Rarement un jeu a-t-il eu autant d’influence sur le reste de la production vidéoludique que Dark Souls. Si bien qu’on lit souvent, dans la presse spécialisée, des articles sur la « Dark Soulisation du jeu vidéo ». Si ces articles ont souvent tendance à aller un peu trop loin, il n’en reste pas moins que la série, ainsi que ses satellites Demon’s Souls et Bloodborne, jouit d’une aura assez unique dans le petit monde du jeu vidéo, et que son influence se fait sentir de façon extrêmement fréquente.


Et pourtant, il n’est pas toujours facile de se laisser prendre au jeu de cette saga. D’abord parce que la technique de ce premier opus de la saga est médiocre sur console, et carrément désastreuse sur PC. C’est bien simple, sans le DSFix créé par la communauté, le jeu n’est pas loin d’être injouable. Heureusement, cet utilitaire gratuit sauve la situation et rend le bilan technique plus acceptable. Et heureusement que la communauté a pu apporter un remède à la crise, parce que malgré cette technique bas de gamme, Dark Souls n’en reste pas moins un modèle de direction artistique. Fortement inspiré par la culture médiévale-fantastique occidentale mais aussi par le manga Berserk, pour citer la référence la plus frappante, Dark Souls livre son lot de moments forts, avec ses boss démesurés et sa mise en scène, souvent simple mais diablement efficace.


Mais surtout, au-delà de cet aspect technique qui peut rebuter, c’est dans ses mécaniques de jeu que Dark Souls se veut parfois abscons. Ne vous-y trompez pas, il ne s’agit pas de défauts de design, mais bien d’une volonté délibérée de From Software de lâcher le joueur dans un monde qu’il ne comprend pas, sans lui fournir sur un plateau les clés du succès. Après un didacticiel relativement rapide, on se retrouve lâché dans le monde ouvert du jeu, libre de se rendre dans la zone de son choix. La première partie de Dark Souls est véritablement difficile d’accès. On cherche son chemin en tâtonnant, mourant encore et encore, butant sur les obstacles que le jeu dresse sur notre chemin, sans vraiment être sûr que l’on se dirige dans la bonne direction.


Cette incertitude a eu raison de nombreux joueurs qui ont tenté l’expérience. Personnellement, j’ai abandonné le jeu deux fois après quelques heures de jeu, perdu dans le monde trop hostile du jeu. C’est au troisième essai que, me résolvant finalement à utiliser un guide pour m’aider, j’ai finalement accroché à la logique du titre. Petit conseil donc pour les débutants qui n’arriveraient pas à se prendre au jeu : n’hésitez pas à vous aider d’un des nombreux guides qui trainent sur YouTube pour vous mettre le pied à l’étrier (en français, ceux d’ExServ sont top). Cela peut permettre de finalement arriver à se plonger dans l’univers, et, une fois les nombreuses mécaniques assimilées, vous n’aurez probablement plus envie d’aide extérieure, afin de goûter par vous-même au plaisir de la découverte.


Et le jeu en vaut véritablement la chandelle. Parce que le plaisir de jeu qu’on tire de Dark Souls une fois familiarisé avec son système de jeu est à la hauteur de la difficulté qu’on peut ressentir pour s’immerger dans l’univers du jeu. Malgré la sortie de deux suites, le premier opus de la saga reste d’ailleurs le favori de nombreux joueurs. Sans doute un peu par nostalgie, parce que beaucoup ont, comme moi, commencé par cet opus. Mais aussi parce que le lore est particulièrement réussi, et le level design, ou plus précisément le world design, est incroyablement réussi. Si Dark Souls 3 jouit de la meilleure construction à l’intérieur de ses zones mêmes, c’est bien Dark Souls premier du nom qui offre la plus belle imbrication de zones de la série. En effet, les zones sont interconnectées entre-elles, et on se surprend à débloquer des raccourcis reliant deux zones qui semblaient pourtant très éloignées. C’est là toute la magie du world design, qui nous perd dans son labyrinthe pour mieux nous ramener en terrain connu, près de la chaleur d’un feu, au moment où l’on s’y attend le moins.


