Might & Magic Heroes VII, chant du coq ou chant du cygne ?

Oui. Le coq ? Le cygne ? La question étant posée d’emblée, autant y répondre tout de suite et ne pas faire planer un suspense qui serait insoutenable pour de si fragiles volatiles.


Might & Magic Heroes VII n’est pas le chant du coq, synonyme de renouveau pour une franchise qui pond ici son septième épisode. C’est bien à mon sens le chant du cygne de la série des Heroes, et encore le chant d’un cygne malade, qui vient une dernière fois sur scène car son contrat le stipule en petits caractères, pousser un dernier râle avant de se retirer dans l’oubli.


Cher lecteur, j’ai tout laissé tomber pour te prévenir, pour écrire ce test dès que l’effroyable vérité m’a montré son visage hideux, après quelques dizaines d’heures sur les différents modes de jeu proposés. Might & Magic Heroes VII n’est pas un jeu fait pour toi. Toi qui n’a jamais au grand jamais joué à un épisode de la série des Heroes of Might and Magic (c’est comme ça qu’on les appelait avant, ne me demande pas pourquoi ils ont changé le nom), ton chemin dans ce test s’arrête là.


Tu es jeune il est vrai, mais tu sais qu’aux âmes bien nées la valeur n’attend pas le nombre des années. Passe ton chemin, ne te retourne pas, Might & Magic Heroes VII ne fait aucun effort pour te permettre de le comprendre et de l’apprécier, il ne te mérite tout simplement pas. Franchement, à ta place, je ferais un bon Blood Bowl (le fabuleux test ici), là au moins tu ne seras pas déçu.


Par contre toi « l’autre cher lecteur », je dois te parler. Pas le jeune, le vieux. Celui qui a connu les premiers épisodes de la série. Oui, toi, tu vas encore faire un bout de chemin avec moi dans ce test, on a des trucs à se dire, des souvenirs à partager.


Tu te souviens de la saga des Heroes of might and magic ?


On a passé des bons moments, hein ? Ok, sauf sur Heroes 6, mais sinon c’était bien. Oui, même Heroes 4 et Heroes 5 c’était pas trop mal en fait. Finalement, on ne garde que le meilleur, le reste on l’oublie.


Et aujourd’hui ? Might & Magic Heroes VII. Dur.


Bon, quand faut y aller, faut y aller.


Après plusieurs interminables temps de chargement (non ce n’est pas la faute de mon PC, il va très bien merci), on arrive, ou plutôt on échoue sur une page d’accueil qui arbore fièrement toutes les nuances possibles de marron, couleur gaie s’il en est.


En vieux routard de la série des Heroes, on repère facilement les différents modes de jeu. Il y a une série de cartes, en petit nombre pour l’instant (une douzaine), mais qui ne demande qu’à s’étoffer avec le travail que va fournir la communauté des joueurs sur l’éditeur de cartes (au moment où je rédige ce test, les sites maps4heroes et hommdb proposent quelques cartes sympas). Pour mémoire, sur Heroes 3, on pouvait trouver facilement sur certains sites plusieurs centaines de cartes dont certaines étaient des vraies bijoux d’inventivité. Une fois la carte choisie, on peut s’y affronter de 2 joueurs pour les plus petites à 8 joueurs pour les plus grandes. Soit en solo contre l’IA, soit en multiplayer local (hot seat : les joueurs se succèdent sur la même chaise), soit en multiplayer distant.


Le multiplayer a toujours été quelque chose d’exotique dans la saga des Heroes. Sachant qu’une carte de taille moyenne demande plusieurs heures pour être bouclée par un joueur en solo, on constate que cette durée peut être de plusieurs dizaines d’heures dès lors que trois ou quatre joueurs décident de faire une partie ensemble. C’est donc assez compliqué à organiser. Et comme il n’y a que 24 heures dans une journée, la très grande majorité des parties que tu as pu jouer étaient des parties contre des bots IA. C’est pourquoi, comme tu le sais, le volet « intelligence » de l’IA est très important pour rendre les parties intéressantes. Sur ce point, pas de surprise, l’IA de Might & Magic Heroes VII a une forme d’intelligence proche de celle d’un paquet de chips. Il n’y en a jamais assez, elle se vide très vite, et on est sans cesse en train de la chercher pour savoir où elle a bien pu passer. Donc, tout repose une nouvelle fois sur la capacité des concepteurs de la carte à faire quelque chose d’intéressant, par la qualité d’écriture du scénario, par le tracé intelligent de la carte, et par l’introduction de scripts qui donnent du rythme à l’action. Pour l’instant, il ne faut pas se le cacher, c’est assez pauvre et basique au niveau des cartes proposées. Mais si cet opus de la saga des Heroes réussit par miracle à mobiliser des joueurs suffisamment patients et talentueux pour concevoir de bonnes cartes, on peut s’attendre à trouver quelques pépites, il va falloir surveiller ça de près.


