Final Fantasy VII: Rebirth
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Final Fantasy VII: Rebirth

Jeu de Square Enix (2024PlayStation 5)

Un voyage extraordinaire, entre fantaisies et passéisme

J’avais pourtant juré qu’on ne m’y reprendrait plus. Peu convaincu par la proposition initiale de Final Fantasy VII Remake, puis achevé par un Final Fantasy XVI définitivement hors-sujet, je ne pensais plus toucher à un Final Fantasy moderne avant un moment. Même après avoir essayé la démo quelques jours avant la sortie de Final Fantasy VII Rebirth, le système de combat dans lequel je ne me retrouvais pas, m’avait définitivement convaincu d’ignorer l’un des titres les plus attendus de cette année 2024, ou tout du moins, le croyais-je. Mais la naïve girouette que je suis avait pourtant omis deux évidences claires. D’abord l’inévitable hype inhérente à une sortie aussi majeure, auquel le passionné de jeux vidéo que je suis peut difficilement rester insensible. Mais surtout, après avoir fustigé Final Fantasy XVI pour son inexcusable manque de respect envers la licence de Squaresoft/Square Enix, il m’est apparu incohérent d’en arriver à esquiver un épisode qui quel que soit ses maladresses, cherche à en conserver l’ADN. Et après une centaine d’heures passées sur cette deuxième itération de l’ambitieuse refonte d’un des RPGs les plus cultes de tous les temps, force est de constater que je ne m’attendais pas à vivre un tel grand huit émotionnel que n’aurait pas renié le Gold Saucer. Final Fantasy 7 Rebirth m’aura fait vivre une aventure aussi extraordinaire qu’imparfaite, souvent grandiose, et parfois littéralement effroyable. Cependant, contrairement à tout ce que mes griefs de départ me laissaient supposer, je ressors avec ce sentiment d’avoir vécu une expérience exceptionnelle, ce que je ne pensais plus la saga en mesure de m’offrir aujourd’hui.


Anime Fantasy 7


Fort logiquement, Final Fantasy 7 Rebirth reprend son histoire là où Remake, ou plutôt Intergrade, l’avait laissée. Après une copieuse introduction retraçant de bien belle manière le fameux flashback expliquant les motivations de Sephiroth, on démarrera notre aventure au village de Kalm avant d’être lâché dans la première grande zone ouverte du jeu : la région de la prairie. Commencera alors un long voyage qui nous emmènera jusqu’à la Cité des Anciens, ce qui équivaut à la fin du premier CD du jeu d’origine. Parlons tout de suite de ce qui posait déjà problème sur le premier volet et que l’on retrouvera ici à moindre échelle, à savoir d’un récit pas toujours bien rythmé. Etiré plus que de raison afin d’en garder suffisamment sous le coude pour justifier un troisième jeu, Rebirth en agacera plus d’un à se focaliser durant près de la moitié de son aventure sur pléthore de moments légers, et parfois accessoires à l’intrigue principale. Plus condensés et par conséquent plus digestes à l’heure de nos tribulations à Midgard, ces passages gorgés d’à-côtés mettront surtout en avant la direction très typée Anime Japonais de la narration, favorisée dans cette suite par un ton général beaucoup moins grave. De ce fait, la pause vacances de Costa Del Sol ou les festivités de l’incontournable Gold Saucer seront les théâtres d’une multitude de moments d’amitié, d’insouciance, et de délires parfois purement japonais qui auront tôt fait de perdre les plus hermétiques. Des moments qui paraîtront d’autant plus mièvres et ridicules à tous ceux qui opteront pour les voix françaises, en totale inadéquation avec le l’accent global de ce deuxième volet. Loin d’être irréprochable sans pour autant être raté, le doublage dans la langue de Molière accuse bien trop d’erreurs de tons, de surjeu et d’approximations, pour restituer fidèlement des comportements et attitudes souvent très japonaises. Un aspect qui saute d’ailleurs d’autant plus aux yeux dès qu’on bascule les voix dans la langue de Tetsuya Nomura. Certains interprètes à l’instar de Fréderic Souterelle (Barrett) ou Bruno Choël (Sephiroth) s’en sortent avec les honneurs, et leur talent avéré n’est pas en remettre en cause. Mais qu’il s’agisse d’un problème de direction d’acteurs ou d’un manque de passion général, l’interprétation Française sonne tellement faux qu’elle finit par en dénaturer le propos, au point de régulièrement le débiliser.


