Mega Man
7.2
Mega Man

Jeu de Capcom (1987NES)

Un concept original et ambitieux mais déséquilibré et inabouti

Après avoir bien occupé les bornes d’arcade aux débuts des années 1980 avec des titres comme 1942 et Commando, Capcom veut s’insérer dans le marché croissant des jeux sur console de salon en allant au-delà des portages de ses jeux d’arcade, en créant un nouveau titre dans ce style mais pensé exclusivement pour la console, en l’occurrence la reine de la génération : la NES. Ainsi nait Mega Man, l’une des séries les plus populaires de l’éditeur qui rayonnera sur cette génération avant de se scinder en une multitude de déclinaisons, parfois grandes réussites, parfois confidentielles, mais souvent très intéressantes. Je parlerai ici de la version NES, très proche de celle de la Famicom une fois passé l’écran-titre. Je vous recommande l’écoute de ce remix de toute l’OST pendant la lecture, tout particulièrement le thème Elec Man.


GAMEPLAY / CONTENU : ★★★★★★☆☆☆☆

Mêlant la plate-forme et l’action en 2D, le maniement semble se présenter assez simplement de prime abord avec déplacement, sauts et tirs assez simplistes, quoique déjà assez techniques avec des sauts dont on peut par exemple gérer la pression et la trajectoire, cadence de tir limitée... L’une des premières particularités de la formule Mega Man est sa structure offrant au joueur la plus grande partie de ses niveaux, hors niveau de fin, qu’il peut faire dans l’ordre de son choix, plutôt qu’une succession pré-établie et linéaire comme pour la plupart des jeux du genre de l’époque.


Cette particularité se recoupe avec la seconde, chaque boss vaincu octroie une capacité supplémentaire au personnage qui est particulièrement efficace contre un autre boss bien précis. Si un ordre est donc recommandé, il a le bon goût de ne pas s’imposer et même d’être discuté entre fans. En effet, si chaque arme débloquée est efficace contre un boss précis, il pourrait suffire de commencer par le niveau jugé le plus facile puis de dérouler en fonction du boss vulnérable suivant, mais d’autres questions stratégiques se posent avec les ennemis communs peuplant un niveau qui peuvent être vulnérable à une arme différente que pour leur boss, et on peut également se donner pour challenge de faire les boss au blaster de base.


Cela donne au final un gameplay très riche et ambitieux avec des mécaniques originales permettant de créer ses propres plates-formes, de se servir d’éléments de décor comme projectiles, d’immobiliser plutôt que de neutraliser un ennemi ou le contraire... dans une aventure très personnalisable pour un jeu du genre à l’époque et avec plein de bonnes idées à faire valoir comme la localisation des dégâts sur certains ennemis. Vous vous dites que c’est trop beau pour être vrai ? Bien sûr, il fallait s’y attendre, il y a bien quelques petits soucis.


Parmi les défauts les plus notables, je retiendrai ceux-ci :

- La plate-forme est assez peu plaisante en raison d’une inertie bien lourde, Mega Man coulant comme du plomb, la longueur du saut étant assez courte, la vitesse de déplacement assez faible…

- L’action est souvent ternie par des trajectoires ennemies vicieuses, des petites phases de farming clairement identifiées plombant un peu le rythme…

- Des purs moments de Die & Retry s’imposent, un exemple typique : 3 trous dans lesquels on peut tomber, impossible de savoir avant de les essayer lesquels nous condamnent, lesquels nous permettent de continuer ;

- La difficulté des niveaux est très variable sans raison apparente, ce qui casse évidemment la cohérence de la progression de la difficulté même en suivant un ordre recommandé ;

- Un glitch très facile à faire permet de causer une quantité de dégâts absolument colossal en un seul tir qui rend des combats de boss parfaitement immanquables alors qu’autrement ils sont infernaux ;

- Certaines armes sont très polyvalentes et faciles d’utilisation alors que d’autres ne répondent qu’à de très rares situations spécifiques et sont plus complexes à bien utiliser ;

- Le changement d’arme ne peut se faire que si le tir de l’arme en cours est fini, ce qui entraîne un manque de réactivité du jeu quand il faut combiner par exemple la création d’une plate-forme et un tir...


