Layers of Fear
6.7
Layers of Fear

Jeu de Bloober Team et Aspyr Media (2016PC)

Layers Of Fear s'engage dans la mouvance du jeu d'horreur moderne et indépendant en 3D, issu du premier tsunami Slender et mouillé juste quand il s’apprêtait à sécher par la vague P.T. On parle de titre qui commence sans contexte préalable, si ce n'est un vague texte. On parle d'une unité de lieu (forêt, vieille baraque, hôpital abandonné, sanatorium désaffecté...). On parle également le plus souvent d'un festival de jump-scare. On parle aussi et surtout d'interactions limitées avec l'environnement; on cherche des pages d'un journal, des poupées à remettre en place pour un rituel obscur dans le meilleur des cas; on va de A vers B avec des chuchotements dans les oreilles dans le pire des cas.


J'ai une certaine affection pour ce type de jeu. Bien que la plupart soient éculés ad nauseam, certains, rares mais trouvables dans les tréfonds de Gamejolt ou Newgrounds, trouvent une petite idée qu'ils exploitent le temps (court) de leur expérience. Ce sont des tests qui se basent essentiellement sur leur brièveté et le caractère inattendu de leur expérience (enfin jusqu'à ce qu'on se rende compte que c'est un nouveau clone de Slender...) pour déséquilibrer le joueur. Ils sont minimalistes et pas toujours à mauvais escient. Maintenant le problème qui va avec ce genre d'expérience gratuite et éphémère, c'est souvent le manque de finitions.


Du coup, dans ce contexte, Layers Of Fear (qui est payant) est un très classique horror/walking simulator, mais qui a pour lui un polish assez irréprochable. Déjà visuellement, j'ai eu grand peine à croire que le jeu tournait sous Unity, tant le moteur est exploité avec force de talent technique. Les textures, modélisations et lumières sont très soignées. Elles s'allient surtout à une direction visuelle de grande qualité. Classique, très classique même - exploitant les objets inanimés qui se meuvent, la terreur de l'enfance inachevée ou traumatisée, les fantômes aux cheveux noirs, les déformations de décors... - mais exploitée avec goût et un certaine mise en sens pour le scénario. Les influences esthétiques sont claires: on est à mi-chemin entre Silent Hill 4 et son iconique porte bardée de chaînes, et...bah oui, P.T. Le jeu exploite l'idée de visiter sempiternellement la maison du peintre en subissant des morphing de murs, des changements constants d'architecture et des apparitions de portes dès que l'on tourne le dos.


S'il ne le fait pas avec la même élégance que la démo de feu Silent Hills, Layers Of Fear va réussir à faire redouter de se tourner sur soi-même. Se tourner signifie laisser le décor que l'on regarde, marque de repère actuel, disparaître ou changer et surtout constater que le décor derrière soi, marque de repère du passé proche, a disparu ou changé. Le jeu fait ça à un rythme assez impressionnant. J'ai du passer deux bonnes sessions de trois heures à avancer quasiment sans relâche (mise à part une séquence qui casse un peu le rythme quelques dix minutes avant la fin) et le jeu n'a cessé de se transformer, d'ailleurs le tout sans jamais montrer de fatigue en terme de framerate.


Cependant, quand je dis qu'il fait cela avec moins d'élégance que P.T, j'entends par là que ceci se fait avec des scripts. Des scripts bien foutus, bien calculés, mais qui laissent peu de place à l'imagination et aux ratés du joueur ou même une certaine tension. Là où P.T misait sur une IA un brin aléatoire qui faisait qu'on ne savait jamais vraiment si l'on allait déclencher l'arrivée du fantôme (dans la dernière boucle du jeu en particulier), Layers Of Fear rend un peu trop systématique ses différents changements de visages. Le jeu change à chaque porte et on finit par s'habituer à se tourner et ne pas trouver ce que l'on avait traversé quelques secondes auparavant. C'est là que le jeu manque l'occasion qui lui était donnée: être l'Antichamber de l'horreur.


Au final, Layers Of Fear est un solide jeu d'épouvante qui pêche malheureusement par son classicisme. Il est bien réalisé et ne se moque pas du client et pourra provoquer quelque sueur froide. Il reste très chargé en jumpscares, ce que beaucoup considère comme la plus vulgaire des manières de faire peur, mais il le fait avec un vrai souci de créer une atmosphère avant, par un visuel (et un son) de qualité, le tout enrobé dans un scénario glauque bien que sans génie. Le jeu aurait vraiment mérité d'être un peu plus procédural, de donner plus à faire au joueur et de s'écarter des scripts parfois trop nombreux; il aurait gagné en force et en surprise. Pas une priorité absolue donc, mais à choper un jour ou l'autre pour tous les amateurs de bons trains fantômes.

Créée

le 20 févr. 2016

Critique lue 2K fois

20 j'aime

seblecaribou

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