Cibele
4.6
Cibele

Jeu de Nina Freeman, Star Maid Games et N/A (2015PC)

Cibele est un jeu narratif sorti le 2 Novembre 2015 sur PC. Il est le fruit du travail de Nina Freeman, game designer indépendante qui signe ici un de ses nombreux jeux autobiographiques.
On suit l'histoire de Nina, une geekette de 19 ans aux cheveux roses, fan de mangas et de jeux vidéo. Celle-ci entretient une relation ambigüe avec un jeune homme sur Valtameri, un MMORPG sur lequel elle passe le plus clair de son temps. Sa relation avec lui devient de plus en plus intime au fur et à mesure qu'ils jouent ensemble, s'appellent ou s'envoient des messages privés.


Le jeu est découpé en plusieurs scènes espacées de plusieurs mois, on suit l'évolution de la relation dans le temps. Le joueur parcourt l'histoire à travers les yeux de la jeune fille, qui pendant toute la durée du jeu sera sur son PC. On découvre le monde avec elle, et le joueur en apprend plus à son propos en fouillant dans son ordinateur ses photos, ses poèmes, ses articles de blogs, ses messages privés ...


Il est alors possible de lancer Valtameri depuis son PC où Nina joue avec Blake, le garçon avec qui elle flirt. Ceux-ci prennent part à des discussions vocales pendant les sessions de jeux, auxquelles nous devons prendre part pour pouvoir avancer dans l'histoire.


On fouille le PC de Nina, on joue à Valtameri en parlant avec Blake, une ellipse nous amène quelques mois plus tard et on recommence 4 ou 5 fois. Etrangement on retrouve le même système de progression qu’Emily is Away, jeu tout aussi récent traitant de sujets similaires à Cibele.



Cibele, et pourtant si laide.



Le gameplay ne fait clairement pas l'intérêt du jeu, et il n'en a pas la prétention. On navigue de dossiers en dossiers sur le bureau de Nina, et les scènes de jeu dans Valtameri sont simplifiées au possible pour favoriser l'attention sur la narration. Malgré cela, les séquences dans ce MMO arrivent à être bugées (pathfinding, collisions...). Passons.


Le réel problème de Cibele se trouve dans sa narration justement et le traitement de ses thèmes. Les idées sont intéressantes, mais l'exécution est ratée. Le personnage principal n'a pas le temps d'être suffisamment développé, les thématiques sont survolées, les personnages secondaires sont des fantômes....


Au final, en une heure on n'a pas le temps de s'identifier au personnage, on ne plonge jamais vraiment dans l'histoire et on ne saisit pas les enjeux de la relation pour Nina, ni même pour Blake. L’histoire pourrait parler à tous ceux qui ont grandi avec les MMO et les chats en ligne. Au lieu de ça il s’appuie trop précisément sur l’histoire de Nina Freeman (l’auteure) en tant que personne. Ainsi il est très difficile de réfléchir sur nos expériences personnelles, puisque on ne sent jamais réellement impliqué. La fin du jeu est un exemple flagrant de ce problème : impossible de la comprendre complètement sans être dans la tête de la créatrice. Elle laisse également peu de place à l’interprétation personnelle.


Plus particulièrement, il est très compliqué de comprendre ce que trouve Nina à Blake, tant il est mesquin voir même pervers. Malgré son manque de confiance en lui, il parle plus du physique de sa dulcinée que des sentiments qu’il pourrait avoir pour elle. Il n’est pas complètement incohérent mais ses propos et ses manières s’entrechoquent souvent.



Sexe, amour, passion ?



Si on en croit le pitch du jeu traduit de l’anglais : « Cibele est un jeu sur l’amour, le sexe et Internet. ».


Si le tas d’hormones que tu es a été piqué par le mot « sexe », prépare-toi à être déçu. On était en droit de s'attendre à un traitement plus fin et différent du sujet que ce que le cinéma grand public a l’habitude de nous servir. D’autant plus que les hommes ont le monopole du sexe sur les écrans, voir la chose traitée par une femme est toujours intéressant. Or, ici il presque intégralement séparé de l’amour. Nina, pourtant vierge, a plus de désirs charnelles que de désirs d’amour, Blake est un pervers en partie assumé et la scène de sexe du jeu n’apporte absolument rien.
Les personnages sont attirés l’un vers l’autre, mais semblent se voir comme deux beaux corps vides d’intelligence. On n’accorde alors aucun crédit à leur relation, qui semble plus superficielle qu’une star hollywoodienne.


Les relations humaines à travers Internet, elles, sont traitées avec un peu plus de justesse. Dans ce sens, le personnage de Blake devient bien plus intéressant.



Essai non-transformé



Malgré les nombreux défauts de l'oeuvre, tout n'est pas à jeter. Tout d’abord, Nina est très jolie.
Blague à part, même si les idées sont mal utilisées, il est assez rafraîchissant de parler d’amour et de sexe dans le jeu vidéo, bien que ce dernier soit plutôt discret. Depuis quelques années, les développeurs indés et quelques studios retranscrivent leurs expériences personnelles au travers de leurs créations vidéoludiques et c’est très intéressant à explorer (Depression quest, Actual Sunlight, Emily is away, The Beginner's Guide …)


Vous verrez par vous-même dès les premières minutes du jeu si il sera enclin à vous parler ou non. Si vous vous sentez concernés par les thématiques, vous ne pourrez que déplorer la pauvreté de l’exécution. Et si vous n’avez aucun passé en commun avec les sujets abordés, il est impossible qu’ils vous atteignent tant la réalisation est personnelle à Nina Freeman.


Cibele est la retranscription en jeu vidéo de l’expérience personnelle de Nina Freeman. Son histoire pourrait parler à tout le monde, pourtant rien ne se passe en nous lorsque l’on découvre l’histoire de l’adolescente. Faute à une réalisation trop personnelle et à une incapacité au jeu de nous transmettre son message, celui-ci ne restera pas dans vos mémoires. Au final on repense juste au passé, sans pouvoir analyser quoi que ce soit. Dans l’état, Cibele ne partage pas grand-chose, et aurait gagné à être un court-métrage. Cependant, j'attends au tournant un éventuel autre jeu de Nina Freeman, pour qui j'ai beaucoup plus de compassion que le personnage qui la représente.

Shiyo
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le 5 déc. 2015

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Shiyo

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