Final Fantasy XV
6.5
Final Fantasy XV

Jeu de Square Enix et Hexa Drive (2016PC)

Drôle de jeu que FF15, qui malgré une première moitié étonnamment agréable en dépit des défauts patents, s’effondre totalement une fois passé le fameux voyage en bateau qui marque le basculement dans une seconde partie de jeu extrêmement brouillonne. Il faut dire que, même dans sa version Royale définitive, le jeu porte encore les stigmates d'un développement particulièrement difficile.


Difficile en effet d'évoquer ce titre sans revenir sur les conditions dans lesquelles les équipes ont travaillé. Au sortir de la génération PS2 parfaitement maitrisée par Square Enix (succès de FF10 et de FF12 tant critiques que commerciaux, développement de Dragon Quest à l’international grâce à DQ8, et lancement d’une troisième licence majeure avec Kingdom Hearts en collaboration avec Disney), le studio japonais définit une ligne particulièrement ambitieuse pour la suite de sa saga phare. Plutôt que de se contenter de mettre en chantier un unique Final Fantasy 13 dans la lignée des précédents opus, l'idée est de lancer une saga, Fabula Nova Crystallis, composée de plusieurs jeux distincts mais se répondant l'un l'autre. Ainsi, en parallèle d'un FF13 classique sont également annoncés Final Fantasy Versus 13 et Final Fantasy Agito.


FF13 finit par sortir dans la douleur fin 2009, et ne rencontre qu'un succès mitigé, les joueurs reprochant un manque d’ouverture lors des premières dizaines d’heures (un point qu’il n’est pas sans intérêt de rappeler lorsqu’on évoque FF15). Quant à Versus 13 et Agito, les visions initiales ne verront jamais le jour, victimes de la difficulté rencontrée par Square Enix (et par l'industrie japonaise globalement) de se mettre au niveau des nouveaux standards imposés par le passage à la haute résolution. Les développements s'enlisent, et finissent par être recyclés. Il faut dire que la maison FF brûle : non seulement FF13 a déçu, mais en plus le nouveau MMORPG FF14 est à l'époque une catastrophe industrielle (miraculeusement sauvée quelques années plus tard lors du passage à la version A Realm Reborn, toujours active aujourd’hui). Les projets qui seront bâtis sur les ruines de Fabula Nova Crystallis (FF15 comme héritier de FF Versus 13 donc, mais aussi FF Type-0 pour Agito) se détacheront de l’univers partagé Fabula Nova Crystallis pour créer chacun leur propre lore.


De FF Versus 13, FF15 hérite la base de son scénario et de son univers, à savoir un monde moderne dans lequel une lignée royale protège le monde des ténèbres au moyen de la magie que lui confère un cristal sacré que seuls les membres de la royauté sont capables de contrôler. L’héritage de Versus 13 se manifeste également dans le concept au cœur du gameplay: le héros Noctis se bat au moyen d'armes qu’il fait apparaitre et disparaitre à volonté. Cette idée avait été mise en avant dès le premier trailer du projet avorté, à l'ambiance très Kingom Hearts (sans surprise, puisque le projet étant porté à l'époque par Tetsuya Nomura).


Mais cette filiation ne s'arrête pas là, puisqu'à l'instar de Fabula Nova Crystallis, FF15 est développé comme un élément d'un tout plus large, à savoir une véritable volonté de créer un univers cross-media, avec notamment un film prologue à l'intrigue du jeu (Kingsglaive) narrant la chute du Royaume de Lucis ; un anime centré sur le quatuor de personnages principaux du jeu ; et une version mobile du même jeu, version SD. Et c'est probablement cette ambition démesurée, mais surtout mal maîtrisée, qui aura le plus nui à FF15.


Le scénario est en effet rempli de trous voire d'incohérences, comme si certains éléments de l'intrigue devaient être développés dans d'autres œuvres de l'univers étendu... qui ne sont jamais sorties. Le jeu fait suite aux événements décrits dans le film prologue Kingsglaive sans jamais que le joueur ne soit invité à le visionner au préalable et se permet de faire intervenir des personnages aperçus dans ce film sans jamais les introduire dans le jeu. D'autres personnages, notamment du côté des haut gradés de l'Empire que le joueur affronte, qui auraient dû selon toute vraisemblance avoir un rôle majeur dans l'histoire sont à peine présents, et des éléments essentiels de l'intrigue se déroulent hors champ de façon inexplicable (on pense par exemple au traitement assez honteux de Ravus).


Pire encore, les réactions des personnages n'ont parfois aucun sens. Comment expliquer que personne, pas même le personnage principal qui est un prince et doit donc disposer d'une éducation spécifique, ne reconnaisse le Chancelier de l'Empire, ennemi mortel du Royaume de Lucis ? Ou qu'il ne connaisse pas du tout le territoire sur lequel il est pourtant destiné à régner? Ce ne sont là que quelques exemples anodins, mais le jeu est tellement parsemé d'incohérences de ce type que l'accumulation de situations de ce type finit par agacer.


