Dissimulé sous ses atours d'open-world bon teint se cachent dans Dragon Age Inquisition deux ou trois jeux différents.


La quête principale est composée de missions assez bien faites, variées et intéressantes en soi : défense désespérée contre une déferlante d'assaillants, prise d'assaut d'un château fort, bal masqué et coups de poignards, assaut final. Bien que légèrement indigente, l'histoire s'en tire honorablement.


Viennent ensuite les "quêtes secondaires". Situées dans des espaces ouverts, elles ne font aucun effort pour dissimuler leur standardisation : collecte de cailloux, de petites cartes au trésor, massacres de divers monstres et autres, l'excuse pour nous y envoyer, déjà assez floue à la base, revient surtout à nous faire visiter un parc à thème certes joli, mais néanmoins digne du plus standard des MMO sans inspiration. C'est du remplissage sans intérêt et qui n'a en général strictement aucune influence sur la quête principale.


Reste la carte stratégique où l'on pose divers unités pour résoudre à distance divers petits problèmes pendant un temps donné. On ne sait pas trop à quoi ça sert, à part pour récolter quelques grains de blés, un petit canif ou un pin's souvenir de la région visité par nos fidèles larbins.


Au cœur de tout ça, un système de combat qui devait réconcilier les amateurs d'action à la Mass Effect et les gens plus posés appréciant la profondeur tactique de Dragon Age Origins. En fait, ce qui devait apporter ladite profondeur tactique, la caméra éponyme, est un gros bricolage du moteur du jeu. Là où on s'attend à pouvoir la diriger à la souris, on doit utiliser les flèches de mouvement. Pire encore, elle est sensible aux collisions. En intérieur, on ne peut virtuellement rien en tirer, en extérieur, la moindre margelle, escalier, palissade, pente ou tout autre obstacle infranchissable par le personnage principal doit aussi être contourné. Au final, on a un mauvais jeu d'action parce que les touches intéressantes et utiles sont assignées n'importe où et un exécrable jeu tactique inutilisable dans un cas sur deux. Dommage le cœur du gameplay.


En dépit de tous ses défauts, Bioware parvient quand même à faire un jeu surnageant vaguement au dessus de la limite de la médiocrité grâce à ses atouts habituels. Les personnages secondaires qui vous accompagnent sont tous intéressants. L'univers est, au fond, assez rafraichissant par son côté Star Trek médiéval fantastique assumé : les femmes sont les égales des hommes et mènent la barque dans bien des cas, homosexualité et transsexualité sont non seulement tolérées, mais relativement acceptées. On est bien un peu raciste avec les elfes, mais pas tant que ça, et la religion a certes eu quelque torts, mais rien qui ne soit impardonnable.


À côté de ça, Bioware, qui y avait pourtant parfaitement réussi dans Mass Effect 3, échoue complètement à donner l'impression que l'on est dans une guerre sans merci pour l'avenir du monde. Bioware se soucie comme d'une guigne que la (ou le) chef d'une organisation extra-étatique ait à faire elle-même (ou lui-même) la récolte des herbes pour les potions. Tous les états en question acceptent sans se poser la moindre question la mise en place virtuellement instantanée d'une sorte d'OTAN qui ajouterait à la puissance de feu une indépendance totale.


Tout cela respire la conception sans âme, en comité, plein de gens raisonnables et sérieux, qui veulent limiter les risques, tout en cochant soigneusement les petites cases de fonctionnalités "que les joueurs veulent", études de marché approfondies à l'appui. Dragon Age Inquisition échoue à marquer les esprits parce que Bioware a choisi de ne rien choisir, de ne pas prendre la moindre décision audacieuse, n'a pas voulu trancher entre un gros bac-à-sable à la Skyrim et une histoire plus restreinte et maitrisée à la Mass Effect, ni n'a voulu choisir entre un avoir un jeu ouvertement d'action ou résolument tactique et n'a pas cherché à approfondir son univers au-delà de la commode excuse pour faire avancer son histoire.


C'était pourtant possible, et largement à leur portée.

JeanGordini
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le 2 juil. 2015

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