Dishonored
7.6
Dishonored

Jeu de Arkane Studios et Bethesda Softworks (2012PC)

La cité de Dunwall est au bord du gouffre. Alors que la peste ronge petit à petit ses rues, c'est désormais tout son édifice politique qui s'écroule avec l'assassinat de l'impératrice. Autrefois protecteur mutique de l'impératrice Corvo Attano est désormais en prison pour le meurtre de cette dernière. Cependant il est innocent, victime d'un complot fomenté par les plus hauts cercles du pouvoir. Libéré par de mystérieux et puissants alliés Corvo est désormais libre d'exercer sa vengeance.


COMME UN ASSASSIN SUR UN TOIT BRÛLANT

Libre. Plus qu'une formulation, c'est la colonne vertébrale de Dishonored. En effet le jeu se présente sous la forme d'une série de quartiers vastes et tortueux dans lesquels le joueur pourra avancer et évoluer à sa façon. Le but restera globalement le même : aller jusqu'à sa cible, accomplir le job et poursuivre jusqu'au point d'extraction. Que se soit en passant par les toits au risque de se briser la nuque, par les ruelles au risque de se faire dépouillé ou par les grandes avenues au risque de se faire abattre par les forces de l'ordre le joueur pourra, à tout moment et sans contrainte, choisir son chemin. Le level-design particulièrement inspiré stimule sans arrêt la curiosité du joueur et offre un nombre de possibilités qui donne parfois le tournis. Il n'est ainsi pas rare de galérer comme un forçat pour passer un point précis de la carte avant de se rendre compte, après l'avoir fait, qu'il y avait peut-être une/des autre solutions passées inaperçues, faute d'avoir suffisamment cherché.

De la même manière le joueur est parfaitement libre d'accomplir sa tache comme il l'entend. Vous voulez vous la jouer fantôme humaniste, protecteur de la vertu autant que de la vérité ? Vous pouvez. Vous souhaitez devenir un assassin invisible et sadique, qui fait naître la peur dans le regard de ses ennemis ? Vous pouvez. Vous préférez foncer dans le tas et ne laisser derrière derrière vous qu'un tas de cadavres fumant ? Vous pouvez. Vous aimer mélanger les approches selon vos cibles et l'humeur du moment ? Vous pouvez. La manière dont vous voulez accomplir votre mission déterminera votre façon d'arpenter les niveaux, et réciproquement. Jamais contraint par quoi que ce soit le joueur devra se fixer et tenir, ou non, sa démarche. Un peu déroutant pour ceux qui aiment être guidé ou ceux qui aiment être récompensé (il n'y a en effet pas de système d'expérience, contrairement à un Deus Ex on ne gagnera pas d'xp en trouvant un passage alternatif ou en ne tuant personne) ce système permet surtout de changer d'avis et de méthode à la volée, une liberté de tous les instants. Heureusement, quelle que soit l'approche envisagé elle sera toujours agréable à jouer. C'est sans doute là l'un des plus gros tour de force de Dishonored : proposer un gameplay évolutif et adaptatif, qui reste fluide et stimulant à tout instant.


ALL ALONG THE DUNWALL TOWER

Pour progresser le joueur pourra bien sûr puiser dans son arsenal. Au côté de la lame (arme principale de nos forfaits) on pourra opter pour un pistolet bruyant mais mortel, pour une arbalète silencieuse et modulable (au choix : munitions sédatives, mortelles ou incendiaires), pour des bombes ou encore des pièges découpant nos victimes d'une façon particulièrement impressionnante. Bien équilibré cet arsenal permettra à chaque type de joueur de trouver un instrument qui lui conviendra. Le système de combat est lui aussi très soigné, les assauts sont à la fois tactique (il faut maitriser le timing des parades pour avoir un avantage notable), dynamique (garder une bonne mobilité est la clé de la survie) et nerveux car chaque adversaire peut vous tuer sur une erreur et chaque combat peut se résoudre en un éclair si on a les bons réflexes. Un système original et vraiment réussi qui laisse toujours la porte ouverte à la créativité du joueur. En effet la fuite est toujours possible (mais pas forcément facile) et pour les plus tordus les pouvoirs du héros autorisent de jolis retournements de situation.

