Le saviez-vous ? J'ai toujours rêvé d'être testeur de jeu vidéo, donc aujourd'hui je vais tester DEATH STRANDING (et raconter un peu ma vie tant qu'à faire)


« Suis tes rêves ! », c'est un des trucs qu'on entend le plus, de la part des gens qui kiffent leur vie. Ca me gonfle un peu, parce qu'on a tendance à oublier tous ceux qui suivent leurs rêves et échouent. L'autre jour j'ai vu passer une annonce de jeuxvideo point com pour devenir testeur sur leur site, et je me suis rappelé que quand j'étais ado, c'était mon rêve, comme celui de beaucoup de gros geeks, j'imagine. Et ouais, clairement, les jeux vidéo c'est ma passion depuis toujours, ça constitue les 3/4 de ma culture et de mon temps libre, et je claque tout mon salaire dans des jeux auxquels j'ai hélas pas vraiment le temps de jouer, donc ouais, vivre de cette passion, ça serait un gros kiff.


Ça serait un bon clin d'oeil au Wiwi ado qui avait été si fier que son courrier de lecteur ait été publié dans le magazine Max64 (pour critiquer leur test de Mario Sunshine qui à mes yeux était trop critique, mais en vrai ils avaient carrément raison) et dans Gameplay RPG (je leur avais envoyé la traduction d'un article de Tim Rogers traitant de la question du postmodernisme dans Earthbound et Metal Gear Solid 2, quand j'étais en première. Tu m'étonnes que j'avais pas d'potes.)


Alors je me suis dit que je pouvais postuler, pourquoi pas après tout ? « Suis tes rêves ! » Mais j'ai vu qu'il fallait leur proposer 2 tests et j'avais un peu la flemme, d'autant plus que j'avais pas mal de copies à corriger.


Et puis là, la semaine dernière, j'ai fait un ptit post mentionnant Death Stranding, et beaucoup de gens m'envoient des messages privés pour connaître mon avis, alors que y'a 50 sites de jeux vidéo qui proposent leurs tests, mais je me suis dit, allez, GO, SUIS TES REVES WIWI, DEVIENS TESTEUR DE JEU VIDEO, ne serait-ce qu'une fois dans ta vie. C'est donc parti pour le test de Death Stranding. Fin de l'intro. Et dire que je ne cesse de répéter à mes élèves que les intros ne doivent pas être trop longues parce qu'on s'en tape et qu'on veut rentrer dans le vif du sujet... (je leur dis évidemment de façon plus #PolieEtResponsable)


Death Stranding est un jeu vidéo du développeur Hideo Kojima, un des rares « grands noms » du jeu vidéo. En effet, les jeux sont généralement développés par des studios entiers, et contrairement au cinéma où on n'hésite pas à mettre le nom du réalisateur en avant, dans le domaine du jeu vidéo, ça n'est pas commun. Résultat, lui il en profite, et il met son nom partout, il est un peu mégalo sur les bords mais c'est assumé donc ça passe. Il est notamment connu pour avoir conçu et scénarisé la très populaire saga des Metal Gear Solid, jeux d'espionnages au scénario un tantinet alambiqué, fait de twists où les gens changent de camps toutes les 3 minutes et où tout le monde est le clone de tout le monde.


Death Stranding est une toute nouvelle histoire, donc depuis son annonce, on était assez curieux de ce qu'il pouvait nous offrir, cette fois. Récemment, il a été révélé que le concept du jeu serait de livrer des objets d'un point A à un point B. Genre littéralement : on joue un « porter », un livreur, dans un monde post-apocalyptique, où il ne reste que quelques villes souterraines aux Etats-Unis, qui ont besoin d'être connectées entre elles par Sam Porter Bridges, le héros du jeu. Le cœur du jeu consiste donc à faire des allers-retours entre ces villes pour leur apporter des ressources et les connecter entre elles.


Alors dit comme ça, c'est clairement pas fascinant, et du coup les moqueries vont bon train, on se gausse en appelant ce jeu un « Fedex/Amazon/Walking Simulator » et personnellement je trouve ces critiques un peu nazes. En effet, il est hyper facile de réduire un jeu en un mot pour le tourner en ridicule. Mais à partir du moment où la jouabilité, les graphismes et l'histoire sont à la hauteur, n'importe quel concept peut être intéressant à jouer. Il n'y a qu'à voir « Papers Please » où l'on joue un douanier qui doit vérifier des papiers, et qui est une expérience unique et passionnante grâce à l'histoire qu'il raconte, sa musique... et des jeux aux concepts incongrus mais intéressants, y'en a plein, et on ne voit d'habitude pas autant de gens s'en moquer. Mais là, il s'agit d'un jeu énormément mis en avant, donc forcément, les critiques pleuvent.


