Décrire Final Fantasy X est assez aisé : ce n'est, après tout, qu'une collection de clichés narratifs plus ou moins bien tenus en place par le savoir-faire considérable des vétérans de la série. Certains vous diront qu'ils ont été étrangement touchés par l'histoire générique d'un joueur de voleyball sous-marin - ne cherchez pas à comprendre, c'est un jeu japonais - incapable de se mesurer aux exploits sportifs de son papa... qui se trouve de manière très pratique être le méchant de fin incarnant tous les démons d'une civilisation cahotant cahin-caha vers sa propre destruction. D'autres soutiendront mordicus que Yuna est un personnage très profond. Sérieux. Et que, d'ailleurs, tout ceci est très réaliste car la plupart des demoiselles appelées dès leur plus jeune âge à être sacrifiées de manière louche lors d'un étrange rituel shintoïste semblent s'accommoder avec placidité de leur cruel destin. Tout ceci semble parfaitement normal au public visé par Final Fantasy.
Le fait que celui-ci ait été bercé par ces étranges conventions narratives n'arrange rien. Il est habitué à ces personnages épais comme une feuille de papier dont les motivations peuvent être aisément résumées par une phrase de quelques mots digne des Inconnus. "C'est ton destin", qu'on vous dit d'une voix niaiseuse lors d'interminables cinématiques censées sonder le sens de la vie. Et cela suffit. Oh, il se trouve que parfois votre destin consiste à vous rebeller de manière prévisible contre l'inexorable marche des rouages d'un jeu qui a prévu que ce retournement de situation devrait avoir lieu quelque part aux alentours du troisième acte. C'est une évidence. Mais, grosso-modo, le public de la série s'en accommode avec un sourire béat. De pareilles ficelles - aussi grosses soient-elles - sont précisément ce qu'il attend d'une histoire. Ce qui ne les empêche pas de considérer tout ceci comme très profond; hein. Limite supérieur aux canons majeurs de la littérature.
Cependant, malgré ce paquet de maladresses grandiloquentes, l'on doit remarquer que ce titre est probablement le dernier Final Fantasy pleinement réussi. Il comporte beaucoup de ces faiblesses qui représentent son style actuel : une narration résumée à un long couloir entrecoupé de cinématiques, une carte du monde dont l'absence nous apprend beaucoup sur la manière dont le titre a été conçu, un design visuel entièrement dépendant des dessins mièvres de Tetsuya Nomura, etc. Et pourtant... la plus grande partie des mécanismes sous-jacents fonctionnent. Les combats? Excellents. La Sphere Grid? Novatrice et efficace. Après tout, et c'est aussi la grande différence entre cet opus et ceux qui viennent par la suite, Hironobu Sakaguchi était encore de la partie. L'homme sait construire un J-RPG fonctionnel. Un film réussi? Moins. Mais c'est une toute autre affaire.
L'on m'a déjà soutenu - avec de très solides théories - que Final Fantasy VII était l'opus annonciateur des faiblesses actuelles de la série. Pour certains ce sont les cinématiques qui ont tué le charme inhérent de ces productions. D'autres, plus portés sur le style visuel, prétendent que c'est la huitième itération qui a tué la poule aux œufs d'or. En ce qui me concerne... j'ai toujours considéré que c'était Final Fantasy X qui marquait le début de la fin.