Les pouvoirs permettent non seulement de se débrouiller en combat mais aussi d'explorer les niveaux comme bon nous semble. De base on peut se téléporter sur une distance relativement courte pour atteindre une corniche ou se déplacer de cachette en cachette. Plus tard on pourra invoquer des nuées de rats pour se débarrasser des gêneurs, emprunter le corps d'un ennemi pour traverser un endroit sensible ou encore propulser les gens au large à l'aide d'une tornade. Les pouvoirs s'achètent et s'améliorent avec des runes qui ne se trouvent qu'en explorant les niveaux, là encore le joueur curieux sera récompensé là où celui fonçant tout droit risque bien de passer à côté. Dans le même ordre d'idée on peut aussi trouver des "Charmes d'os" améliorant certaines capacités annexes pour affiner encore son approche. Les bourrins pourront par exemple faire en sorte de regagner plus de vie avec les potions, les aficionados des pouvoirs pourront faire de même avec les potions de mana, les amis des rats pourront envoûter ses derniers plus longtemps pour trouver plus facilement les chemins alternatifs, etc... La pluralité des approches s'accompagne cependant d'une difficulté de base un peu trop permissive, que ce soit dans les combats ou en infiltration. L'I.A. se révèle en effet assez flottante, capable parfois de prouesses et parfois de lacunes étranges, rien de vraiment choquant cela dit puisque d'une manière générale elle fait bien son boulot. En montant la difficulté au maximum les gardes deviennent vraiment plus difficile à duper, rendant ainsi l'approche furtive plus grisante et la victoire en combat plus gratifiante.


AND THE CIRCUS LEAVES TOWN

Théâtre des opérations Dunwall est aussi une vraie ville, crédible et vivante. Si techniquement le titre est loin d'être le plus impressionnant de sa génération (surtout sur console avec des textures et des modèles simplifiés pour un rendu global assez terne) c'est surtout sur sa direction artistique qu'il se rattrape. Des ruelles glauques, des tours de gardes sombres et acérées, des usines délabrées, des costumes travaillés. Avec son atmosphère retro-futuriste, empruntant autant à l'Angleterre de l'ère industrielle qu'aux oeuvres steam-punk, le monde de Dishonored est à la fois singulier et magnifique. Le son de la rue, le vent qui bat les toits, les conversations des passants, ou des gardes, que l'on peut épier pour trouver des indices, l'utilisation parcimonieuse de la musique... le travail sur l'ambiance ne s'arrête pas à la pate visuelle, immédiatement reconnaissable, de Victor Antonov (à qui l'on doit la City 17 d'Half-Life 2) puisque d'un point de vue sonore aussi Dunwall semble réellement prendre vie. Mais ça ne s'arrête pas là puisque les ambiances des niveaux, les dialogues, le nombre de rats et d'adversaires évoluera selon que l'on agisse comme un samaritain ou comme un parfait salaud... le tout pour une issue qui se dessine au long-court et pas sur un choix arbitraire au dernier moment. Belle, terrifiante, servie par un level-design d'exception, Dunwall est bien plus qu'un simple décor, c'est un véritable personnage à part entière.

Si l'univers et l'ambiance du jeu sont vraiment trés réussis il est regrettable que le scénario ne suive pas. Efficace mais beaucoup trop classique, l'histoire de Dishonored se révèle trop prévisible et surtout trop courte. Plongé dans l'exploration de Dunwall on s'attend à ce que les choses s'emballent, que le récit prenne de l'ampleur, que les évènements gagnent une dimension supplémentaire passé un certain stade et... c'est là qu'arrive le dernier niveau et, avec lui, le générique de fin. Les arènes son grandes et demandent du temps pour être arpentées mais difficile de ne pas se sentir un peu frustré devant cette aventure qui ne semble pas avoir livré tout son potentiel. En contrepartie la durée relativement courte autorise de refaire le jeu d'une façon complètement différente sans se forcer grace à la fluidité des missions et l'éventail de possibilité qui s'offre à nous. Dommage aussi qu'il n'y ait rien d'autre à gagner que le plaisir, bien réel, de refaire le jeu. Ce n'est pas un véritable défaut mais cette absence de "carotte" risque de ne pas motiver certains joueurs pour l'exploration de toutes les possibilités offertes par le jeu.

Malgré ce sentiment final un peu étrange difficile de bouder son plaisir devant un jeu qui arrive à jongler entre infiltration et action avec une telle aisance. Peaufiné dans son gameplay, dans son univers, dans sa progression Dishonored est définitivement un titre inévitable. A l'heure des suites à répétition plus concernées par le respect d'un cahier des charges que par offrir au joueur une expérience de jeu profonde, le meilleur FPS de l'année 2012 est un jeu sans mode multi, sans coop, sans avalanche de scripts, sans surenchère dans le spectaculaire, laissant le joueur libre de ses actes et de ses choix. Singulier et captivant, la marque des vrais bons jeux.
Vnr-Herzog
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le 8 oct. 2012

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