D’autant qu’aussi long et mièvre qu’il puisse sembler, ce propos en apparence léger a un sens. Car le récit de Final Fantasy 7 Rebirth, outre son fil rouge lié à la poursuite de Sephiroth et à la défense de la planète, est avant tout centré sur un groupe d’amis, certes réunis par une cause commune, mais dont les liens vont progressivement évoluer bien au-delà de ce simple aspect. Contrairement à nombre de bandes de héros souvent unis par les seuls besoins de leur quête principale, les membres de notre petite troupe vont créer de vraies affinités. En s’approfondissant avec le temps, ils conduiront les personnages à vouloir les faire exister par autre chose que du conflit et des affrontements perpétuels. A l’image de la très touchante complicité entre Tifa et Aerith, chacun se laissera happer par son désir de partager des moments de légèreté et d’amusements dépourvus d’arrière-pensées, chaque fois que l’occasion se présentera. Une manière de dépeindre les aspirations de chacun à profiter les uns des autres, en partageant amitié et romances à travers des activités amusantes que leur offrirait ordinairement la vie de tous les jours. Nombre de séquences en tous genres viendront illustrer et approfondir ce sentiment, afin de l’imprimer de manière indélébile dans le cœur du joueur. Un procédé qui se montrera diablement efficace au moment de nous ramener à la réalité, au même titre que nos héros, via les inévitables difficiles moments qui les attendent. Une stratégie qui n’est pas sans rappeler celle d’un certain Final Fantasy X, même si on admettra qu’elle accuse un excès de longueurs dommageable. Dans cet ordre d’idée, on appréciera le fait que l’écriture trouve toujours un moment pour mettre en avant chaque personnage, sans jamais en laisser un seul sur le bas-côté. Grâce à une caractérisation marquée, de notre froid héros Cloud à la pétillante Yuffie, retrouver un véritable panel de compagnons attachants fait beaucoup de bien, après l’individualisme exacerbé d’un Final Fantasy XVI. Le gameplay ne se retiendra d’ailleurs pas d’exploiter ces élans relationnels à travers ses nombreux à-côtés, ou même via les combats grâce à l’intégration des attaques synchronisées, sur lesquelles nous reviendrons en temps voulu.


A ce stade, il reste tout de même difficile d’énoncer un avis tranché sur un récit ambitieux, mais encore trop peu loquace sur ses véritables intentions pour être jugé à sa juste valeur. Le point de départ amorcé par Final Fantasy VII Remake m’avait quelque peu décontenancé, en raison d’ajouts pas toujours subtiles et susceptibles de potentiellement altérer une partie de l’impact du récit d’origine. Avec Final Fantasy VII Rebirth, si je resterais dubitatif sur un certain nombre de points jusqu’à l’arrivée de la conclusion, admettons que ses intentions et mystères suscitent tout de même un intérêt grandissant. D’une part parce que ce nouvel épisode évite de trop ressasser ses trop grandes facilités initiées par des « fillers » désormais mieux intégrés, et d’autre part parce que la direction de plus en plus cryptique imaginée par Nomura apporte une vraie valeur ajoutée aux anciens joueurs. Ces derniers auront donc tout autant de raisons de s’interroger que les nouveaux venus sur les tenants et aboutissants d’un scénario qui sait surprendre, en dépit de son statut de simple refonte. Alors oui, les plus réfractaires pourront légitimement se demander si Final Fantasy VII ne perd pas un peu de son essence, à travers tous ces changements susceptibles de drastiquement bousculer l’ordre établi. On attendra évidemment la sortie du troisième et dernier opus pour se prononcer. Cela dit, ce deuxième opus aura tout de même achevé de me convaincre qu’étaler l’aventure sur trois jeux était bel et bien une idée déplorable, compte-tenu des trop régulières longueurs narratives ou de gameplay encore très présentes ici.