J’en profite pour parler un instant de la communauté de Heroes. Il faudra peut être y revenir plus en détail, car il y aurait des choses à dire. Un peu comme le monde de Warcraft qui se décline en MMO, RTS et autres TCG, le monde de Might and Magic représente une franchise autour de laquelle ont gravité de nombreux jeux. Et parmi ses fanboys, dont tu fais peut être partie cher lecteur, nombreux sont ceux qui accordent une grande importance au background et à l’histoire de la série. Cet attachement conduit à la recherche d’une certaine rigueur (certains diront raideur) dans la définition du gameplay autorisé et des traits des différentes factions. Ubisoft a donc créé un forum sobrement intitulé « le conseil des ombres » et a appelé les utilisateurs inscrits à donner leur avis sur différents sujets, parfois par le biais de votes. C’est notamment en raison de ce conseil que la faction des nains n’apparaît pas dans le dernier opus de la série. Dommage, car j’aime bien les nains.


Un mot sur une étrangeté parmi les modes de jeux proposés. Il s’agit d’un générateur de combats aléatoire contre l’IA. Franchement, j’ai du mal à en voir l’intérêt. Quelques parties rapides ont suffi pour me convaincre que dans ce mode les troupes du bastion étaient difficilement surpassables (à moins que j’ai mal utilisé les sorts avec les autres factions, ce qui est toujours possible). Cet état de fait ne témoigne pas forcément d’un grave problème d’équilibrage du jeu, mais plutôt nous rappelle que Might & Magic Heroes VII n’est pas juste une succession de combats. La partie gestion des ressources et la partie exploration de la carte sont tout aussi essentielles à la construction de la victoire. C’est l’occasion toute trouvée de placer la citation de Clausewitz « la guerre est la continuation de la politique par d’autres moyens ». Désolé, pas pu m’en empêcher.


Mais passons sur tout cela et intéressons nous au nerf de la guerre, la campagne. C’est un peu la clef de voute du système. Une campagne bien balancée, avec un scénario qui nous transporte de cartes en cartes, enchaînant les quêtes avec brio et tout serait pardonné. On tomberait dans les bras l’un de l’autre, cher lecteur, se félicitant de jouer à ce jeu qui nous emmène vers la félicité et un nirvana de gameplay. Et ben c’est pas le cas.


Le début de la campagne fait un peu penser à un lendemain de cuite. Il y a des personnages autour d’une table, ils sont modélisés en 3D mais pourtant leurs traits sont figés dans des postures grotesques. Une caméra tourne paresseusement autour d’eux et une voix off débite sur un ton assez morne des histoires toutes plus convenues les unes que les autres. On a l’impression que c’est la même voix qui s’essaie à imiter les sept personnages autour de la table, tantôt dans les aigus, tantôt dans les graves, en une parodie de spectacle de marionnette. A ce moment, je me suis dit que la direction artistique avait pété une coche quelque part dans le développement du jeu, ou alors que certaines choses s’étaient vraiment très très mal passées.


Et oui, clairement il y a eu de sérieux problèmes, conduisant les développeurs à changer leur fusil d’épaule, plusieurs fois de suite. Ce spectacle devait être assez comique mais ce n’est pas avec ce genre de manoeuvre militaire qu’on fait de bons jeux.


Les campagnes suivent une sorte de fil conducteur : Ivan le duc du griffon hésite sur la conduite à tenir. Devenir empereur ou mourir ? Toi lecteur, je sais que tu n’hésiterais pas une seconde, et tu ferais certainement un meilleur empereur qu’Ivan, j’en suis convaincu. Mais lui, il lui faut des histoires racontées par ses six conseillers (barbare, elfe, nécromancienne, magicienne, ange et elfe noir) pour enfin se décider à régler son compte à ce fourbe duc du cerf.


Tu as donc le choix entre six campagnes distinctes, chacune longue de quatre à cinq cartes, pour suivre les récits des conseillers. Alors, le truc vraiment exaspérant, c’est que le jour de la sortie le jeu était tellement truffé de bugs qu’il n’était pas possible de terminer les objectifs sur certaines cartes et du coup impossible d’accéder à la suivante. Moi, tu me connais, je ne vais pas faire de spoil et te raconter la campagne. Mais bon, juste pour l’exemple : il y a une carte où tu dois détruire des ponts avec deux de tes héros, pendant qu’un troisième tient tête à des armées de plus en plus fortes . J’ai fini par détruire toutes les armées qui se pointaient avec ce dernier. C’était visiblement pas prévu. Et impossible de terminer la carte car la mort du troisième héros devait visiblement débloquer un script pour aller sur la mission suivante.


