Le choix moral dans l'univers video-ludique est certainement beaucoup plus difficile, émotionnellement parlant, que n'importe quelle expérience filmique.


Life is Strange m'a anéanti, a pris mon cœur entre ses mâchoires et l'a explosé en petits morceaux. Lors de son ultime chapitre, le chaos en moi s'est lourdement abattu comme autant de coups de tambour portés au crâne. J'ai pleuré à chaude larme, j'étais tout au fond du puits à regarder le ciel tel le crapaud, rêvant à l'univers, l'espace et le temps...


L'histoire de Life is Strange nous plonge à l'Université Blakwell dans la ville côtière d'Arcadia Bay où s’apprête à se dérouler de sombres aventures. On y suit Max Caulfield, une jeune élève d'à peine dix-huit ans, étudiante en photographie dans la classe de son illustre professeur, Mark Jefferson. Suite à l'un de ses cours avec le dit professeur, Max s'en va se rafraîchir aux toilettes lorsqu'un événement inattendu survient. De l’embrasure d'une cabine, Max observe Nathan Prescott faire les cent pas non loin d'elle. Le gosse de riche va et viens dans la pièce sans jamais la voir, un pistolet orne sa main. Une porte s'ouvre et une amie d'enfance de Max qu'elle ne reconnait pas de suite, Chloé Price, fait irruption. La tension monte, grandit jusqu'à exploser maladroitement en un coup de feu faisant s'écrouler Chloé de tout son long, une tâche rouge à l'estomac. Max se sent alors très étrange, elle est agitée de tremblements. Elle voudrait pouvoir annuler ce qu'elle vient de voir, réparer la violence et la mort, revenir en arrière. Ce qu'elle fait, remontant le temps jusqu'à la fin du cours dernier. Max découvre alors peu à peu qui lui a été accordé un don des cieux, un pouvoir incommensurable, aussi séduisant que dangereux...


Life is Strange n'est pas seulement bon, n'est pas seulement intéressant dans sa prise en main, dans la pertinence des psychés qu'il expose brillamment à nos yeux, non, il est beaucoup plus, c'est un monument (j'ai même dû retirer Red Dead Redemption de mon top pour lui, c'est dire). Loin de moi l'idée de passer le temps de cette critique à en faire l'apologie subjective, Life is Strange est critiquable, perfectible sur ses premiers épisodes, assurément. Certains éléments sont chaotiques et l'on sent bien souvent que le jeu essaye de t'emmener vers tellement de concepts et visions de la vie qu'il pourrait aisément se perdre en chemin.


Quid, je suis tombé amoureux. Ce n'est pas tous les matins que ça arrive.


Je suis tombé en admiration devant cette réalisation et ce scénario extrêmement travaillé, cette ambiance qui se veut et qui demeure contemplative, d'une douce mélancolie, une belle morosité. J'ai aimé ce personnage de Max Caulfield qui connait l'une des plus belles évolutions que j'ai pu voir de ma vie. Partant d'une jeune adulte timide ne trouvant guère de repères stables, coincé dans un esprit quasi hipster dirons certains, Max devient adulte, femme, une femme forte. Aux côtés de Chloé, Max s'affirme, ne fait plus seulement le choix de remonter le temps pour plaire à son entourage et s'attirer ainsi leurs faveurs, elle utilise son pouvoir pour une plus grande cause, retrouver Rachel Amber, cette étudiante disparue bien sombrement.


Entre diverses réalités, temporalités et émotions fortes, Life is Strange transporte, nous transporte au gré de notre fantasme le plus primaire, le plus épris de tentations : figer le temps, garder l'instant présent dans une boule à neige, dans une photographie. Capturer l'instant qu'ils disent.


Qui n'a jamais rêvé de rendre malléable les lignes du temps, remonter les montres et s'éviter ainsi bien des désagrément ?


Le temps a ce petit quelque chose de fascinant, il n'y a qu'à voir la profusion de l'outils temporel dans le genre de la science fiction. On aimerait tous effacer nos erreurs, nos maladresses afin de soumette la réalité à nos fantasmes idéalisés. On se voit déjà soulager sa rage sur nos ennemis, revenir en arrière pour les brosser sarcastiquement dans le sens du poil. On s'imagine en fin séducteur, glanant nos informations avec la patience d'un Bill Murray dans Un Jour Sans Fin. On s'idéalise riche, brillant, bienveillant avec les méritants en parfait détective du faux semblant. On se plairait à jouer à Dieu.


On se leurre.


Remonter le cours du temps comme Max n'a pas lieu de rendre la vie plus amusante ou réellement plus plaisante. S'en servir c'est faire des choix et parfois nous n'avons juste pas envie de choisir ou prendre parti. Un grand pouvoir entraîne de grandes responsabilités disait l'autre. Je préfère me dire que le plus grand des pouvoirs est celui que l'on détient sans avoir à l’utiliser.

Fosca
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le 1 avr. 2016

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