Les jeux récents en monde ouvert de type Assassin's Creed, Dragon Age, GTA sont très souvent critiqués à cause de leur « fetch quests » (fetch = aller récupérer un truc, en anglais), c'est à dire des quêtes qui consistent juste à aller d'un point A à un point B pour réussir une quête. En gros la critique c'est qu'on t'envoie te balader à droite à gauche pour rien, on fait de toi un vulgaire livreur alors que t'es censé être le héros sauveur du monde, tout ça pour booster la durée de vie avec des quêtes pas très bien écrites.


Ce qui est intéressant avec Death Stranding, c'est qu'il décide de faire de ces « fetch quest » le cœur du jeu. En faisant du déplacement d'un point A à un point B le point central de son jeu, il faut donc que le fait de se balader dans le monde soit intéressant et prenant. Et je dois dire que de ce côté, je m'attendais au pire, mais c'est plutôt réussi. En effet, dans un premier temps le monde est vraiment très beau, les paysages sont semble-t-il inspirés de l'Islande, ce qui donne un horizon plein de verdure et de rocailles vraiment bien modélisées. On se sent tout petit devant cette immensité, et ça fonctionne. Le personnage que l'on contrôle doit porter des dizaines de kilos d'équipement et on doit donc gérer son inventaire, son centre de gravité, et on sent bien sa lourdeur. C'est un véritable défi que de se diriger, de grimper les collines, on peut tomber à tout moment, casser les objets qu'on transporte, les faire tomber dans une rivière qui les emportera au loin, etc.


Alors certes, c'est très contemplatif, certains diront que c'est chiant, et je les comprends, mais personnellement, j'ai été surpris de voir à quel point je prenais plaisir à me balader dans ce monde. Aujourd'hui, les jeux nous bombardent constamment de trucs à faire, de check list d'activités à faire, et je trouve ça un peu reposant et plaisant de juste me balader, comme c'était déjà le cas dans Red Dead Redemption 2, jeu au rythme moins frénétique qu'à l'accoutumée.


Une des autres éléments centraux du jeu, est que nous jouons dans le même univers que les autres joueurs. Parfois, pour traverser un prépicipe, on peut poser une échelle qui nous servira de pont, ou bien on peut planter une corde d'escalade à un endroit pour gravir une falaise, et les autres joueurs qui passeront par là pourront utiliser les objets que nous avons semés sur notre route, et on pourra également profiter des leurs. Cela donne un côté coopératif vraiment plaisant. Le but du jeu étant de traverser les Etats-Unis d'est en ouest, on a vraiment l'impression de participer à une « conquête de l'ouest » avec d'autres joueurs, même si on ne rencontre que ce qu'ils laissent derrière eux.


Là où le bât blesse, c'est dans l'écriture du jeu. Hideo Kojima est connu pour ses histoires alambiquées et ses scènes cinématiques à rallonge, mais là ce n'est pas vraiment ça le problème. L'histoire est mal racontée, avec des scènes d'exposition très maladroites, et prend les joueurs pour des idiots du début à la fin. Les incohérences se multiplient au fil des heures, et on finit par perdre pied.


Par exemple, pour nous expliquer un peu l'histoire du monde dans lequel on évolue, un personnage que l'on rencontre va raconter au héros l'histoire du cataclysme qui s'est produit... sauf que c'est absurde : notre personnage évolue lui-même dans ce monde, donc il est censé être au courant. Les maladresses de ce genre sont fréquentes.


Et là je vais commencer à parler du contenu de l'histoire, donc si vous ne voulez pas être « spoilé », vous pouvez cesser la lecture ici.


Tout au long du jeu, on ne cesse de nous dire que la pluie dans ce monde est très dangereuse (elle « accélère le temps » et nous fait vieillir et mourir instantanément), et on en a la preuve dès la première heure de jeu. Dans un tel monde, il faudrait ne s'aventurer dehors qu'avec une protection totale du corps, mais bon, pour notre héros, une capuche suffit pour protéger l'entièreté de sa tête.


Une autre règle du monde dans lequel on évolue est que lorsque les gens meurent, ils faut absolument brûler leur corps le plus vite possible, sinon cela créé un cratère dans le sol (me demandez pas pourquoi), sauf qu'arrivé à la moitié de l'histoire, on peut buter des dizaines d'ennemis sans que ce soit un problème : aucun cratère ne se créé.


