera bien souvent le Metroidvania, mot-valise signifiant le mélange du game-design de Metroid aux évolutions de ce Symphony of the Night.


On a désormais et pour la première fois dans la saga des points d’expérience pour nous motiver à tuer les mobs qu’on recroise très souvent (plus de 4.000 mobs tués à mon premier run pour ma part) avec des allers-retours très fréquents, surtout au premier cycle de jeu où l’on ne sait pas trop où aller dans ce jeu pas linéaire pour un sous. Cet aspect me fait très plaisir parce que tuer les mobs pour récupérer les munitions et points de vie dépensés pour les avoir comme dans Metroid ça va bien 5 minutes. Ce n’est pas rédhibitoire, la preuve étant que j’aime bien les Metroid, mais j’ai toujours regretté cet aspect un peu lourd des allers-retours qui nous sont demandés avec Samus.


Là, il y a un intérêt supplémentaire à se promener dans des zones déjà visitées, outre simplement se replonger dans l’ambiance ou découvrir un petit secret qu’on avait loupé. Cette partie exploration propre au concept est aussi très réussie grâce à la construction du jeu qui nous invite à traverser tout le hub connectant la plupart des zones au début pour que l’on puisse bien appréhender le level-design. L’une des évolutions la plus notable à ce game-design popularisé par Métroid c’est qu’on a une multitude de styles de jeu à disposition, avec nos deux mains on choisit si on veut une arme à deux mains, une arme dans chaque main, une arme et un bouclier... armes qui n’ont pas les mêmes coups spéciaux, portées, cadences de frappe... et beaucoup d’autres subtilités à débloquer.


Je pourrais m’étendre pendant une heure sur ces dernières tellement elles sont nombreuses mais je préfère vous garder la surprise de la découverte si c’est encore possible pour vous. Sachez que pas mal d’entre elles ne sont pas évidentes à trouver par soi-même ou alors indisponibles pendant un moment, pour un sentiment de progression au cours du jeu très palpable, sans même parler des améliorations statistiques par les passages de niveaux. En tout cas, elles donnent au final un gameplay riche, technique, addictif et diversifié à un point que je n’imaginais pas du tout pour un jeu de 1997.


Si on retrouve cette richesse dans la diversité des façons de jouer proposées, on la retrouve également dans la durée de vie du titre car si une poignée d’heures suffiront à voir le premier ending, il m’en aura fallu une bonne quinzaine pour tout voir et tout faire à peu de choses près. Arrivé au premier ending je pense que je n’avais pas vu la moitié du jeu en réalité donc surtout ne vous arrêtez pas là, ça serait juger le jeu sans l’avoir réellement fini. C’est un parti pris que je trouve assez audacieux, plutôt que de rajouter un peu de contenu aux plus courageux qui déclencheront le bon ending en faisant les quêtes annexes appropriées, Konami prend le risque de cacher la moitié de son jeu à ceux qui n’en feraient pas l’effort, respect.


La difficulté des boss est très dépendante de l’équipement et du level avec lesquels on les affronte, moi qui aime bien tout trouver dans les moindres recoins, j’ai pris pas mal de levels sans même le vouloir particulièrement et du coup les combats de boss étaient généralement assez simples mais là c’est ma faute et se refaire le jeu en se concentrant sur les objectifs et les boss relèvent le niveau. C’est au joueur de choisir sa difficulté de cette façon et aussi en se privant volontairement de bonus pour se concentrer sur esquives et frappes pour ne l’emporter que parce qu’on a bien joué, pas parce qu’on a spammé une attaque surpuissante, faire un boss avancé avec de l’équipement basique ça change tout de suite la donne.


Koji Igarashi, game-director adjoint et producteur sur une grande partie de la série, détaille cette philosophie de jeu ainsi :



Je veux pouvoir jouer autant de fois que possible à Symphony of the Night, que ce soit pour un speedrun ou pour le terminer au plus bas niveau d’expérience possible, je veux que les gens apprécient Symphony à leur manière. […] J’ai facilité l’accès au jeu en élargissant son champ d’application pour que les nouveaux venus puissent aussi en profiter.



Les boss ont généralement un patern bien étudié, parfois plusieurs formes en feignant la mort. Si on veut se mettre du challenge, on le peut car il y a toujours moyen d’esquiver ou parer les coups avec ce que l’on a à disposition et les développeurs ont été jusqu’à nous le prouver en montrant dans des vidéos guide à débloquer quelques tactiques et astuces qui montrent que même à bas level avec l’arme la plus pourrie du jeu on peut venir à bout de certains des meilleurs boss, ça veut tout dire. Une démarche assez sympa d’ailleurs c’est ces petites vidéos astuces que j’aurais aimé plus nombreuses pour aussi donner des astuces pour plein d’autres choses qui ne sont pas clairement explicitées et qui pourtant enrichissent vraiment l’expérience de jeu.


