La quintessence vidéoludique de la 7ème génération

En 2007 Square Enix ayant récupéré les licences de Eidos, fonde le studio Eidos Montréal avec Stephane D’Astous et utilise la licence Deus Ex comme jeu de lancement du studio. Deus Ex 3 intitulé Human Revolution sera donc dirigé par Jean-François Dugas et produit par David Anfossi.
Un projet ambitieux et risqué puisqu’il s’agit du premier reboot par Square Enix d’un des jeux Eidos avant Hitman et Tomb Raider.
J'ai joué à la version augmentée sur PC qui n’est pas l’édition Director’s cut légèrement plus jolie et avec les combats de boss remaniés, j’ai le jeu de base et tous les DLCs disponibles, et comme j’ai déjà acheté le jeu 2 fois ça m’aurait fait chier de payer en plus cette édition Director’s cut.


Un jeu-vidéo est un jeu vidéo pour une raison. Les créateurs doivent avoir une idée de ce qu’ils veulent transmettre au joueur pour définir tout d’abord le gameplay donc c’est la phase game design puis le contexte et c’est la phase d’écriture qui sera ici dirigée par Mary Demarle.
Si je vous dis Conspiration, Illuminati certains me diront, quoi encore qu’est-ce que c’est que ce truc ringard ? Ceux à quoi je répondrais qu’en 2011 (voire en 2007 qui est le début du développement) on était en plein dans la mode d’autant que ce gens de scénario convient parfaitement à l’univers Cyberpunk. De plus chaque chapitre de l’histoire consiste en un rebondissement suffisant pour rediriger les motivations partielles du héros, la motivation absolue étant le besoin de retrouver sa bien-aimée enlevée au début du jeu.
Et ce n’est pas anodin que le jeu soit un jeu de rôle, car un RPG demande au joueur de s’impliquer pour des choix narratifs qui seront ici éthiques au vu des thématiques proposées.
Nous sommes en 2027, Adam Jensen est le chef de la sécurité de Sarif Industries, l’entreprise leader dans le domaine des augmentations. Une attaque en début de jeu sert de tutoriel pour les mécaniques de base, une attaque suite à laquelle se déclenche un des plus beaux génériques de l’histoire du jeu vidéo dans lequel Sarif vous reconstruit un corps en le chargeant d’augmentation pour faire de vous une arme. Les augmentations sont comme des prothèses sauf qu’au lieu d’être connectées à des muscles existants, ils peuvent ajouter tout un tas de capteurs et de fonctions supplémentaires en augmentant même le cerveau créant ainsi l’humain bionique.


Le joueur est donc dans une bonne position pour se poser les questions, Adam est augmenté certes, mais pas par choix. Ses augmentations lui sont salvatrices mais il leur associe tout de même le chaos créé dans sa vie.
D’ailleurs dès le début rien n’est blanc ou noir, les augmentés dépendent de la neuropozyne qui est une drogue sans laquelle le corps rejette les augmentations. Sarif tire le principal de ses profits de contrats militaires et bien sûr les augmentations sont, de par leur prix réservées à une élite. Et comme ces augmentations facilitent la vie, il s’installe tout de suite la notion d’injustice.