Les personnages sont unidimensionnels, et résumés chacun par leur nom (ridicule, au passage), on a Deadman, passionné par la mort, Heartman, qui a des problèmes de cœur, Mama, qui est une maman, etc. Comme si ce n'était pas assez évident, chacun des personnages va littéralement expliquer le sens de son blaze comme si on était complètement stupides. Ces personnages n'évoluent à aucun moment de l'histoire et ne sont que des outils narratifs servant à nous donner des informations et faire avancer l'histoire. Le personnage principal lui même n'a aucune personnalité, il est mou et se contente de faire ce que les autres lui disent sans aucune réelle motivation.


De même, aucune des quêtes du jeu n'est réellement scénarisée, on doit juste apporter des médicaments ou autre trucs à des gens, qui nous disent merci et basta. On est censés croire qu'il s'agit de villes souterraines, mais tout paraît tristement vide, vu qu'on n'en visite aucune. Nous n'avons aucune idée de comment les gens vivent ou survivent dans ce monde. Difficile donc de s'immerger dans cet univers.


Et pour couronner le tout, méga spoil mais bon c'est tellement naze qu'il vaut mieux le savoir avant, le « méchant » du jeu est genre très très méchant et son but est de détruire l'humanité parce qu'il est très méchant. Et comme il est très malin il ne fait que de dire qu'il est lui-même le « boss » du jeu et que si tu perds ça sera « game over », mais mec, ça fait 30 ans qu'on a brisé le 4ème mur dans les jeux vidéo, si ça n'apporte rien à part se sentir malin, faut se retenir. Dans Metal Gear Solid quand le jeu parlait directement au joueur c'était novateur et inattendu, là ça ressemble un peu à un gimmick consternant.


Les combats contre les différents boss n'ont d'ailleurs rien d'intéressants ou de stratégique, il suffit de vider ses chargeurs sur des ennemis extrêmement lents, ou d'appuyer 50 fois sur carré pour donner des coups de poing. Mouais.


Pendant tout le jeu, on te distribue des éléments de l'histoire au compte goutte, et à la fin, tu as littéralement 2 heures de cinématiques où chacun des personnages, à tour de rôle, te dévoile ses réelles intentions et motivations. Niveau écriture, c'est au raz des pâquerettes et très décevant de la part d'un créateur qui jusqu'à présent savait attiser notre curiosité tout au long d'un jeu. C'était déjà le cas avec Metal Gear Solid V, mais on pouvait le justifier en se disant que le jeu avait été sorti avant qu'il ne soit réellement fini, mais là, pour Death Stranding, il n'y aucune excuse.


J'avais donc hâte de terminer le jeu, afin d'en finir avec ces scènes interminables qui n'en finissaient pas d'expliquer les différents mystères du jeu avec la subtilité d'un éléphant dans un magasin de porcelaine, on te tartine la tronche d'explications, répétées plusieurs fois au cas où tu n'aies pas compris, tout ça pour un récit dont l'idée principale reste quand même qu'il faut empêcher le méchant de détruire le monde, un truc qu'on pensait oublié depuis les années 90. Ce n'est pas parce qu'on l'enrobe de « bidule manipule truc qui lui même manipule trucmuche mais depuis le début c'était machin le méchant » que ça rent le récit plus palpitant.
D'autant plus que le jeu passe par des techniques de rétention d'information vraiment nazes, en ayant un personnage qui appelle un autre par un faux nom SANS AUCUNE JUSTIFICATION juste pour que le joueur soit trompé. Ca ne tient pas debout.


Bref, c'est dommage, parce que le jeu avait clairement de quoi être intéressant, il est novateur sur pas mal d'aspects, il est prenant, c'est cool de déambuler dans ces terres apocalyptiques, le fait que l'ennemi principal du jeu soit l'environnement est chouette, cela influencera je pense pas mal de jeux à l'avenir, mais l'écriture aux fraises (comme Charlotte, MDR) gâche tout.


Comme je le disais sur Twitter, ça donne vraiment envie de voir ce que ce concept de jeu donnerait avec un truc bien écrit, genre La Horde du Contrevent. Ce bouquin se prêterait vraiment bien à la jouabilité de Death Stranding, on a dans les deux cas l'objectif de traverser un continent, de faire face aux éléments, de se battre contre l'envrionnement, de s'entraider... ça serait chouette !


Et hop, voilà mon premier test, rédigé entre midi et deux en salle des profs, plus qu'un et je pourrai postuler pour REALISER MON RÊVE !


La bise.

Taff
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le 15 nov. 2019

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Monsieur LeProf

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