Au rang des défauts, il y a les armes secondaires ramassées involontairement qui sont un peu frustrantes pour rien à certains moments, un inventaire un peu lourd à gérer à force tellement il y a d’items et peu d’options de tri, un léger déséquilibrage entre les items clefs n’étant pas toujours très utiles et peut-être pas assez de salles de téléportations ou de raccourcis inter-zones qui donnent des allers-retours que j’ai pu ressentir un peu longs quelques fois, mais tout ça est très secondaire et il y a toujours un point fort qui les rend même insignifiants comme défauts. Tant que j’y suis, ça aurait pu être bien aussi de pouvoir vendre nos items en double et pas seulement les items qui ne servent qu’à être vendus mais quand je ne retrouve à reprocher que ce genre de détails anecdotiques, je pense que c’est qu’il n’y a pas de vrais soucis en réalité.



RÉALISATION / ESTHÉTISME : ★★★★★★★★☆☆



A l’heure de la 3D en pleine popularité, tout particulièrement sur Playstation, Castlevania fera preuve ici de conservatisme en s’en tenant à une 2D dans un esthétisme gothique stylisé. La 3D y est utilisée pour habiller ce monde en 2D avec des transitions et des déformations de sprite, donc au second plan de la réalisation. Il y a de quoi adhérer à ce choix car Symphony of the Night est certainement l’un des plus beaux jeux en 2D sur sa console avec notamment des animations très détaillées qui sont à mes yeux la preuve d’un soin extrême dans la réalisation.


Un exemple qui m’est resté en tête pour l’illustrer c’est une fée qui peut nous suivre continuellement, son animation est toujours la même en battant gentiment des ailes, mais si on reste immobile un petit moment elle se repose sur notre épaule et quand on repart elle manque de se casser la figure sur le sol. Nous sommes d’accord, ce genre de détails est purement anecdotique mais je les adore parce que pour moi ça veut dire que les développeurs ont vraiment peaufiné la réalisation de leur jeu et ça fait plaisir à voir. Mon seul regret, c’est que les cinématiques n’ont pas fait l’objet d’un formidable travail de réalisation, auxquels ont pourtant eu droit bien d’autres grands titres de la machine avides de profiter du support CD ainsi.


Si tout ou presque se passe dans un château, le décor est loin d’être unique comme je le craignais au début et j’ai retrouvé très vite pas mal d’ambiances visuelles différentes, auxquelles je ne m’attendais pas forcément, et toutes profitent d’un esthétisme assez soigné. Il m’est arrivé à plusieurs reprises de juste m’arrêter pour regarder un peu une magnifique fontaine légèrement fissurée par endroits, des éclairs à travers des fenêtres qui claquent, une grande cloche au sommet d’une tour dans les nuages… tous ces décors ont grandement participé à l’ambiance Dark Fantasy que j’ai très bien ressenti malgré les 20 années qui me séparent de la sortie originale et c’est pas seulement dû au décor.


Le bestiaire est très complet et toujours dans un ton lugubre assez anxiogène ou à l’inverse plus enchanteur par contraste, des zombis putrides aux nymphes aquatiques en passant par nos bien aimées têtes de méduse bien reloues, il y a de la variété avec un chara-design bien foutu. Ça se vérifie en particulier pour les personnages et les boss qui ont une classe folle pour la plupart, à l’image d’Alucard charismatique rien qu’avec les poses qu’il prend régulièrement, dont on peut en plus modifier la skin. C’est un changement de style assez fort pour la saga que l’on retrouve jusque sur la jaquette beaucoup plus élégante et artistique que ses aînées mettant en avant des personnages masculins musclés et l’action qui les y attend. Maria en devient un peu méconnaissable si je voulais là encore pinailler mais après tout elle a 5 ans de plus que dans Rondo of Blood donc ça peut encore se justifier.


L’OST est vraiment très varié, plus que ce à quoi je m’attendais avec des styles musicaux que je n’avais encore jamais entendu dans la saga. Pour tout vous dire, si je trouve certaines musiques excellentes, j’en apprécie moins d’autres mais c’est le revers de la médaille quand on varie autant les genres et qu’on s’éloigne des compositions originales mais la prise de risque est là, je la respecte et au final j’y trouve quand même mon compte vu que plusieurs musiques m’ont beaucoup plu. À noter que les doublages avec voix digitalisées sont acceptables, un peu vieillottes bien sûr mais ça passe encore, ça aura même son charme pour les nostalgiques.



