37ème cycle neo-anno 159, bâtiment de transport pénal.


Cette fois, j'étais foutu.

Mes pérégrinations à travers les systèmes de L'Empire Uni, et mes vagabondages dans leurs exploitations minières en quête d'un précieux sésame à revendre au prix fort au marché noir, m'auront mené à ma perte.
Me voilà, dans cet étroit cloaque sale et sombre qui me sert de cellule provisoire, comme un con à attendre sagement ma potence.

Un bruit sourd, suivi d'une légère vibration, me fit sortir de la stupeur de mon oisiveté.
Un deuxième ne tarda pas à se manifester. Puis encore un autre, l'intensité du vacarme allait crescendo quelques minutes durant, pour finalement aboutir à un fracas du diable qui me ruina les tympans, en plus de me projeter violemment contre l'un des murs de mon indésirable chambre à coucher.

Lorsque je me relevai, les barreaux responsables de ma claustration ne faisaient guère plus les malins.
D'abord confus un court instant, il ne me fallu que très peu de temps pour prendre la mesure de l'occasion qui s'offrait à moi. Une fois libre, je comptais avec déplaisance les corps qui jonchaient le sol. Je manquai même de glisser sur une invraisemblable nappe de sang. Je ne savais pas ce qu'il se passait, et je m'en cognais pas mal d'ailleurs, mais la flippante perspective de finir dans le même état que les malheureux que j'enjambais ne laissèrent que peu de temps à de stériles réflexions :
il fallait que je sauve mon cul.

Je courais dans les couloirs, à la recherche d'une improbable échappatoire, quand soudain je vis au fond d'une coursive, le sas d'une navette de secours pris d'assaut par un officier des lieux. Je pense avoir initié à ce moment, la course la plus véloce jamais exécutée, même plus encore que lors de mes fréquents jeux du chat et de la souris avec les sentinelles des exploitations minières.
La porte était sur le point de se refermer, j'étais à quelques mètres, et dans un dernier élan désespéré, je me jetai avec la grâce d'un poulpe dans un parc à boules, passai in extremis en dessous de l'imposante guillotine de titane, manquant de peu d'y laisser une jambe.
Cet exploit héroïque fut immédiatement récompensé par un généreux coup de crosse de la part de l'occupant de la nacelle.
Bien entendu, c'était mal connaître Max O'Kane, moi qui avait essuyé un nombre incalculable de torgnoles, grâce à ma fabuleuse faculté à me fourrer dans les situations les moins recommandables. Ce n'était pas un ridicule soufflet qui allait me terrasser.
Cependant, la cinquième et sixième taloches me firent ravaler ma fierté prestement, et je succombai très vite la moelleuse quiétude de l'évanouissement.


37ème cycle neo-anno 159, 20 minutes plus tard, planète inconnue.

Je sortais doucement de mon éphémère coma, muni d'un faciès parodiant le plus insupportable des bambins en pleine crise de nerf, lorsque je vis une femme aux cheveux blonds, parée de cet uniforme caractéristique des chasseurs de primes assermentés de l'Empire, affairée à examiner un étrange bibelot jaune, une sorte de polygone en forme de losange.
Elle se tourna soudain vers moi, avec ce regard qu'adresse les maitres à leur chiens quand ces derniers viennent de souiller leur précieux tapis.
- Ah ça y est, la petite pute d'opportuniste va peut-être enfin daigner se rendre utile. M'infligea-t-elle sur un ton désabusé.
- Allez ! Bouge-toi ! Et aide moi à trouver le moyen de nous casser d'ici !
J'observais la petite salle dans laquelle nous nous trouvions pendant que Sara (si j'en croyais le nom inscrit sur sa poitrine) retournait vaquer à ses interrogations vis-a-vis du losange jaune.
- C'est un générateur. Je ne vois que ça. Lorsque j'y touche, la lumière vacille dans la nacelle. Je ne sais pas dans quelle putain de région paumée on s'est vautré, mais si on veut pouvoir reprendre la route, il va nous falloir trouver une autre nacelle qui aura eu la bonne idée de ne pas s'être écrasée comme une merde à l'atterrissage. Bon, sortons d'ici, trouvons d'abord ce que l'on cherche, hors de question que je me trimbale des heures dans la pampa avec cette enclume jaune. Sauf si c'est ton délire de te péter l'échine ?
- Non merci ... ça ira. Répondis-je.

Sara activa l'unique porte de notre triste sanctuaire. Lorsque celle-ci acheva de disparaitre au dessus de nos têtes, la surprise fut de taille : nous n'étions pas face à une quelconque jungle, désert ou tout autre paysage escompté, mais derechef dans une nouvelle salle, visiblement d'un vaisseau.
- Putain de ... C'est quoi ce bordel ? Balbutia Sara.
Nous n'eûmes pas le temps d'entamer la résolution de cette insolite énigme, que dans les ténèbres envahissantes de la pièce surgirent d'infâmes rejeton de la pire espèce.
D'ignobles insectoïdes fonçaient droit sur nous, exhibant crocs et griffes, et invitèrent ma comparse et moi à exécuter une danse endiablée.
Je n'eu malheureusement pas le temps de feindre le moindre signe de bravoure, la furie à ma gauche bondit aussitôt sur eux, et trancha les unes après les autres d'une habilité hors pair, les sales gueules de nos invités d'honneur. Une fois la charogne remerciée, elle se tourna vers moi les yeux injectés de sang, et me balança un flingue qui était soigneusement planqué dans sa combinaison.
- Sans déconner mec, rend-toi utile putain !
J'acceptai le présent sans broncher.
Et sans l'once d'un "merci", d'ailleurs.