Toutefois, quelles que soient les diverses réserves appartenant à chacun, difficile de rester de marbre devant la narration, la mise en scène ou l’écriture de nombre de séquences vraiment marquantes. Pour être tout à fait sincère, certaines d’entre elles m’ont fait vivre des moments mémorables que je ne pensais plus possibles de voir dans un Final Fantasy moderne. Qu’il s’agisse de l’introduction à Nibelheim, du focus sur Barrett à Correl, ou encore des deux extraordinaires derniers chapitres du jeu, Final Fantasy VII Rebirth propose quantité de passages qui confinent à l’exceptionnel. Atteignant des sommets émotionnels capables de faire couler quelques larmes, ce deuxième volet tient parfois du rêve éveillé, tant il parvient à transcender la plupart des scènes-culte du titre original. Attitudes, jeux de regards ou expressions faciales des personnages principaux d’une précision rare ne feront que renforcer cet état de fait. Et que dire de la mise en scène, aussi belle que pesante dans ses moments tristes, fofolle dans ses moments drôles ou toujours plus grandiloquente dans ses scènes d’actions, mais toujours juste. On y retrouve de plus un tempo enfin maîtrisé et haletant qui nous fait ressortir de certains passages un brin éprouvés, mais extatiques. Tout ça habillé par l’une des plus ambitieuses OST que le monde du jeu vidéo n’ait jamais connu, de par ses thèmes emblématiques revisités de multiples manières, ou bien entremêlées les uns avec autres afin de leur donner plus de signification et de puissance. Tel un jeu dans le jeu, le connaisseur se surprendra donc à souvent s’arrêter pour décortiquer chaque morceau afin d’essayer d’identifier la mélodie d’origine. Une chose est sûre, si le récit se complait parfois un peu trop à noyer le poisson sous un excès de légèreté, il offre aussi de nombreux segments d’exception qui laisseront une trace indélébile dans ma mémoire de joueur. Véritable ode aux vieux fans de la licence Final Fantasy, Final Fantasy VII Rebirth distillera aussi par intermittence plusieurs références à d’autres épisodes emblématiques de la licence, avec assez de subtilité pour produire son petit effet. Nul ne sait évidemment de quoi demain sera fait, ni ce que cachera réellement la conclusion de cette réinterprétation, mais en dépit de ses longueurs et autres parfois grosses maladresses, l’histoire de cette deuxième itération tend trop souvent vers l’exceptionnel pour que j’aie envie de lui tenir rigueur de ces impairs, du moins en attendant sa conclusion.


Cloud Atlas


Contrairement au premier Remake circonscrit dans un Midgard étriqué et linéaire, Final Fantasy VII Rebirth s’ouvre enfin pour tenir ses promesses d’invitation au voyage et à l’aventure. Il ne s’agit pas ici d’un découpage en monde ouvert classique, mais d’une alternance régulière entre grandes régions « bac à sable » gorgées de points d’intérêts en tous genres, et copieuses sessions plus linéaires centrés sur la narration, donjons ou autres évènements spéciaux. Discontinue mais régulière, cette ouverture fait un bien fou tant elle remet au cœur de la série cette envie de liberté et d’exploration qui lui manquait depuis trop longtemps. A ce titre, arriver dans la première région de la prairie procure une joie non dissimulée, devant ces paysages verdoyants invitant le joueur à s’y perdre pour y découvrir le moindre de ses secrets, ou contempler ses plus beaux panoramas. De Junon à Nibelheim en passant par Cosmo Canyon, les différentes zones proposent une belle variété d’environnements, et leur visite s’accompagnera toujours d’un nouvel élément de gameplay afin d’éviter l’excès de redondance. Les incontournables chocobos en constitueront les principaux destriers, comme dans la région de Junon, où ils se montreront capable de descendre et escalader les murs prévus à cet effet, comme bon leur semble. Rarement les célèbres volatiles de la franchise auront autant été mis en avant, souvent pour le meilleur, mais parfois aussi pour le pire, délicat sujet que nous aborderons en temps et en heure.