SCENARIO / NARRATION : ★★★★★★★☆☆☆



Au début, mes impressions sur le scénario étaient celles auxquelles je m’attendais, si absentes qu’elles ne mériteraient pas d’être discutées très longtemps. On arrive dans un château sans trop savoir pourquoi après un petit prologue qui nous rappelle que les Belmont corrigent Dracula de génération en génération et on va sans doute trouver et vaincre à notre tour le maître des lieux parce qu’il n’est pas très gentil, avec l’aide de Maria qui passait par là purement par hasard et qui ne nous refusera pas un coup de main. Un scénario sans grand intérêt comme la plupart des Castlevania 8 et 16 bits, il faut bien le dire, tout ça me paraît normal et certainement pas un défaut car ils avaient fait le choix de ne pas les développer.


Et puis, vient la première fin avec ce petit rebondissement sur l’identité du maître des lieux, puis certains boss cachés qui débloquent des scènes inédites assez émouvantes, puis la mise en scène d’un renversement de la situation (oh oh le jeu de mot), puis quelques répliques bien placés qui restent en tête… et au final le scénario a pris une forme plus ambitieuse et convaincante que je ne l’avais prévu. Bon ça reste une énième quête du bien contre le mal, avec des références bibliques et mythologiques pour se donner un air plus profond qu’il n’y paraît, c’est terriblement classique. Il y a tout de même un message véhiculé par cette aventure qui nous explique qu’aimer et pardonner c’est mieux que haïr et se venger, le manichéisme est assumé.


Mais, j’ai trouvé que l’histoire était plutôt bien foutue, bien amenée et moins simpliste que ce qui était proposé par la saga jusque là, ou en tout cas pour ce que j’en ai vu. Sans constituer une formidable plus-value au titre, j’ai suivi ce petit scénario sans peine et avec quelques bonnes surprises. On peut même interpréter certains évenements comme une mise en abîme de l’évolution de la saga, en faisant s’opposer des figures de cet épisode particulièrement contre des symboiles des premiers épisodes. Et puis, si ce n’est pas hyper profond et riche, ça a le mérite de rester sobre. Le nombre de dialogues est assez faible et ne concerne que quelques moments clefs, du coup si vous vous foutez du scénario, celui-ci n’aura pas le temps de vous ennuyer une seconde.


Un scénario simpliste ne veut pas dire mauvais pour moi tant qu’il reste cohérent et discret et c’est ce que j’ai retrouvé dans ce Castlevania. Alors, il y avait bien mieux à faire je pense, et ils auraient pu le faire mais ont dévoilé que c’était par manque de temps qu’ils ne sont pas allés plus loin dans leur histoire, mais là je vais être obligé de spoiler un minimum pour vous expliquer ce que j’aurais aimé personnellement :


J’aurais adoré avoir le choix de répondre favorablement ou non à la requête de Dracula si la révélation sur Lisa avait été mieux amenée. Alucard aurait pu découvrir ce qui lui était arrivé en jeu plutôt que de déjà le connaître, suite à cette révélation il aurait pu être tenté de renoncer à se battre pour les humains, ce qui aurait été compréhensible ou alors pardonner et poursuivre sa quête comme prévu. Ce qui aurait pu changer drastiquement la donne avec Maria par exemple et on aurait pu facilement en tirer des enjeux dramatiques efficaces dont on se sentirait responsable en tant que joueur par notre choix.


Mais le scénario de Symphony of the Night n’a pas l’ambition d’être un scénario riche ou non-linéaire, je ne l’attendais pas là-dessus donc je ne le sanctionne pas et lui accorde une sous-note relativement bonne mais c’est clairement le point sur lequel il manque quelque-chose pour que Castlevania Symphony of the Night atteigne l’excellence dans tous les domaines. C’est légèrement dommage parce que le jeu arbore une composante RPG assez légère à ce sujet mais tout en faisant partie d’une saga qui n’a jamais eu de grandes ambitions scénaristiques, donc ça se comprend.



CONCLUSION : ★★★★★★★★☆☆



Le genre du MétroidVania 2D est un genre de jeu que j’affectionne beaucoup au jour d’aujourd’hui, c’est peut-être même en train de devenir l’un de mes genres favoris avec les perles que j’ai découvert ces dernières années, et c’est Symphony of the Night qui en a posé les bases solides sur celles des Métroid 8 et 16 Bits en plus d’être d’une richesse folle dans une ambiance Dark Fantasy du plus bel effet que j’apprécie énormément. Je suis très content d’avoir enfin découvert ce titre fondateur et pleinement satisfait de mon expérience de jeu malgré quelques petites choses ici et là sans grande importance, je ne peux donc que vous recommander de vous y mettre également si comme moi vous l’aviez loupé à l’époque.

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le 10 févr. 2017

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damon8671

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