Nous n'étions visiblement pas les bienvenus.
Fort de ce postulat, j'entrepris sans réfléchir d'ouvrir la porte située dans le fond de la pièce, probablement mus d'une sorte d'instinct de survie me poussant à quitter les lieux au plus vite.
- HEY ! STOP ! Pauvre con va ! Tu veux nous tuer ou quoi ?! Tu vois bien que cette saloperie de bicoque est infestée de ces bestioles ! Refais-moi un coup comme ça et je te bute sans aucune forme de procès!
Ma chère et tendre amie de fortune pris une grande bouffée d'air, sembla regagner son calme (pour peu qu'un tel état puisse exister chez elle), et me montra du doigt une substance jaune scintillante qui émanait des cadavres tout frais gisant au sol.
- Tu vois ça? Je sais ce que c'est. C'est du Dust. La fameuse ressource pour laquelle les grandes factions de l'univers se mettent volontiers sur la gueule pour en posséder la plus grande quantité possible. Outre sa rareté et sa grande capacité à rendre les puissants très cons, elle fait également office d'une formidable source d'énergie. Avec ça, nous pourrions réactiver le courant dans la pièce, et redonner un peu de gaieté à l'ambiance lugubre de ces lieux. J'ai de bonnes raisons de croire que les morpions qui nous ont accueillis ne supportent pas la lumière, cela devrait nous éviter de nous faire bouffer le fion pendant qu'on progresse dans ce dédale.
J'étais dubitatif quant à son explication sur les morpions, et elle ne développa pas le fond de sa pensée. Mais au vu de ses récentes promesses concernant mon espérance de vie en cas de faux pas, fermer ma gueule me sembla être une option assez évidente.
Sara récolta délicatement l'étrange guano, et l'introduisit directement dans un renfoncement au sol, au centre de la pièce. De cette action résulta immédiatement l'atteinte de l'objectif visé : La lumière inonda les environs.
- Nous devons à présent nous préparer à une nouvelle attaque. Retournons dans la nacelle voir ce que cette dernière prévoit en cas de naufrage.
Ce que nous fîmes. En fouillant bien, il s'offrait à nous les éléments suivants :
De l'outillage rudimentaire, des vivres en quantité restreinte, ainsi que des plans de construction.
Ces derniers arboraient des titres tels que : "Modules de Construction, de Science, et de Nourriture" ou "Comment construire une tourelle de défense lorsque l'on est un gros manche".
- Ah ! M'exclamai-je. Cela me parle. J'en ai déjà vu. J'ai bossé fut un temps dans la EU-Industry, et il m'est déjà arrivé de suivre ce genre de manuels pour certains clients. Bon ça, c'était avant que je ne me rende compte que niveau rémunération je me faisais enfler sévère, et que je décide de ...
- Mais j'en ai rien à branler de ta vie, mec ! La seule chose qui m'intéresse c'est :
1- L'incapable en face de moi va-t-il enfin se rendre utile ?
2- Va-t-il enfin nous faire l'honneur de bouger son cul et de se mettre au travail ?
3- Aura-t-il l'intelligence d'éviter de dire ou de faire n'importe quoi ?
Sous l'influence tyrannique de ma geôlière, je m'exécutai sur le champs.
J'entamai dès lors la construction d'une tourelle de défense, rendue possible par l'énergie générée par le Dust, fantasmant secrètement que celle-ci se retourne contre l'autre pute à frange qui beugle sans raison.
Sara s'approcha.
- Bon, je lisais les autres modes opératoires pendant que tu glandais, et je pense leur avoir trouvé une utilité. J'ai bien observé la pièce, et le renfoncement dans lequel j'ai placé le Dust tout à l'heure serait donc un "réceptacle pour un module majeur" comme c'est écrit ici. On devrait en construire dans chaque salle que l'on parcourt, pour assurer la pérennité de nos ressources. J'ai également trouvé cette note à la fin, qui affiche la phrase suivante : "pour bien grandir, il faut bien manger". J'imagine que celle-ci est destinée aux crétins de techniciens comme toi qui préfèrent passer leur temps de pause déjeuner à picoler plutôt que de retrouver sagement leur force par le biais d'une collation. Ou alors c'est un message codé qui nous invite à consommer des vivres pour évoluer miraculeusement vers un statut de redoutable soldat invincible, mais y'a peu de chances.

