Autant l'admettre : je ne sais pas. L'idée d'utiliser un sujet aussi sérieux que la maladie mentale comme motivation principale d'un titre certes très joli et fort bien réalisé mais aussi presque totalement vide du point de vue du gameplay... ça me met mal à l'aise. Il me semble que le sujet est assez sérieux pour être traité d'une autre manière que dans un hack and slash assez plat au propos prétendument profond joué par des acteurs professionnels à la diction irréprochable. Faut pas se méprendre, ceci dit, le sujet est fort bien traité et l'on sent que les employés de Ninja Theory ont porté une attention toute particulière au fait de ne pas pouvoir être mis en défaut. On ne voudrait pas se mettre à dos les groupes de pression du domaine dont il est question. L'époque est comme ça. Ils se sont donc payés des spécialistes. Ont suivi les séminaires. Et ils en sont sortis « changés ». Le tout dans le but assez étrange de sembler respectable tout en tirant un produit capitaliste assez quelconque de l'un des maux principaux d'une humanité qui souffre. Oh, n'imaginez pas qu'une portion des profits d'Hellblade soit soudain reversée à un fonds de recherche sur la maladie mentale ou autres enjoliveurs traditionnels du jeu vidéo soi-disant engagé qui cherche à sembler sympathique. Non, rien de tout ça. Ici, l'on a rédigé en une après-midi l'histoire de Senua une jeune femme psychotique – c'est bien là son gimmick – bien décidée à ressusciter son bien-aimé lors d'un périple où elle fera face à ses démons... sur le chemin des enfers locaux. Pour ce faire elle trimballe son crâne décapité dans un petit sac en toile de jute. Parfois, elle lui parle. Voilà. Tout ça quoi. Rien de très spécial. Ah, et n'ayez pas peur que le rapport du titre à ses problèmes psychologiques soit trop terrifiant pour vous ou vos bambins. En ce qui concerne Senua sa pathologie se limite à entendre trois ou quatre voix dans son casque là où la plupart des autres protagonistes du domaine se limitent à en écouter deux. Ce sont toutes la sienne. Enfin, pour ce que j'en comprends. Une idée assez modique, d'ailleurs, elle ne nécessite qu'une seule actrice.


Je vous passe avec un esprit charitable les diverses révélations très prévisibles dont le titre vous affuble lors de ses dernières heures. Elles n'ont qu'un intérêt très limité mais remplissent avec charme de nombreuses cinématiques réalisées avec soin sur Unreal Engine 4.0. Comptez qu'environ cinq des sept/huit heures qui vous sont ici facturées une trentaine d'euros seront de cet ordre : sans la moindre forme d'interactivité. La portion congrue de cette aventure vous verra emprunter divers couloirs hérités du walking simulator, certains ont même un embranchement, avant de résoudre une série de puzzle spatiaux pas totalement inintéressants ou de participer à un mode de combat bien décidé à vous rappeler que techniquement ceci n'est pas une série télé réalisée sur ordinateur. Car, vous savez, parfois vous devez appuyer sur des boutons pour avoir le privilège de voir des acteurs utiliser les derniers développements du monde de la motion capture pour lire d'un air très sérieux des monologues qui en fin de compte n'auraient probablement pas été acceptés ailleurs que dans la compagnie chapeautée par leur auteur. L'étrange constat que l'on peut porter sur un titre comme Hellblade réside dans cette phrase : l'ensemble n'est pas dépourvu d'une forme assez pointue de maîtrise des codes cinématographiques. C'est très bien monté. Les acteurs sont excellents. Bon, certes, les dialogues sont loin d'être terribles mais comme se le disaient très certainement leurs interprètes : ce n'est qu'un jeu vidéo, hein. On ne s'attend pas à ce qu'ils soient écrits par des spécialistes susceptibles de ciseler des phrases comme tant de rouages d'or dans une mer de diamants. Après tout, c'est un travail comme un autre et heureusement que de nos jours les jeux ont besoin d'acteurs car tout salaire est bon à prendre. Suffit de demander à Kit Harrington, Kevin Spacey et autres spécialistes du téléfilm. Ils sont ravis d'avoir quelques chèques supplémentaires. Bon, il faut parfois les chercher dans le milieu interlope de l'électronique. Mais bon, nul n'est irréprochable.


Tel est le problème majeur de cette nouvelle génération de « jeux » qui cherchent désespérément à sembler valide d'un point de vue artistique : ils cherchent toujours à être acceptés en-dehors du jeu vidéo. Être un jeu ne leur suffit pas. Oh que non. Il leur faut être un film. Aussi pompeux que ceux qui sont pris au sérieux. Plus maladroits que ceux-ci car rédigés dans un style laborieux par des amateurs enthousiastes. Et si l'on doit pour cela perdre de vue le fait qu'un jeu est censé être constitué de gameplay, bah, cela n'a pas d'importance. Le public est crédule et veut juste de jolies images. Après tout, il achète juste ce qui est en première page du PSN.

MaSQuEdePuSTA
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le 16 août 2017

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