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Firmament
5.4
Firmament

Jeu de Cyan Worlds (2023PC)

Firmament, dans son titre, évoque l'une des meilleures séquences de l'injustement sous-estimé Myst V : End of Ages du même Cyan, qui lors d'une séquence bien particulière nous envoyait dans l'espace alors qu'on ne faisait que le contempler depuis le sol à peine quelques secondes avant. Pour des développeurs aussi versés dans les jeux d'aventures exigeants et oniriques, le titre promettait beaucoup à lui seul. Mais ne faisons pas durer le suspense, ça arrive rarement mais c'est ainsi : Cyan s'est foiré avec Firmament. Et ce, malgré un pedigree de haute tenue et une précédente création kickstartée, Obduction, que j'avais trouvé réussie en tous points. Sans doute que la crise du Covid a laissé sa marque dans le développement de ce jeu, qui, après plusieurs mois de mises à jour faisant suite à une sortie bringuebalante en mai 2023, n'est juste toujours pas au niveau, que ce soit en tant que jeu de réflexion, en tant que jeu VR (son argument initial) ou (surtout) en tant que jeu Cyan, qui m'a habitué à beaucoup mieux au cours de sa longue et brillante histoire. Peut-être aussi que le staff a changé, que le projet n'a pas été aussi bien géré que ses aînés. En tous cas, le résultat est là, et il ne fait pas spécialement plaisir.


Obduction, en 2016, était pourtant l'autre grand puzzle game du moment avec The Witness, auquel il a été beaucoup comparé en raison de thématiques similaires et d'un game design fonctionnant sur des principes assez proches (le labyrinthe pour The Witness, les formes circulaires pour Obduction). Aujourd'hui encore, ce jeu crowdfundé a gardé beaucoup d'atouts qui le maintiennent à mon sens sur le podium des meilleurs jeux modernes du genre : intelligence de la conception, acuité du level design, intensité d'une narration pourtant très discrète (à la Myst, donc), et par-dessus tout forte proéminence de l'idée d'épiphanie, ce déclic où, après avoir passé un long moment à chercher la solution à une énigme, on se figure finalement une technique évidente à condition de penser en-dehors de la boîte. Obduction, c'est toujours ce qui se fait de mieux dans le genre malgré quelques petits défauts ; et même son mode VR n'est pas indigne d'intérêt bien qu'il ait été ajouté par la suite, en guise de simple bonus gratuit.


Firmament est un jeu à concept, puisqu'on y contrôle un accessoire mécanique aux propriétés vaguement magiques : un gant multifonctions, qui sert à la fois de clé, d'aimant, de manette, de levier, et ainsi de suite. L'idée est sympa, mais d'un point de vue purement conceptuel, l'outil ne dépasse malheureusement pas le gimmick sympa dans ses meilleurs moments, relou dans ses pires moments, puisqu'il sert d'excuse plutôt que d'atout aux développeurs : on reste en général sur des énigmes mécaniques assez terre-à-terre, pas dégueulasses, mais en-dessous du talent à l'oeuvre habituellement chez Cyan. Et c'est encore plus facile donc d'en vouloir à Firmament, qui base son concept même sur la réalité virtuelle puisqu'il a été présenté à ses backers comme un jeu entièrement pensé pour cette technologie. Cyan a annoncé dès le début du projet une compatibilité massive avec tous les équipements existants, des énigmes et une navigation spécifiquement conçues pour être jouées avec un casque vissé sur la tête, et ces ambitions auguraient du meilleur quand on connaît l'aisance, pourtant très sous-estimée, du développeur à s'approprier la 3D. Avec Myst V puis Obduction, Cyan avait en effet prouvé non seulement être capable de changer de dimension depuis les écrans fixes des Myst originaux ; mais plus encore, de transcender la notion même de 3D, de lui donner un sens profond dans le gameplay en allant bien au-delà d'une simple transposition des codes de leur série. Or, rien qu'en se penchant sur l'aspect VR de Firmament, on se rend compte littéralement dès la première minute de jeu qu'une foule de choses clochent sérieusement.


