Scénario pour adolescents, suite de couloirs qui convaincront les fan(tardés) que c'est bien la suite du un et pas du deux même si le jeu est tout aussi manichéen dans son approche générale, rien que le pitch de base est d'un ridicule achevé : vous bossez pour une compagnie qui "améliore" les gens par la technologie, d'autres gens sont contre jusqu'à se battre. On commence le jeu par le biais de cette porte d'entrée ridicule. Certains diront que c'est crédible, on leur répondra qu'il existe un groupe de gens convaincu que la marche sur la lune est une conspiration et que la terre est plate en réalité. C'est pas parce que ça existe que ce n'est pas complètement stupide. En cours de route on récupère un peu de crédibilité, les augmentations transforment les gens en junkies aux médicaments et les rendent plus efficace au travail que les non-augmentés. D'accord, on récupère (tardivement) un peu de cohérence et d'arguments dignes de ce nom pour justifier le bazar. D'ailleurs ce qui faisait la force du deux (si, si, il a des forces) et la faiblesse du premier est de retour : l'histoire est plus intime et quelques personnages secondaires viennent donner un peu de consistance à une "enquête" classique et vue dans mille scénario du jeu de rôle papier Cyberpunk.



Deus Ex n'a pas changé, c'est un roche papier ciseau avec baston / infiltration / piratage. Le truc malheureux, c'est que comme toujours tu n'as pas réellement le choix. Tu bastonnes un peu plus ou un peu moins que la moyenne des autres joueurs de l'univers selon ton style, mais tôt ou tard faut s'infiltrer et tôt ou tard faut pirater. Le design des lieux est à l'avenant. Oui, c'est plus ouvert qu'un couloir de Mass Effect, non, on est pas du tout dans un monde ouvert. Que tu le veuilles ou non, tu t'infiltrera et tu pirateras (l'astuce c'est te filer un niveau 1 minimum de piratage et de te mettre ça et là quelques portes de niveau 1 sans te filer l'habituel tunnel de ventilation pour contourner le problème).

La grosse blague du jeu, te filer des fusils à lunette. Haha. Dix-sept cases d'inventaire pour une arme qui te sert toutes les quinze heures faute d'endroits ouverts. J'aurais tendance à dire que dans ce jeu un poing américain serait plus utile que la majorité des armes qu'on y trouve. On peut s'en servir à une ou deux reprises pendant la prise d'otage, dans la rue des gangs de Detroit, à un endroit du centre militaire, dans l'hôtel de Shangaï si t'es un peu taré. Je viens de survoler quatre endroits qui prennent une bonne quinzaine d'heures de jeu, j'ai même pas exagéré (surprise rétrospective).


Côté technique, les graphismes, même s'ils sont jolis, puent le bridage console. Ou alors c'est les quatre années de développement, je sais pas. C'est beau, mais on sait que nos bécanes sont maintenant capable de bien mieux. Le découpage des zones sent les limitations techniques du matériel, on ne me fera pas croire que c'était indispensable pour un PC. Le design est indiscutablement beau (on alterne les habituelles et génériques zones d'entrepôt qui tendent à démontrer que la totalité des designers n'ont pas visité un vrai entrepôt depuis un million d'années avec des zones beaucoup plus intéressantes, généralement en ville, et qui touchent la cible). Le résultat est tout de même très honnête, si on fait l'effort d'oublier toutes les scènes d'avion qui sont outrageusement massacrées (ça détonne vraiment et ça en est surprenant de laideur).