Deus Ex Human Revolution vous propose d’évoluer dans 2 petits open-world qui sont Detroit et Henscha dans lesquels vous trouverez non pas une multitude de quêtes annexes comme les temps de chargements voudraient nous faire croire mais quelques quêtes supplémentaires qui s’imbriquent très bien dans l’histoire et sont réellement intéressantes au vu de l’univers. Le monde reste de toute façon intéressant à explorer pour ce qu’il propose à savoir une ville futuriste level designée pour que vous accédiez aux différentes zones grâces à vos augmentations.
En dehors de ces open-world, la plupart des missions se déroulent dans d’autres lieux, pas très grands mais relativement ouvert. Et c’est vrai qu’on aurait sans doutes espérer quelque chose de moins linéaire histoire d’avoir plus l’impression de mettre à profit nos capacités étant donné qu’il s’agit d’un jeu d’infiltration avec des mécaniques de fps ou tps si on utilise le cover système qui fonctionnent très bien. La seule mécanique un peu ratée en infiltration est la fonction de neutralisation des soldats qui fige littéralement tout le niveau pour que Adam puisse faire son animation ultra stylée sans se faire détecter.
A votre disposition des armes létales ou non selon votre manière de jouer et il n’y a pas du tout de répétitivité, chacune a sa fonction : distance, bruit, taille, rareté des munitions, types d’amélioration disponible : possibilité de craft avec des mines et des packs pour les armes, 4 types de grenades, différents consommables : virus pour le hacking, analgésiques pour la santé santé, alcools et restauration d’énergie car l’utilisation de certaines augmentations demandent de l’énergie; voilà tout un tas d'items à analyser scrupuleusement pour gérer votre inventaire.
Et tout va donc tourner sur le système d’upgrade du perso qui est selon moi à ce jour un des plus impactant sur le gameplay que j’ai pu voir dans un jeu. La moindre augmentation ou amélioration d’augmentation modifie considérablement votre expérience de jeu : vous donnant accès à des zones inédites, la jambe permettant de sauter plus haut, dos permettant d'atterrir en douceur, la résistance au gaz, à l'électricité, neutraliser plusieurs personnes, briser les murs, améliorer le piratage, améliorer la composante sociale permettant de débloquer des dialogues exclusifs et la liste s'étend encore.
Rien que débloquer la smart vision pour voir à travers les murs ou pouvoir marcher puis courir puis atterrir silencieusement change considérablement votre façon de jouer et vous créé des besoins duquel vous ne pouvez plus vous passer, on se rend compte à quel point on devient dépendant des augmentations. De même il y a une vraie gestion de l’inventaire qui s’agrandit en augmentant votre force. Certaines améliorations sont d'ailleurs plus offensives, celles servant à régler le bras pour diminuer le recul des armes, l’utilisation du Typhoon une explosion de dizaines de billes métalliques qui nettoient rapidement une salle.
Jamais un système d’upgrade n’aura été aussi bien pensé dans le level design, et les points de dynamisation deviennent ainsi un des feedbacks les plus importants pour le joueur.
Pour revenir à l’infiltration vous aurez donc à faire face à des gardes avec une IA assez classique qui sont passifs au début, qui vous cherchent s’il y a un doute et qui vous traque avec des renforts une fois l’alarme déclenchée. Parallèlement à ça on aura des caméras, des systèmes lasers, des tourelles et autres robots mobiles donc pas de quoi s’ennuyer.
Pour contourner cela et donc s’amuser un petit peu vous pourrez vous servir des capacités dont j’ai déjà parlé, déplacer des objets pour ouvrir des chemins, neutraliser les gardes, cacher leur cadavre, devenir invisible et surtout pirater les ordinateurs ou relais de sécurité. Le hacking est un mini jeu qui s’apprend très facilement mais putain ce que c’est efficace ! c’est, encore une fois, le jeu qui propose, selon moi, le meilleur mini jeu de piratage possible (n'est-ce pas Watch Dogs), c’est fun, il y a du challenge de l’aléatoire et on progresse on accédant à des zones de plus en plus sécurisées en améliorant son augmentation piratage de plein de manières différentes pour à la fin avoir possibilité d’ouvrir des portes, désactiver les caméras et mêmes retourner les robots contre les ennemis. Ça servira aussi à désactiver des lasers, réinitialiser l’alarme, ou tout simplement obtenir des informations sur le lieu en lisant les mails, informations qui se révéleront d’ailleurs très utiles. On pourra aussi trouver des carnets électroniques contenant les mots de passes des différents ordinateurs ou portes.
Et c’est là où on voit que le level design est particulièrement bien pensé, le jeu est designé comme un RPG : on fait ce qu’on veut, si on veut faire l’objectif de mission uniquement on ne fait que ça mais il y aura des objectifs annexes au sein des missions principales qui peuvent même changer considérablement votre approche, et les augmentations en deviennent d’autant plus importantes qu’il y a un choix critique au moment de dépenser ses points. Et le jeu est fait de sorte qu’on ne puisse pas avoir tout débloqué à la fin, et si le jeu a une re-jouabilité c’est là : on peut refaire le jeu de manière totalement différente en essayant de se battre par exemple vu que les headshots sont récompensés. C’est presque frustrant à la fin quand on voit la multitude d’armes à disposition avec des trucs assez dingues comme fusil laser, lance roquette, fusil plasma et à la fin j’avais constamment l’inventaire plein par désir de jouer toujours à l’économie. Donc si j’avais un conseil à vous donner c’est de ne pas se prendre trop la tête et de juste progresser dans le jeu normalement car il n’est pas radin.