Compte tenu de ces problèmes, je n’ai pas terminé toutes les campagnes des conseillers. Mais comme il faut juste en terminer deux pour pouvoir accéder à la campagne finale, je me suis contenté du minimum syndical et j’ai fini la campagne du barbare et celle de la nécromancienne. En fonction des campagnes des conseillers que tu finis, tu as accès à certains bonus ou plutôt des quêtes particulières dans la campagne finale. Ce n’est pas forcément décisif pour la première carte, mais fais la deuxième carte avec la nécromancienne en backup et c’est la victoire assurée, grâce à sa compétence nécromancie qui fait grossir ton armée à chaque combat.


Tu seras d’accord cher lecteur, maintenant qu’on a parlé de tout ça, on peut envisager de donner une note. Tu peux me croire, ça a été vraiment difficile. j’ai réécrit partiellement le test plusieurs fois, et changé à chaque fois la note. J’espérais secrètement pouvoir mettre un 7 à Might & Magic Heroes VII, récompensant ainsi une série culte avant de la remiser définitivement au fond du garage. Mais après quelques heures de jeu j’ai compris que ça n’allait pas être possible. Après avoir fait le bilan des choses qui allaient et de celles qui ne fonctionnaient pas du tout, j’étais sur le point de mettre un 5, quitte à le revoir éventuellement par la suite en fonction des évolutions du jeu. En effet, on en est à un patch 1.2 qui corrige pas mal de problèmes et le patch 1.3 est annoncé pour cette semaine. Les développeurs ne cessent d’indiquer qu’ils souhaitent apporter un soutien à long terme à ce jeu et favorisent la création de nouvelles cartes et campagnes par la communauté. Donc qui sait ? pourquoi ne pas changer la note dans quelques temps si le jeu le justifie ?


Mais une chose m’a fait changé d’avis et c’est finalement un 6 qui me semble le plus approprié, et ce dès maintenant. Ne t’inquiète pas, cher lecteur, je vais t’expliquer.


Je n’ai pas encore parlé de l’interface et des combats. Généralement, je ne parle pas trop de l’interface dans le test. C’est un peu comme le gars qui te parle pendant mille ans de l’emballage d’un truc avant de le foutre à la poubelle. Aucun intérêt. Même si c’est moche, tant que ça fonctionne à peu près, on s’en fout. Par contre pour Might & Magic Heroes VII, j’ai l’impression qu’ils ont fait confiance à des champions du monde niveau interface. Ils ont mis une roue des compétences qui me donne le tournis. Sérieusement, vous auriez pas pu faire un truc encore plus illisible ? Je me suis rendu compte que je tournais la tête sur le côté pour lire les infos sur l’écran. En 2015 : tourner la tête sur le côté pour lire des informations sur un écran. J’en reviens toujours pas. Mais je m’égare.


Alors je me suis dit que décidément c’était toujours la même chose depuis vingt ans et qu’on retrouvait les mêmes recettes qu’à l’époque. C’est pourquoi je suis passé un peu vite sur les combats lors des premières cartes en me disant que rien n’avait vraiment changé au fond sur ce plan là. Bon d’accord il y a à présent des bonus si on attaque de côté et à revers, et l’IA utilise correctement cette fonctionnalité de son côté. On peut ajouter que pour une grande partie des combats, on a le choix de lancer d’abord un combat rapide et de ne passer au combat manuel que si on n’est pas satisfait du résultat. C’est facile, c’est pas cher, et ça fait gagner beaucoup de temps. Je pensais avoir fait le tour de la question mais ce n’est qu’au bout de bien des heures que je me suis rendu compte que le système de combat était vraiment bien balancé malgré son ancienneté. Je dirais même qu’il a été remis au goût du jour. Une grande partie de l’intérêt du jeu réside dans la capacité à battre des armées très puissantes avec des forces relativement réduites, en optimisant les buffs des héros et en utilisant les bons sorts au bon moment, un peu comme des mini-puzzles. Et là, je me suis surpris à faire et à refaire certains des combats les plus ardus, juste pour perdre le moins de troupes possibles. Et je me suis vraiment bien amusé.


Donc cher lecteur, je peux te garantir que si tu as adoré les épisodes précédents de « Heroes » (surtout les trois premiers), tu trouveras du plaisir à jouer à Might & Magic Heroes VII, malgré tous les défauts que j’ai exposés. Ce jeu n’est clairement pas fait pour de nouveaux joueurs (ils lui mettront peut être 2 ou 3 s’ils aiment les musiques du jeu), mais pour les vieux joueurs. Là, la fibre de la nostalgie va vibrer, et des décennies de gameplay peaufiné vont payer.


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le 26 oct. 2015

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