La musique est mignonne et fait le travail, rien pour téléphoner à sa mère toutefois, on reste loin de l'ambiance sonore d'un Mass Effect même si la mousika s'excite quand tu décide de déclencher la troisième guerre mondiale en solo. L'ambiance fait penser à Marseille un vendredi soir peuplé de parisiens ou l'inverse et tout le monde semble très à l'aise avec l'idée d'envoyer chier un type qui trimbale trois cent kilos d'armes à feu et des prostituées à tous les coins de rue. Faut-il y voir un message ? (excusez-nous de nous être prostitués pour une sortie Xbox ?). Moi, je vous fais une suggestion valable jusqu'en 2037, si un mec se ballade avec à la fois un fusil d'assaut, un fusil à lunette, un pistolet mitrailleur et un lance-roquette (ou une mitrailleuse lourde) et vous demande l'heure, votre date de naissance ou les préférences sexuelles de votre mère, répondez au mieux et oubliez les vannes sur son look. Forcément, à cause de ça tôt ou tard vous allez sauvegarder et ouvrir le feu sur un ou plusieurs civils un peu trop familiers. Deus Ex 3 est un jeu misanthrope qui t'incite fortement à tuer des innocents.

Les punks de Detroit ne comptent pas cependant. Bon, en fait les punks comptent rarement dans quoi que ce soit en général, mais bon, vu les commentaires qu'ils te balancent dans le jeu, difficile d'avoir mauvaise conscience. D'ailleurs, parlant de conscience, tu peux pas utiliser tes actions de corps-à-corps sur les civils (non-hostiles). Mais rassurez-vous, vous pouvez quand même leur éclater la gueule au fusil à pompe. Allez comprendre.



Côté gameplay, le mini-jeu de piratage n'est pas calqué sur Uplink (les concepteurs ont bien exprimé qu'un enfant de trois ans devait pouvoir terminer le jeu sans frustration pour acheter les suites, on parle de franchise, hein). Non, au contraire il s'agit d'un puzzle à la con sans rapport aucun avec l'électronique en général et l'informatique en particulier. Je cherche encore à comprendre comment bousiller une serrure de porte peut me rapporter de l'argent et des virus à réutiliser plus tard. Ceci dit, le mini-jeu est amusant et - haha, humour de développeur oblige - il est beaucoup plus intéressant côté Xp de pirater tout ce qui bouge MÊME quand on a la clé. Logique, contourner un million de types armés discrètement pour piquer un mot de passe est moins méritoire que jouer au solitaire dix secondes sur une porte. Suggestion pour les méchants : installez des portes à carte magnétique la prochaine fois, Jensen aura l'air drôlement con. Surtout qu'avec ses gros bras qui peuvent casser des murs, il ne peut péter AUCUNE porte du jeu.
Allez comprendre.


Pour le reste du jeu, c'est comme - question progression dans l'histoire - un sous Alpha Protocol mais avec plus de couloirs et de l00t. Ceci dit, pour les arborescences de dialogues AP et Mass Effect font un peu plus classe (le choix ne résume pas totalement le commentaire du joueur, le dialogue garde un certain "suspens"). Oui, oui, on peut alterner l'approche baston et la furtivité, c'est d'ailleurs incroyable de voir la quantité de sas de ventilation disséminés dans les installations secrètes avec des grilles pas vissées. En un sens c'est mieux, l'alternative était que tout ces foutus machins soient barrés par des loquets à pirater. Je n'ose y penser. Un gros +1 au bidon rouges explosifs. On a jamais assez de ces trucs sous la main quand on reçoit la visite d'une équipe de témoins de Jéhovah. Et puis qui est le salopard qui dissémine partout des bidons explosifs dans les entrepôts ? Ils ont plus rien de mieux à faire chez Al-Qaeda ?


