Detention
7.5
Detention

Jeu de Red Candle Games et Coconut Island Games Limited (2017Nintendo Switch)

Un classique du jeu d'"horreur" psychologique bien exécuté

Cela faisait longtemps que ce jeu me faisait de l'œil mais j'avoue ne jamais avoir eu envie de le prendre sur PC puisque j'étais sûr que je n'aurais eu ni le temps ni l'envie de me poser pour y jouer. Découvert il y a quelques moins sur Switch, je l'ai finalement acheté ayant une grosse après-midi de libre à y consacrer et je n'ai pas été déçu (alors que je m'attendais à l'être).


Je reviens d'abord sur le terme "horreur" que j'ai mis entre guillemets dans le titre. Comme pour ma part les artifices de merde pour vous faire sursauter ne font que gâcher toute forme de narration plutôt que de la nourrir, je rassure ceux qui sont comme moi : il n'y en a pratiquement pas dans Detention. De plus, le jeu ne fait pas spécialement peur, l'horreur est ici surtout incarné par la gravité du scénario et la peinture des évènements qui flirte avec ce registre. Donc oui, ce jeu a bien l'ambiance d'un jeu ou d'un film d'horreur, mais sans en faire son véritable but. L'horreur illustre ici les tourments intérieurs et la gravité du contexte, un peu comme dans les jeux comme Rule of Rose, Silent Hill, etc.


De fait, le scénario de Detention repose sur deux plans : le contexte historique et les tourments du personnage principal forcément catalysés par ce premier contexte. De ce scénario, le jeu ne laisse rien présager au début en dépeignant un lycéen bloqué seul dans un lycée (sous contexte de loi martiale et de chasse au communiste) lors d'un typhon après s'être endormi en cours. Après quelques dizaines de minutes, le jeu opère son premier revirement et commence d'ailleurs juste après à présenter ses premières particularités ludiques.


En effet, si Detention se présente comme un point and click classique, il introduit aussi un micro-bestiaire qu'il faudra bien passer au risque de mourir. Rien de bien compliqué cependant, le gameplay consistera à retenir son souffle ou ne pas bouger. Pour les allergiques à ce type de phases, notez également qu'il n'y aura pas de phases de furtivité qui sont un véritable cauchemar mal foutues général dans les jeux du genre. De petits puzzles ou "énigmes" émailleront également le jeu en sus de recherches dans les lieux du jeu (qui ne sont pas très vastes) ; ces phases ont l'avantage de ne pas être trop difficile tout en ayant du sens au regard du scénario ou de la symbolique (en opposition aux jeux qui mettent des puzzles hors sujets ou tarabiscotés). L'absence générale de lourdeur ou difficulté stupide dans la progression permet de bien profiter du scénario et de la sensibilité du jeu qui d'ailleurs est quand même plus proche du "roman" interactif que du point and click tout en restant malgré tout entre les deux.


Sur ces points, Detention frappe assez fort avec une véritable alchimie entre l'oppression induite pas le cadre historique et les enjeux psychologiques du titre qui propose une figuration relativement élégante et détaillées de son propos. Les enjeux sociétaux ou sociologiques rencontrent les tourments individuels, le personnage principal étant autant une cristallisation d'un mal de la société qu'une personnage auquel on peut s'identifier. Ce style est assez fréquent dans les jeux de la zone (Japon, Corée...Taïwan en l'occurrence) et constituent presque un Romantisme à l'asiatique. (vraiment au sens du courant artistique européen, ici au sens des plus radicaux dépressifs du genre).
Comme dans toute œuvre figurative qui représente l'intériorité, les décors changent au fur et à mesure que le personnage avance avec ici un style à la fois simple qui pourrait passer pour simpliste mais en fait très joli et détaillé si on y regarde bien. De même, de nombreux détails de mise en scène (les objets notamment) permettent de comprendre le scénario de façon métaphorique. Chaque chapitre évoque un thème et un sentiment qui se retrouvent dans les figures traditionnelles ("dieux", etc.), monstres, mécaniques ou décors. Cette diversité des tonalité est d'ailleurs une force du jeu qui est établi sur le modèle de la convergence (qui se ressent dans le gameplay : le jeu devient de plus en plus narratif et de moins en moins "ludique"). Enfin, pour conclure ce volet artistique, la musique qui ne fait pas dans l'éclat est quand même bien présente et accompagne bien le propos du jeu. En clair, c'est une réussite sur ce point.


Néanmoins, à l'heure du bilan, je suis tiraillé entre le constat d'une œuvre sensible avec une touche littéraire relativement élégante (les textes du jeu sont très beaux) et une exécution vraiment remarquable (le jeu étant dans une harmonie parfaite) et le sentiment que le jeu ne m'a pas non plus procuré de vrai moment de grâce. D'un autre côté, je n'aurais peut-être pas aimé un jeu qui en aurait trop fait avec du pathos à tous les étages mais peut-être que développer un tout petit peu plus le contexte direct (le lycée) aurait été profitable pour enfoncer encore plus le clou. En l'état, j'ai trouvé le jeu magnifique dans sa retenue et sa poétique, surtout après la vraie fin (facile à avoir, le dernier chapitre étant court) mais cette sensation est avant tout intellectuelle et instantanée. Peut-être aussi que la durée de vie du jeu empêche un traitement plus sobre de prendre assez contrairement à ce qui peut se passer dans un jeu beaucoup plus long comme Deadly Premonition. Me rappellerai-je vraiment du jeu comme je l'ai fait avec un Cineris Somnia peut-être un peu moins intelligent mais plus dans l'émotionnel ? Pas sûr. C'est pourquoi je luis mets un 7/10 qui est plus proche du 8/10 (un 7,5 quoi) comme compromis entre ces deux sensations. En tous cas, si vous être d'accord pour payer un peu plus de dix euros pour 4 heures de jeux (au fond c'est rien et j'aurais bien payé beaucoup plus pour les améliorations citées) et que vous êtes un amateur de ce style de narration et de thèmes, je vous déconseille de passer à côté !

Foulcher
7
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le 20 mai 2019

Critique lue 474 fois

2 j'aime

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