La difficulté est grande mais ce n’est pas le cœur du problème en soi, non, le vrai problème c’est l’absence de système de sauvegarde, ou d’une quelconque alternative telle qu’un système de mots de passe. Il est tout simplement trop difficile de faire le jeu tel un jeu d’arcade en une seule fois, il ne s’y prête pas. De la même manière mais de façon plus secondaire, le jeu a une spécificité dans la saga, le score, plus pour se donner des faux airs de jeu d’arcade à la mode à cette époque mais le système est parfaitement superficiel, n’offrant absolument rien au joueur selon les points engrangés et disparaissant aussitôt la console éteinte.


RÉALISATION / ESTHÉTISME : ★★★★★★☆☆☆☆

Après quelques années pendant lesquelles la NES a déjà pu acquérir de beaux titres, Mega Man s’inscrit très vite parmi ces titres à la réalisation ambitieuse. Les boss les plus ardus en fin de jeu profitent de sprite de grande taille, des effets de flammes ou d’électricité sont très bien rendus… Par contre, des couleurs flashies assurent la lisibilité et des effets de clignotement assurent le spectacle, mais ça peut être assez désagréable sur de longues parties, ce que le jeu encourage pourtant avec l’absence de sauvegarde et d’alternative comme vu précédemment.


Et si Mega Man peut présenter bien des effets à l’écran pour impressionner, et faire grimper la difficulté par la même occasion, cela s’accompagne d’un certain compromis technique qui fait franchement tâche : des ralentissements sont fréquents et parfois sévères dès que les ennemis et tirs se multiplient à l’écran. Ça peut devenir infernal très rapidement, surtout quand les mécaniques de jeu nous ralentissent ou nous font glisser volontairement en plus de cette instabilité, le niveau d’Ice Man étant une référence dans le genre, quasiment injouable et très frustrant par moment en partie à cause de cette limite technique.


Côté artistique, le sprite de Mega Man témoigne bien de son aspect robotique mignon, partiellement inspiré d’Astroboy, tout en s’adaptant à pas mal de petites animations pour l’époque, du mouvement de recul avec une expression faciale de douleur quand il prend un coup jusqu’au clignement régulier de ses yeux. Pour l’anecdote, cette expressivité a été rendue possible par une astuce technique assez surprenante, celle de combiner 2 sprites en un, le visage et le corps. Le changement de couleur de la skin en fonction de l’arme équipée parachève ce travail de chara-design très réussi, si l’on oublie bien sûr les immondes jaquettes occidentales, parfaitement moches et totalement hors-sujets, et non je ne trouve pas que l’Europe s’en sorte mieux que les États-Unis.


Par contre, je trouve que le jeu peine un petit peu à raconter son histoire par ses visuels. Nous n’avons aucun moyen de savoir en jeu qui sont les personnages du Dr Light et de Roll quand ils apparaissent en fin de jeu alors qu’ils font partie de l’intrigue dès le début. Qui plus est, le retrait de l’armure dévoilant le garçon qui est dessous en fin de jeu laisse à penser à un petit twist comme quoi nous n’incarnions pas un robot alors que si, c’est juste qu’il a un design humain, mais ça ajoute de la confusion à un récit pourtant très simple qui aurait quand même pu avoir droit à un peu plus de clarté.


Enfin, comment ne pas parler de l’OST qui comprend déjà des morceaux de grande qualité, dans un registre unique mais parfaitement assumé : très entraînant. Les limitations techniques de la NES empêchent de bien se rendre compte de la volonté de respecter les univers des niveaux jusque dans les sons utilisés, comme le niveau de Cut Man à la musique qui veut revêtir un aspect métallique alors que ça se voudra plus électronique avec Elec Man, mais c’est du grand travail dès ce premier épisode. C’est probablement le point le plus abouti du titre, malheureusement.


CONCLUSION : ★★★★★★☆☆☆☆

Ce tout premier Mega Man contient toutes les idées principales d’un concept original et ambitieux mais que je trouve trop déséquilibré et inabouti pour pleinement en profiter avec ses problèmes de gestion de difficulté, ses limitations techniques, son absence de sauvegarde… Si le succès commercial ne fut pas au niveau espéré, il sera suffisant pour Capcom pour lui offrir une suite qui sera quant à elle un véritable phénomène au-delà des espérances et offrira enfin la qualité d’exécution à la hauteur des ambitions originales.

damon8671
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le 5 juil. 2022

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