Ah tiens, bon point, les améliorations sont marrantes et jouent bien avec les limitations de ce genre de jeu vidéo (inventaire de merde, je pense très fort à toi). Mais bon, encore une fois, c'est Alpha Protocol, là. Je m'explique, la plupart des améliorations viennent alléger les restrictions du jeu : y'a des hauteurs, tu peux te faire poser un truc qui te permet de chuter en douceur. T'as un inventaire (de merde), tu peux l'étendre par une prétendue force augmentée. Y'a du piratage (ah oui, y'en a, c'est une incitation au crime, quand je pense que j'ai acheté ce jeu ...), tu as dix-sept millions d'augmentations relatives au piratage. Les "vrais" super-pouvoirs ne sont finalement pas si nombreux que ça et c'est très bien. Les améliorations d'armes ne sont pas si mal parce qu'elles n'augmentent que légèrement l'efficacité des armes. Ça évite que le gameplay ne soit centré sur la recherche du plus gros flingue.


Malgré tout mon désabusement, la sauce générale prend en ce qui me concerne. Ceci dit ce n'est pas surprenant, j'ai aimé Mass Effect et Alpha Protocol, et on joue grosso modo au même jeu. Ou attend, peut-être que Mass Effect et Alpha Protocol se sont inspirés de Deus Ex premier du nom, va savoir. Ou si ça se trouve, tout ça vient du premier Metal Gear EN 1987 ET PERSONNE N'A DE MÉRITE D'AVOIR TOUT REPOMPÉ. Bon. Quoiqu'il en soit, je suis vendu à ce genre de jeu alors le côté "épatons les adolescents" ne parvient pas à supprimer le plaisir du "Rampe, rampe, rampe, backstabbe, backstabbe, backstabbe".



Le truc qui tue, c'est l'histoire. À la place de Adam - prénom prédestiné et admirez la subtilité de la référence - une fois vu le type se flinguer contre son gré par son propre bras cybernétique je me poserai de sérieuses questions sur mon assurance dentaire. Et une fois trouvé les carnets secrets sur la trahison du docteur chose, je commencerai aussi à rédiger des CV. Mais bon, c'est un peu toujours le problème des jeux vidéos depuis Donkey Kong : c'est toujours "Chargeeez" (quand filer un grand coup de pied dans l'échafaudage réglerait adéquatement le problème). Sérieux, vous vous découvrez à la sortie du bloc opératoire changé en Transformers au look Matrix, que votre boss, votre chef de l'informatique et votre chercheuse vous cachent des choses, que contrairement aux autres, vous n'avez pas besoin de drogue pour utiliser votre joli zizi rétractable et que tout ce monde là est la cible d'une conspiration mondiale, vous faites quoi ?

Je ne veux pas dire que j'aurais aimé que Jensen se casse aux Malouines et aille se taper des filles jusqu'à la fin des temps, le jeu aurait été court, mais quand même, la moindre des choses serait de pouvoir court-circuiter un peu le jeu : espionner nos pas-si-copains que ça, contacter des vieux potes pour assurer ses arrières, sortir des sentiers battus, quoi. Ah oui, histoire pour enfants de trois ans. J'oubliais.


C'est le côté un peu frustrant des jeux d'aventure aux personnages ayant la personnalité d'un perso d'Asimov (j'exclus Cailloux dans le ciel et Némésis). Des fois tu les vois aller et tu te dis que c'est l'agent d'Eddie Murphy qui leur souffle leurs répliques plutôt qu'Agatha Christie. D'ailleurs la plupart des pro/antagonistes sont tellement agaçants qu'on a envie de progresser dans le scénario pour voir si on pourra leur casser la gueule plus tard. Mention spéciale au chef de l'informatique, là, dans la vraie vie un type comme lui tu as une conversation d'homme à homme avec lui au bout de dix minutes (encore une fois, la règle d'or, un type qui trimbale les réserves d'armes de Khadafi sur lui et qui vient de commettre un génocide en règle (soit pendant une prise d'otages, soit minimalement pendant l'invasion d'un gang de rue), tu évites de l'ensevelir sous les sarcasmes bon marché, surtout si c'est pas un genre d'ami d'enfance). Il y a plusieurs moments rigolos dans le genre : tu vas dans le repaire d'un bad guy, Tong. Si tu y vas avant le temps et que ça finit en boucherie, ça n'empêche pas Tong de dire plus tard "J'ai plein de potes si j'ai besoin". Ah oui, mais non, je crois que tu parles de la pile de cadavres que j'ai entassé dans le garde-robe là-bas ? Ou alors le fameux Typhoon conçu dans le plus grand secret et tout, dont tu retrouves des munitions un peu partout dans des planques à tout bout de champ.