Une volonté d’évasion et de dépaysement bienvenue mais qui peinera toutefois à faire l’unanimité de par certains choix discutables. Ainsi, les plus écœurés des formules open-world à base de points d’intérêts dans tous les azimuts ne manqueront pas de lever les yeux au ciel, devant la pelletée de tâches génériques et redistribuées à toutes les sauces. Ennemis d’élite à tuer, loot à foison à ramasser, points de téléportation à activer (les arrêts à chocobos), ou même sempiternelles tours à escalader pour dévoiler la carte de la zone ; une déprimante liste de corvées déjà exécutées mille fois qui pourra agacer les moins patients. Pourtant nécessaires à une montée en niveaux d’expérience encore beaucoup trop balisée, ces bien basses besognes accumulées avec intensité finira pourtant par hacher le rythme général de l’aventure. On pourra également pester devant un système de parkour tout aussi vieillot, notamment avec son système d’escalade balisé à la peinture jaune - pourtant indispensable à la clarté des points d’accroche - dont on se serait bien passé. Ceci dit, je me permettrais de ne personnellement pas trop assassiner le jeu sur ces points précis. D’abord parce que ces activités en apparence trop simplistes favorisent une progression fluide, parfaites pour mettre en valeur l’une des raisons essentielles qui nous pousse à les accomplir : le gameplay. Ensuite parce que leurs récompenses éparpillées sur toute la surface de chaque carte valent le plus souvent le détour, ce qui incite à en arpenter chaque recoin. L’ensemble manque d’élégance et s’accompagne de choix regrettablement archaïques, mais la promesse initiale est tenue et fait tout de même son effet.

La rivière de l’ennui


Des phases très libres qui contrastent assez violemment avec des parties bien plus linéaires, susceptibles de se prolonger parfois pendant plusieurs heures. C’est majoritairement lors de ces séquences que la narration reprendra ses droits pour, comme on le disait, proposer parmi les passages les plus brillants de l’aventure. En contrepartie, on devra malheureusement composer avec quelques étapes étrangement catastrophiques, qui marquent le retour d’un des maux qui gangrénaient déjà Final Fantasy VII Remake, à savoir le culte de la contrainte. Fréquemment, il sera donc nécessaire d’accepter de devoir avancer son périple avec une équipe tronquée, ce qui peut se révéler assez frustrant quand on se retrouve bloqué avec des personnages dont on apprécie peu le gameplay, surtout en l’absence régulière de raisons valables venant justifier ces restrictions. D’autant plus gênant que ces moments peuvent parfois durer ou s’enchainer sur un long laps de temps, parfois sans même prendre la peine de prévenir au préalable. On comprendra aisément l’intention louable de pousser régulièrement le joueur à prendre en main chaque membre du groupe, et qui dans certains cas, se montre tout à fait pertinente. Mais n’est pas Final Fantasy VI qui veut, et les circonstances souvent très grossières voire inexistantes de ses séparations finissent par agacer plus qu’autre chose, d’autant qu’elles ne nous laissent jamais la liberté d’au moins pouvoir composer nos équipes par nous-mêmes.


En plus de cela, les quelques « donjons » auront le bien mauvais goût de s’accompagner systématiquement d’une mécanique de gameplay particulière afin de dynamiser leur exploration. Une idée intéressante sur le papier, détruite par une vision du jeu vidéo désespérément obsolète et une exécution pour le moins effroyable. Aspirer des fuites d’énergie Mako avec une lourde machine d’une lenteur désespérante, actionner des mécanismes en se balançant à l’aide d’un grappin, ou même pousser des wagonnets dans la bonne direction en les aiguillant correctement, restent ainsi des travaux moins passionnants que de ranger ses courses ou trier son linge sale. Et il devient de plus en plus difficile de comprendre comment un titre d’une telle ambition narrative peut se compromettre à ce point dans des bassesses de game-design qui n’ont ici aucun autre effet que d’alourdir inutilement la proposition. Dans ces moments-là, Final Fantasy VII Rebirth devient un simple jeu vidéo de bas-étage qui décrédibilise son propos, ce qui est éminemment regrettable. A ce propos, mention spéciale à l’inqualifiable portion de gameplay du chapitre onze centré sur Cait Sith, dont le niveau de ridicule a presque failli me faire poser la manette. Espérons vraiment que la conclusion saura au moins limiter ce genre d’écueils, tant il est déplorable de voir autant de passages réellement mauvais dans une production de cette ampleur, qui plus est aussi généreuse en vrais moments de grâce.