Enfin, certaines relations sont complètement ubuesques, comme la relation entre Noctis et Lunafreya (qu'on croise à peine alors qu'elle aurait mérité une place centrale dans l'intrigue), ou l'absence quasi-totale de défiance des protagonistes vis-à-vis d'Ardyn...


Mais au-delà du scénario et du lore, les séquelles du développement douloureux se ressentent encore plus vivement dans la structure même du jeu.


La première moitié est de loin la plus agréable et fonctionne d'ailleurs étonnamment bien. Le prince Noctis incarné par le joueur et ses trois protecteurs partent à l'aventure dans un roadtrip permettant d'explorer un monde ouvert (assez limité, il faut le reconnaître). Cette partie est loin d'être dénuée de défauts : le monde ouvert est assez vide et il manque de grandes villes à visiter, la plupart des quêtes sont des fetch quests consistant à aller ramasser 3 caillous ou à tabasser 5 loups... Mais le tout a néanmoins un goût de revenez-y, parce que l'ambiance roadtrip est accrocheuse, le système de monter en niveau est plaisant (l'expérience est accumulée lorsque des ennemis sont vaincus ou des quêtes achevées, mais n'est réellement attribuée que lorsque les héros se reposent en campant ou en passant la nuit dans un hôtel ; or, certaines conditions permettent de démultiplier l'expérience acquise ce qui permet de belles optimisations), l’univers est sympathique. Quant aux combats, s'ils deviennent assez brouillons en fin du jeu (peut-être aussi parce que j'étais un peu trop bas niveau) et sans enjeu vu la facilité de stocker des items de soin complètement craqués, ils sont plaisants durant la première moitié du jeu, avec un système d'armes fantomatiques et de téléportations assez grisant (on regrette néanmoins un système de magie peu pratique).


Les choses se gâtent hélas lors de la seconde moitié, à partir de la fameuse traversée en bateau. Malgré quelques fulgurances (l'arrivée à Altissia, magnifique), on ressent le manque de moyens pour tenir le rythme de la première partie de l'aventure. Exit le monde ouvert, on ne parcourt plus que des couloirs (une structure inverse donc à celle évoquée plus haut de FF13, également décriée). Les événements de l'intrigue se précipitent, multipliant les scènes hors champ au mépris de la cohérence scénaristique. Et puis surtout le tout culmine dans un abominable avant-dernier chapitre, interminable, durant lequel toutes les bases du gameplay sont bouleversées pour laisser place à une sorte de survival horror au rabais ponctué d'interactions ridicules avec le grand méchant à base de ricanements maléfiques. Plus nanardesque, tu meurs ! Le tout s’achève dans un chapitre final proposant à nouveau une espèce de monde ouvert miniature sans grand intérêt malheureusement, et une avalanche de boss quelconques.


Pour ne pas finir sur un point négatif, soulignons toutefois l’aspect artistique du titre, dont la DA, si elle est parfois inégale, propose néanmoins de belles idées, notamment au travers de cet union entre un monde moderne et quelques éléments magiques (d’autant que, d’un point de vue technique, pour y avoir jouer plus de 6 ans après la sortie, le tout tient encore relativement la route). Et surtout Yoko Shimomura signe comme à son habitude une bande originale d'excellente facture, en particulier sur les thèmes de boss, particulièrement épiques et s'inscrivant dans la lignée d’autres de ses productions (notamment Kingdom Hearts).


Un beau gâchis donc que ce FF15, qui n'arrive pas à conserver ses belles qualités de début de jeu sur toute la durée de l'aventure (par ailleurs assez courte, il faut compter une vingtaine d'heures pour la quête principale, et sans doute entre 10 et 20 heures de plus pour tout voir). Le jeu n'en reste pas moins intéressant à parcourir pour qui souhaite entretenir sa culture vidéoludique, puisqu’il constitue une sorte de testament des errements de l'industrie japonaise sur les premières années de la HD. Le jeu constitue d’ailleurs une sorte de pivot, puisque c’est juste après sa sortie que le jeu japonais a fini par retrouver de sa superbe, avec de belles réussites telles que Nier Automata, Monster Hunter World, etc.


A l'heure d'écrire ces lignes, la prochaine actualité de la saga FF est la sortie en juin du seizième opus, porté par l'équipe qui a sauvé FF14 du naufrage. Selon toute vraisemblance, ce titre s'annonce très prometteur, et semble avoir bénéficié d’un développement plus apaisé et d’un cap mieux défini. Gageons qu'il saura redorer le blason des FF solo !

Semyaza
6
Écrit par

Créée

le 30 janv. 2023

Critique lue 25 fois

Semyaza

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