Et c’est qu’ils sont précieux, ces feux. C’est là que l’on peut utiliser ses âmes durement gagnées, piliers de la progression du joueur. En effet, celles-ci sont la monnaie unique du jeu, permettant à la fois de monter de niveau et de s’acheter de l’équipement. Pour les acquérir, il faut de vaincre les ennemis se dressant sur notre chemin, ou de terrasser les nombreux boss du jeu dans des affrontements souvent épiques et appuyés par une musique jamais en reste. Mais il suffit que le joueur meure pour que son compteur retombe à 0. Et, c’est peu de le dire, on meurt souvent dans Dark Souls. Le jeu se veut en effet être un challenge. D’autant plus que la maniabilité est lourde, ce qui rend un temps d’adaptation nécessaire avant de pouvoir être vraiment à l’aise. Une fois qu’on a le truc, par contre, cela devient un plaisir de jouer, grâce à un gameplay précis, réclamant une bonne gestion de son endurance et récompensant la patience et la maitrise de ses nerfs lors des moments chauds. Et le jeu a le bon goût de proposer plusieurs pics de difficulté, forçant le joueur à se dépasser pour vaincre certains boss (coucou O&S).


Rien n’est toutefois définitivement perdu après une mort : les âmes peuvent être récupérées à l’emplacement du dernier décès. Mais si l’on meurt à nouveau avant d’avoir récupéré ses précieuses âmes, celles-ci disparaissent, sans possibilité de les récupérer. Autant dire que la pression monte lorsqu’on se retrouve en difficulté sur le chemin pour récupérer un gros paquet d’âmes. Et, pour ne rien arranger, le ragequit ne sert à rien pour éviter qu’une erreur ne se révèle fatale, le jeu sauvegardant en permanence.


Je mentionnais le lore plus haut. Celui-ci vaut également qu’on en dise un mot, la narration des Dark Souls étant particulière. Je le disais en début de texte, l’univers de Dark Souls semble au premier abord obscur. Il ne s’agit pas là d’une erreur des développeurs, qui seraient peu habiles en termes de narration. Une anecdote assez connue des initiés vaut sans doute la peine d’être évoquée pour mieux comprendre le style narratif de Dark Souls : Hidetaka Miyazaki, créateur de la série, avait pour habitude de lire des romans de fantasy en anglais durant sa jeunesse, mais il ne comprenait pas parfaitement cette langue. Des pans entiers d’histoire restaient donc mystérieux pour lui, et il devait faire travailler son imagination pour que l’histoire prenne sens. C’est la même logique que l’on retrouve dans la série des Souls. Non seulement les informations permettant d’éclairer l’histoire de la saga sont-elles éparpillées dans les quelques cinématiques, les dialogues avec les PNJ, ou encore les descriptions d’objet, mais en plus elles sont fragmentaires. De plus, tout n’est pas dans les textes. L’emplacement de certains objets, les décors de certains niveaux, etc. peuvent parfois en révéler plus qu’un long discours. Au final, l’histoire n’est pas incomplète : la communauté a réussi à théoriser la quasi-totalité de l’intrigue de la saga (en attendant les éléments finaux qui seront révélés dans le dernier DLC de Dark Souls 3). Mais elle demande un investissement du joueur, une part de réflexion bien plus importante que dans la plupart des autres jeux.


Vous l’aurez compris, Dark Souls est un jeu difficile d’accès, demandant un grand investissement pour qui veut le dompter, mais qui offre des moments de grâce une fois maitrisé. Il ne plaira pas à tout le monde, mais a le mérite d’offrir une expérience à part dans le monde actuel de production vidéoludique. Pas étonnant donc qu’il imprime à ce point son influence sur toute l’industrie.

Semyaza
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le 29 déc. 2016

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Semyaza

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