A-côtés de la plaque


S’il y a un élément sur lequel on ne pourra guère attaquer ce Final Fantasy VII Rebirth, c’est bien sur sa diversité. Désireuse de constamment renouveler son gameplay et ses activités, la nouvelle aventure de Cloud et de ses amis se montre d’une générosité sans pareil, quitte à parfois un peu trop se disperser. Dans cet ordre d’idée, notre périple sera copieusement clairsemé d’une ribambelle de mini-jeux que même la série des Yakuzas n’aurait pas renié. Le Final Fantasy VII d’origine étant déjà assez prolifique en la matière, il n’y a donc rien d’étonnant à ce que cette refonte reprenne la même démarche. Cela dit, j’avoue volontiers que je n’étais guère préparé à une telle démesure, qui bien que d’apparence festive sur le papier, ne m’aura pas autant enthousiasmé que je l’espérais. Souvent optionnels mais parfois obligatoires, ces nombreux à-côtés pourtant incontestablement travaillés et régulièrement exigeants se montreront pour la plupart frustrants et bien peu intéressants.


Alors ne soyons pas mauvaise langue, quelques-uns méritant tout de même d’être extirpés de ce relatif naufrage. En point d’orgue, on citera bien évidemment le Queen’s Blood, jeu de cartes addictif déjà promis à un avenir aussi radieux que le Triple Triad de Final Fantasy VIII ou le Gwynt de The Witcher 3. Non content d’un résultat très plaisant et addictif, suffisant pour motiver à enchainer les parties ou partir en quête des cartes les plus rares afin de compléter notre collection, l’idée s’accompagne même d’un arc narratif plutôt amusant à découvrir. Les plus accrocs pourront même se délecter de quelques épreuves façon puzzle-game en attendant de nouveaux contenus sur le sujet, déjà envisagés par Square-Enix. Par ailleurs, les courses de chocobos constituent un plutôt bel hommage à la série des Chocobo Racing de par un gameplay simple mais efficace, dans l’esprit d’un Mario Kart en version allégée. D’autres, plus simplistes mais sans prises de tête, pourront distraire sur de courtes sessions comme le shooter spatial ou la course aquatique à dos de dauphin.


Toutefois, ces quelques réussites ne nous épargneront pas une quantité indigeste d’activités aussi indigentes que désagréables. Tir sur cibles à la maniabilité pesante, ridicules phases de sauts de grenouilles, ou crispant Punch-Out du pauvre représentent de grands moments de malaise qu’on s’efforcera d’oublier bien vite une fois la console éteinte. Parfois assez difficiles, à l’image d’un Fort Condor qui donnera des cauchemars à tous non-adeptes de tower-defense, on se sentira tout de même obligé d’en try-hard certains, tant ils sont susceptibles d’offrir quelques récompenses assez clefs en cas de réussite. A titre d’exemple, romancer les membres de l’équipe en vue du fameux rendez-vous du Gold Saucer nécessitera, entre autres, d’accomplir certaines quêtes annexes personnelles à chacun, incluant parfois certains des mini-jeux les plus infects. Les adeptes de Tifa seront ainsi amenés et contraints de se dépêtrer d’un bien pénible et inintéressant concours d’abdominaux, sous peine de voir leur échapper la scène la plus romantique au moment fatidique, cette dernière n’étant accessible qu’après avoir atteint le dernier niveau d’affinité avec la demoiselle. On ne manquera alors pas de simplement s’interroger sur l’intérêt d’une telle exigence vis à vis d’intermèdes censés divertir entre deux séquences plus sérieuses, qui deviennent ici rapidement très envahissants.