Sur ces belles paroles, nous entreprîmes d'ouvrir à présent la porte du fond.
Pas de surprise cette fois. Une salle sombre encore une fois, un autre réceptacle, mais pas de grouillants pour nous faire des câlins. Cela dit, un détail n'échappa pas à nos yeux affûtés : cette fois-ci, il y avait plusieurs cheminements possibles. Nous étions vraiment dans un foutu labyrinthe.
Sara introduisit sans plus attendre sa poudre magique dans le réceptacle, la lumière fut, bla bla bla, amen.
On commençait à manquer de Dust d'ailleurs. Finalement, l'agression de nos amis les bêtes allait bientôt devenir nécessaire à notre confort.

Nous avons alors enchainé plusieurs salles, sans poudre pour illuminer les salles précédentes, et fîmes l'expérience tant redoutée par ma comparse : ces cochonneries naissaient bel et bien de l'ombre. Nous voilà donc assaillis de toute part, à la fois depuis la salle que nous venions tout juste d'ouvrir, mais également des précédentes que nous eûmes pas l'aubaine de pouvoir éclairer.
Nous nous engagions à présent dans une lutte dont l'issue était plus qu'incertaine.
Pour une tête de rampant fracassée par mon flingue, je subissais deux griffures.
Sara leur administrait avec véhémence de grands coups de lames, mais reboutait non sans peine leurs assauts. Sa délicate chair ne tarda pas non plus à être exposée au grand jour.
Lorsque la dernière créature expira son dernier souffle, nous aperçûmes d'étranges cristaux mouvants en lévitation, se diriger vers notre canot de sauvetage échoué. Nous ne comprîmes pas tout de suite, mais ces petites chiures étaient en train de ravager notre précieux Artefact Jaune !
Il fallait les arrêter au plus vite, nos réserves de Dust commençaient déjà à s'éroder !
Nous avons couru avec une vivacité digne d'un octogénaire, pour occire à temps les trublions.

Nous étions à bout de force.
J'entrepris au plus vite de concocter un onguent de fortune, à base de nourriture que nous possédions, et de l'appliquer sur la peau meurtrie de ma valeureuse Valkyrie.
Nous prîmes alors le temps de recouvrer notre verve, de monter sur pieds quelques tourelles supplémentaires, et de bien manger pour bien grandir.
Chose faite, notre épopée reprit sa cadence.

Exténués, nous parvînmes enfin à ce que nous avons immédiatement assimilé au terminus de notre terrible pèlerinage : une salle avec un escalier de secours. Nous y étions ! La sortie était là, devant nos yeux ébahis !
Lourde fut désillusion lorsque nous nous rendîmes compte que le Dust ne suffisait pas à activer le sas. Un logo arborant la forme d'un losange juste à côté, il ne nous fallu que peu de temps pour comprendre quelle était la dîme requise ...
- Putain c'est pas vrai! Grogna Sara. Tu sais ce que ça signifie mec ? Dès que nous soulèverons l'artefact de son fourreau, l'énergie sera déconnectée, et les lumières ne tarderont pas à disparaitre...
- ... Et donc tout ce foutu dédale va enfanter des nuées entières de ces saloperies insectoïdes. Rajoutai-je.
- Précisément, quel putain de génie tu fais Max, ça donne le vertige.
- De toute façon, nous n'avons pas le choix. J'ai pas vraiment l'intention de passer le restant de mes jours avec une geignarde hystérique comme toi.
- Allons y alors.

Nous nous lançâmes corps et âme dans notre baroud d'honneur.
Dès qu'elle extirpa le solide cristal, les lumières s'estompèrent une à une derrière nous, laissant l'abîme vomir ses perfides chimères. Pendant que Sara était concentrée sur sa course, je canardais nos poursuivants, en vain, les vagues incessantes de ces vermines croissaient de manière fulgurante.
J'abandonnai très vite mon entreprise au profit d'un marathon plus raisonnable.
Je n'y croyais plus du tout, mais nous avions déjà relié notre sainte zone d'urgence.
Mon alliée largua sans délai son bagage dans le réceptacle prévu à cet effet.
Le sas s'ouvrit, et voilà que nous étions sauvés.

Essoufflés, à bout de nerf, mais aussi soulagés, nous étions à présent plongés dans le noir le plus total.
Un long bruit de mécanisme retentit.
Soudain, les néons muraux illuminèrent les lieux.
Nos visages se décomposèrent.
Une petite salle, plusieurs portes, et le fatidique losange jaune qui prônait fièrement en son centre.


Post-Scriptum.


Nous n'avons pas encore pris la décisions Sara et moi d'aller plus loin.
Mais ça ne saurait tarder, encore quelques heures, et l'un de nous égorgera l'autre.
J'ai donc pris le temps d'écrire ces mots, nourrissant l'espoir que quelqu'un tombera dessus, lorsque je ne serai plus.

Si vous êtes un détenu infortuné, plongé vous aussi dans cet enfer, je vous souhaite une meilleure réussite que moi, espère de tout cœur que mon testament puisse vous aider, et peut-être vous offrir l'inconcevable chance de sortir indemne de ce tombeau.

Si vous êtes un officiel de l'Empire Uni, accompagné de ses braves petits soldats, alors j'aurais pour vous ce sobre message :
Allez tous vous faire foutre.
Mahg
8
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le 3 sept. 2014

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Mahg

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