Premièrement, le jeu est horriblement mal optimisé. Quels que soit le niveau de détail choisi et même sur une excellente config, Firmament rame comme un paquebot coincé dans le canal de Suez, ce qui est la pire chose possible pour un jeu en réalité virtuelle. Les saccades, pertes de synchronisation des lentilles et autres figeages d'image rendent le jeu très pénible à parcourir avec un casque. En baissant tout à fond, on s'en tire un peu mieux mais le jeu reste quoi qu'il arrive assez laid et bourré d'artefacts visuels suspects, comme du brouillard à la stéréoscopie mal calculée qui devrait s'afficher en arrière-plan mais se fiche juste devant nos yeux, des textures qui scintillent comme si tout était brillant, et un aliasing complètement délirant qui donnent conjointement l'impression de jouer dans une résolution minuscule, ce qui est d'ailleurs peut-être l'explication technique la plus réaliste. Mais ce n'est pas tout. L'interface est crasseuse dès le menu principal, les boutons sont laids, des polices de caractère hétérogènes s'empilent sans cohérence aux quatre coins de l'écran ; le sound design est ultra-agressif au casque, notamment avec des bruitages assourdissants lorsqu'on tente une manipulation non autorisée ; et, le plus importants, les énigmes ne sont pas vraiment pensées pour la réalité virtuelle. En termes d'ergonomie, le jeu n'est pas vraiment satisfaisant, le gant n'étant finalement qu'une contrainte un peu agaçante la plupart du temps, et ses vertus "magiques" un peu trop arrangeantes au vu de la logique.


Myst V, pour ne citer que lui, avait une vraie valeur ajoutée par rapport à ses prédécesseurs dans le sens où la 3D transformait le gameplay. Mais dans Firmament, on fait juste des choses dans une aire tridimensionnelle qui aurait tout-à-fait pu se translater en écrans fixes ou hors casque (le jeu est même plus confortable à jouer en mode desktop). Pas vraiment d'effets de perspective, pas de jeu avec les distances ou les axes, les énigmes de Firmament sont "juste" des énigmes classiques de jeu de réflexion beaucoup plus proches de ce que les premiers épisodes de la série Myst pouvaient proposer, mais dans un écrin 3D qui n'est qu'esthétique. Un écrin qui fait certes plutôt mouche en mode desktop, car les décors gardent un charme onirique indéniable... mais qui échoue donc à être impactant en VR. Le bilan est donc plus que mitigé.


Mais le dernier gros morceau de Firmament, que ce soit en mode casque ou desktop, reste le même : les BUGS. Les bugs partout, tout le temps. Depuis les mécanismes qui ne se comportent pas comme prévu par les développeurs en mettant à mal la compréhension même des énigmes (et ce, très tôt dans le jeu) jusqu'aux déplacements qui refusent de faire ce que l'on veut, en passant par les crashs liés à certaines actions spécifiques pourtant évidentes et certains morceaux de décor qui se mettent à se téléporter dans le ciel en clignotant, la liste des aberrations techniques que se trimballe le jeu même des mois après sa sortie est totalement hallucinante. En les ajoutant aux problèmes de performances et aux quelques soucis intrinsèques de conception des énigmes, cette foire aux embrouilles a tendance à transformer Firmament en véritable parcours du combattant. On en est au point, où même après une vague de patchs, le jeu est, en ce qui me concerne, proprement injouable sur un Valve Index épaulé par une excellente configuration gamer. En mode desktop, le constat est moins alarmant, mais les soucis de game design y restent assez visibles : Firmament se montre quoi qu'il arrive inférieur à ses prédécesseurs directs Obduction et Myst V ne serait-ce qu'en termes de qualité de conception. Une amère déception donc, dont le parcours de développement apparemment cahotique et aujourd'hui le suivi imparfait laissent penser que Firmament, en dépit de son titre, n'y entrera jamais.

boulingrin87
4
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Créée

le 7 août 2023

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Seb C.

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