Impossible à ce propos d’aborder le sujet des mini-jeux sans parler des deux plus grands symboles de leur échec. Reparlons en premier lieu des fameux chocobos, de prime abord valorisés par leur rôle central en exploration et leur mini-jeu de course plutôt sympathique. Mais outre d’insupportables phases aériennes dans la région de Cosmo plombée par une maniabilité douteuse, leur obtention passera majoritairement par la réussite d’un bien horripilant mini-jeu d’infiltration. Concrètement, ces petites phases de furtivité nous demanderont d’atteindre un chocobo précis en évitant de se faire repérer par les autres, sous peine de tous les faire fuir, tout échec nous obligeant à réitérer l’opération. Des parcours balisés et linéaires ne laissant bien évidemment aucune latitude au joueur, ici forcé d’atteindre sa cible de la seule et unique manière pensée par leurs concepteurs. Excessivement lourdes, lentes et fastidieuses, ces séquences auront également le mauvais goût de se montrer suffisamment exigeantes pour nous contraindre à y passer plus de temps que nécessaire. La plupart des zones ouvertes n’étant que très partiellement accessibles sans ces chocobos particuliers, esquiver ces missions irritantes ne sera donc pas une option si on souhaite profiter des promesses d’ouverture du jeu. Proposer une alternative tel un achat contre une coquette somme de Gils dans un relais eut été de meilleur aloi, plutôt que de sombrer dans l’écueil systématique de la discrétion de bas-étage. Et que dire du traitement des mogs, affublés d’un design aussi ridicule que dérangeant, et recyclés dans une cauchemardesque activité aussi risible que stupide, dans laquelle on doit rediriger cinq capricieux fuyards vers l’entrée de leur boutique, tout en évitant les divers projectiles qu’ils nous balancent cycliquement au visage ? Difficile de justifier de tels errements ludiques dans un titre de cet acabit, d’autant qu’il ne s’agit que d’exemples parlants d’une liste pas si confidentielle.


Still more fighting


Reste à évoquer le système de combat de cette suite, qui reste le même que celui de son prédécesseur, avec quelques ajustements globalement bienvenus. Bien que louable dans sa philosophie hybride entre action et tour par tour, la direction prise par Final Fantasy VII Remake en 2020 ne m’avait pas convaincu, en raison d’une excessive lourdeur de gameplay et d’un trop grand amas de contraintes malheureusement nécessaires à un équilibrage correct. Si cette suite ne remportera toujours pas mon adhésion inconditionnelle, ses quelques nouveautés m’auront au moins permis de faire passer la pilule. Ainsi, le nouveau système de parade apporte un vrai plus aux stratégies défensives, tandis que les attaques synchronisées peuvent, dans certains cas, offrir des possibilités d’assaut crédibles sans attendre le remplissage de la jauge ATB. On profitera aussi avantageusement d’un casting plus étendu, aux personnages tous très différents et intéressants à jouer. Même le fameux Cait Sith peut se montrer d’une efficacité redoutable une fois monté correctement, preuve démonstrative que le travail autour des personnages mérite d’être salué. En revanche, il faudra une nouvelle fois composer avec cette maudite jauge ATB toujours en contradiction avec les velléités dynamiques de cette relecture modernisée, dont on comprend tout à fait les intentions, mais qui ne fonctionne définitivement pas en pratique. Pas plus que ces règles implicites qui veulent que le personnage incarné par le joueur soit systématiquement pris pour cible par les adversaires...mais parfois non ; ou qui veulent qu’une incantation magique soit potentiellement interrompue par une attaque d’un adversaire bien placée...ou pas. Loin d’être inintéressante et parfois assez exigeante même en difficulté normale, la proposition n’en reste pas moins trop alambiquée et peu instinctive pour se montrer suffisamment agréable. Un constat d’autant plus dommage que la plupart des affrontements peuvent se révéler vraiment grisants, les combats de boss damant désormais le pion à un certain Final Fantasy VII Advent Children niveau mise en scène. Là encore très axés sur des mécaniques de privation ou de contraintes (retrait d’un personnage, immunité temporaire, etc...), les batailles les plus mémorables se révèlent pourtant d’une intensité rarement atteinte dans un jeu vidéo, et font partie de ces grands moments susceptibles de rester gravés dans la mémoire collective. Des qualités qui permettront à certains réfractaires dont je fais partie d’ignorer partiellement leurs réserves.