Le scénario très adulte est naturellement plusieurs coches en-dessous de ce qu'on voit dans la vraie vie, mais on est tout public, faut s'en souvenir. Toutes ces prostituées pour faire adulte et si peu d'occasions de .. Enfin bref quoi, le petit côté putassier habituel "Toi vouloir mettre zizi mécanique dans mon bouche" sans rien montrer dans un jeu vidéo, on se croirait dans Californication. Valait mieux virer les putes et mettre une pseudo-romance à la Dragon Age pour remplir le quota de présence féminine. Ah tiens, côté femmes, merci pour le combat contre "la fille avec les cheveux, là", phatest fight ever !


Bref, merci Mass Effect (pour le feeling des combats et les situations tactiques) et Alpha Protocol (pour le reste, de la gestion de la furtivité aux corps-à-corps), on a sauvé le soldat Deus Ex. On a fait le présent, le futur proche et le futur lointain, y'a plus qu'à retourner saccager le passé. Un p'tit Assassin Creed : Revolution Française quelqu'un ?
zeugme
6
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Je suis venu, j'ai vu, je l'ai finalement vaincu ! et Les grands moments du jeu vidéo

Créée

le 29 août 2011

Critique lue 2.9K fois

90 j'aime

42 commentaires

zeugme

Écrit par

Critique lue 2.9K fois

90
42

D'autres avis sur Deus Ex: Human Revolution

Deus Ex: Human Revolution
Vnr-Herzog
8

Sarif, fais-moi peur !

En 2027 l'humanité n'a pas tellement changé que ça, tout ce qui l'intéresse ce sont les augmentations. Mais on ne parle pas de salaire, on parle d'améliorations biomécaniques permettant aux gens...

le 5 sept. 2011

71 j'aime

15

Deus Ex: Human Revolution
Erwan
8

« Deus Ex », machine à choix

Une balle dans la tête, ce serait tellement plus simple. Ou une bonne vieille grenade à fragmentation, ça, c'est radical. Au lieu de quoi, bien planqué derrière la palissade, Adam Jensen observe,...

le 15 sept. 2011

61 j'aime

1

Deus Ex: Human Revolution
Pipomantis
9

Adam et crève

Mes chères amies, mes chers amis – puisque l'on peut maintenant arrêter les simagrées et assumer la proximité de nos relations – il n'est pas facile, mais alors pas facile du tout d'écrire...

le 2 sept. 2011

41 j'aime

3

Du même critique

Le Guerrier silencieux - Valhalla Rising
zeugme
9

Critique de Le Guerrier silencieux - Valhalla Rising par zeugme

J'étais parti pour écrire la critique la plus balaise de tout Senscritque quand un malotru a osé prétendre que ce film n'était pas le meilleur de tous les temps. Sauf que comme je sais plus trop...

le 28 déc. 2010

133 j'aime

21

Another Earth
zeugme
10

Une autre chance.

C'était un des meilleurs films de ma vie, sans hésitation le meilleur film SF de ma vie. Toutefois. L'histoire a déjà été vue. La réalisation ne révolutionne rien au cinéma. On peut n'y voir qu'un...

le 24 août 2011

104 j'aime

31

Deus Ex: Human Revolution
zeugme
6

Qui aime bien châtie abondamment.

Scénario pour adolescents, suite de couloirs qui convaincront les fan(tardés) que c'est bien la suite du un et pas du deux même si le jeu est tout aussi manichéen dans son approche générale, rien que...

le 29 août 2011

90 j'aime

42