D’ailleurs j’ai beaucoup apprécié le DLC Chainon Manquant car il s’agit d’un niveau à part entière et ils nous font repartir à 0, le level design en est d’autant plus intéressant. Ils ont même fait des zones cachées plus intéressantes, une arme exclusive à créer, et on était pas du tout guidé donc c’était assez cool. D’ailleurs le DLC est bien écrit, c’est un des moments les plus impactant de l’histoire car on a vraiment affaire à cette idée d’exploitation d’êtres humains au service de la science. Le jeu principal ça manquait un peu de ça, dans le visuel on voit l’inspiration Blade Runner et Ghost in a Shell, mais dans les faits on ne ressent pas trop la dystopie. Par exemple les fameuses émeutes qu’on voit dans le trailers sont dans le jeu, mais on en est que spectateur. Pareil pour le trafic d’implants, ou les dégâts de la neuropozyne tout en sachant le fait que tous les êtres humains ne sont pas compatibles aux prothèses. Ils pouvaient pas tout faire non plus …
Toutefois l’histoire reste solide et l’ambiance au combien risquée fonctionne à merveille. Cette ambiance fonctionne grâce aux visuels remarquables, au level design qui implique le joueur car il se sent sollicité à chaque décision de dialogue ou de tactique, à la bonne direction des cinématiques, au voice acting talentueux (Elias Toufexis) et surtout grâce à la musique de Michael McCann.


Le mec a trop bien cerné le contexte c’est une des plus belles musique de jeu vidéo, ça colle tellement au contexte que je hurle dés que je l'entend utilisée ailleurs.


Ce jeu n’est néanmoins pas parfait et je vais revenir sur les quelques points négatifs pour nuancer un peu cette critique qui se veut dithyrambique.
La première chose qui vient se poser comme une limite c’est le monde, si beau soit-il surtout dans les trailers on n’interagit pas vraiment avec lui comme ils voudraient nous faire croire. A savoir que les décors splendides qu’on voit dans les cinématiques sont faits en carton-pâte, quand on est dans les bâtiments et qu’on regarde par la fenêtre on ne voit qu’une image étirée et c’est assez moche. Et je ne pense pas qu’il s’agit de paresse, le jeu n’est pas un vrai open-world ! Il nous laisse libre dans certaines zones car la narration le veut, d’ailleurs les quêtes annexes doivent être jouées à un moment précis contrairement à un open-world où on peut tout faire dans le désordre. C’est aussi une question technique, ils se sont clairement focalisés sur l’IA et pas sur la profondeur du décor avec lequel on ne va pas interagir d’autant que leur budget n’était pas illimité.
De mêmes ça manque peut-être un peu de cinématiques mais c’est aussi le lot des RPG car les dialogues sont incorporés dans la phase jouable. Et c’est surtout que ces cinématiques sont, comme tous les jeux Square Enix des vidéos bizarrement compressées réalisées par une équipe à part et pensées pour la version console, et sur PC on se trouve à 720p 30 ips et du grain, ce qui jure avec le moteur du jeu. Et c’est dommage car les cinématiques ont plutôt une bonne mise en scène, un peu comme Hitman Absolution mais elles pourraient, je pense, transmettre un peu plus d’émotion, et le jeu pourrait peut-être mieux nous parler des ennemis qu’on affronte dans les quelques combats de boss qui, au passage, n’ont rien de particulièrement intéressant (en tout cas dans la version initiale du jeu) mais qui auront le mérite de devoir vous faire utiliser pas mal de choses en même temps.


Pour conclure :
Le jeu maitrise les feedbacks audiovisuels avec une esthétique remarquable et des bruitages excellent également et le son y joue d’ailleurs un rôle important. Question technique ça a légèrement vieilli mais au pire il y a l’édition Director’s cut qui ajoute une espèce d’occlusion ambiante, améliore certaines textures et coloration.
Il maitrise aussi les récompenses physiques avec le meilleur système d’upgrade jusqu’ici créé et avec une sympathique gestion de l’inventaire et du système monétaire. Car à aucun moment il ne laisse le joueur s’échapper du contrôle du jeu, ce qui est souvent le cas des open-world avec progression du personnage.
Le sentiment de puissance est apporté par les augmentations qui débloquent des cut scene inédites comme le typhoon, les neutralisations, le système de réception Icare pour atterrir en douceur et assommer tout le monde
Enfin l’émotion est présente, tant dans l'histoire accompagnée par la bande originale que dans le gameplay avec une infiltration jouissive et un combat très efficace grâce aux caractéristiques bien précises des armes et au cover système qui fonctionne.


Tout ce qui est proposé ici est absolument remarquable, le jeu est fini et il répond à tous les critères d’un bon jeu-vidéo avec en plus un genre RPG / action / infiltration assez inédit qui fonctionne foutrement bien. Il y en a qui n’ont pas accroché, je trouve ça assez surprenant mais je peux comprendre si on n’aime pas la science-fiction ou qu’on aime pas les jeux un minimum exigeant et contraignant.
Puis il y a ceux qui vont finir le jeu en difficile, sans déclencher aucune alerte, en ne tuant aucun garde, sans augmentations, sans armes ? je vous jure ça existe.


Pour les flemmards : Critique Vidéo

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le 10 mai 2015

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Magemo

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