Puisqu’il le faut, ajoutons un mot sur un point qui revêt manifestement plus d’importance pour beaucoup qu’il ne le devrait en réalité : la réalisation technique. Alors il est vrai que pour un titre d’une telle ambition, on pourra s’étonner qu’en dépit d’un rendu d’ensemble somme toute assez attrayant, le bilan visuel se montre aussi disgracieux dès que l’on s’attarde sur les détails. Outre des éclairages souvent mal gérés qui rendent souvent désagréables les transitions entre lieux extérieurs et intérieurs, la discordance entre textures au rendu plus ou moins Playstation 5, et celles semblant tout droit issues d’une Playstation 2 en petite forme aura de quoi déranger. Le magnifique côtoie ainsi régulièrement le très laid, un paradoxe décidément très présent dans la plupart des aspects de ce Final Fantasy 7 Rebirth. Si on évitera cette fois-ci une différence visuelle pourtant encore présente entre personnages principaux et PNJs lambdas, ce manque d’harmonie global reste un problème assez embêtant dans une suite qui n’a pas même pas jugé bon de retirer ses épouvantables arrière-plans format jpeg des plus sombres heures de l’ère Midgard. Au moins le mode résolution permettra de profiter de la direction artistique des paysages avec un rendu de couleur chatoyant, au prix d’un frame-rate à 30fps, qui restera constant mais insuffisant aux yeux des allergiques à cette fréquence. Ces derniers basculeront alors en mode performance, mais devront faire avec un résultat graphique flou, terne et délavé qui, du moins sur mon écran TV, donnait l’impression d’un rendu streaming que n’aurait pas renié la Nintendo Switch. Des défauts véritables qui n’ont toutefois guère de sens dans les faits, tant la direction artistique et le souci du détail font des merveilles pour retranscrire chaque lieu culte de l’épisode original. Le fan de la première heure ne manquera ainsi pas de prendre une belle claque devant ce Costa Del Sol ensoleillé et fourmillant de vie, ou un Gold Saucer à redécouvrir avec les mêmes étoiles dans les yeux que lors d’une première visite à Disneyland. Au même titre que pour la musique, on prend un réel plaisir à retrouver chaque endroit emblématique de Final Fantasy VII, et à en explorer les moindres recoins afin de mesurer l’ampleur de chaque transposition. Et aucune des carences techniques précitées n’est parvenue, de mon côté, à contrecarrer une telle félicité. Un bilan contradictoire à l’image d’une production qui l’est tout autant, mais dont les défauts étrangement nombreux ne sont pas parvenus à m’ôter ce sentiment d’avoir parcouru un titre d’exception. Véritable casse-tête à évaluer, le moment est pourtant venu d’essayer de livrer un verdict sur cette expérience aussi dense et riche que fantasque.


Véritable grand huit émotionnel capable du meilleur comme du pire, Final Fantasy VII Rebirth est une expérience vraiment déstabilisante. Aussi généreuse et variée que dispersée et foutraque, elle parvient toutefois sans mal à tenir sa promesse d’envoutante et dépaysante invitation au voyage. A travers ses combats dantesques, sa mise en scène extraordinaire ou son écriture audacieuse, cette relecture du RPG culte de 1997 confine au chef d’œuvre à de multiples reprises. Parc d’attractions d’une diversité folle au point de s’en éparpiller à l’excès, il est alors d’autant plus dommage qu’une aventure aussi épique en arrive si régulièrement à agacer à ce point. Surchargé de mini-jeux majoritairement consternants, de mécaniques d’exploration génériques voire obsolètes, ou même mal rythmé par une narration trop étalée, le titre de Square Enix plonge parfois regrettablement au plus profond des abymes de la médiocrité. A l’image de son visuel aussi artistiquement brillant que techniquement bien maladif, l’aventure impressionne autant qu’elle énerve, et on comprendra aisément les déceptions qu’elle suscitera chez les moins enclin à lui pardonner ses errements. Mais retraverser certains des lieux les plus cultes jamais imaginés dans le jeu vidéo, revisités avec un tel brio, et sous couvert d’une OST tout aussi magistrale, donne définitivement à cette fantasque relecture des allures de jeu exceptionnel. C’est en tout cas ce que j’ai ressenti en parcourant ce Final Fantasy VII Rebirth aussi contrariant que contrarié mais qui, contrairement à son prédécesseur ou autres Final Fantasy XVI, a réussi à faire renaître en moi des sensations que je ne pensais plus revivre avec la licence Final Fantasy. Un bien précieux exploit, qui malgré d’évidentes maladresses, marquera avec grand plaisir mon année de jeux vidéo 2024. L’archétype du jeu à défauts qui méritera donc une note venant du cœur, tant la raison se montrerait en inadéquation avec l’expérience vécue.




Arnaud_Lalanne
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le 26 avr. 2024

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Arnaud Lalanne

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