Après un Odin Sphere offrant l’un des meilleurs jeux de la Playstation 2 en sa fin de vie, Vanillaware quitte Sony un temps pour développer un titre sur la console de salon du moment, la Wii de Nintendo. Leurs productions étant des titres en 2D se démarquant tout particulièrement sur d’autres aspects que la technique, les retrouver sur une console peu puissante semble assez approprié. Je précise que j’ai surtout joué au jeu sur sa version Rebirth sur Vita, même si j’ai aussi eu l’occasion de m’y essayer sur Wii dans sa version originale, c’est cette dernière dont je vais parler ici. La critique étant longue, je vous propose l’écoute de Powerful Looking pendant la lecture.



RÉALISATION / ESTHÉTISME : ★★★★★★★★☆☆



Vanillaware a déjà pu confirmer toute l’importance qu’ils accordaient à la direction artistique de leurs jeux, Muramasa The Demon Blade va le dévoiler au grand jour, souvent cité comme étant l’un des jeux à l’esthétisme parmi ce qui fait de mieux pour élever le média vidéoludique au rang d’art. On comprend très vite pourquoi quand on pose les yeux sur ces tableaux en défilement parallaxe, le Japon médiéval et fantastique est illustré de très belle manière. Les premiers-plans de milles couleurs sont absolument splendides pour profiter de différentes ambiances soignées et diversifiées tout en suivant parfaitement le fil rouge artistique principal.


Le bestiaire aura l’intelligence de ne pas trop se reposer sur ses vagues de ninjas ou animaux sauvages pour laisser la place à bien des créatures mystiques en tout genre, des ennemis les plus communs aux plus coriaces. Il y aura bien un peu de recyclage tout de même avec une même skin en différents coloris ici ou là, mais ce n’est vraiment pas abusé. Il en va de même pour le chara-design des différents PNJ. En ce qui concerne les personnages principaux et les boss, je les trouve superbement réussis pour la quasi-totalité d’entre eux, il suffit juste d’accepter quelques petites excentricités de temps en temps comme les japonais en ont le secret, disons que ça fait partie intégrante de l’identité visuelle du titre.


Bien que la réalisation ne soit pas époustouflante pour son époque, elle est très soignée. On retrouve ainsi :
- de biens jolis effets de landsflare prenant en compte les éléments de décor au premier plan.
- des animations assez bien travaillées pour les mouvements et attaques les plus récurrents comme pour les sprites les plus imposants,
- de multiples effets visuels pour renforcer les feed-back avec des lames recouverts de flammes de toutes les couleurs, des sphères de foudre gravitant autour de nous...
- des transitions assez douces entre deux tableaux différents, avec la couleur du ciel changeant au fur et à mesure que l’on s’approche ou que l’on s’éloigne de la frontière entre les 2 environnements.…


Si on veut être tatillon, quelques arrières-plans sont assez peu animés, de temps en temps un petit oiseau y passe, mais c’est vraiment pour dire, mais vu que le premier plan est sublime et très bien mis en avant, je ne vois pas le problème. Il y a tellement de détails foisonnant au premier-plan avec un si bon choix de couleurs qu’on ne peut que reconnaître la beauté des décors, quand bien même on est pas particulièrement friand de cette direction artistique en particulier. Je n’imagine même pas à quel point c’est exceptionnel aux yeux d’un amoureux du Japon et de la 2D.


L’OST, composée par l’équipe assez large et très proche de celle d’Odin Sphere, fut satisfaisante pour ma part mais avec moins de fulgurances que celle d’Odin Sphere en ce qui me concerne. C’est purement subjectif, elle reste très travaillée et riche tout en étant cohérente avec son univers. L’aspect adaptatif de l’OST notamment l’illustre très bien puisque par exempte un thème d’environnement relaxant va s’énerver quand un combat y surviendra pour une longue OST avec beaucoup de variations. Réalisation et esthétisme constituent à mon sens ce qui est le plus réussi dans le jeu, mais bien d’autres qualités sont encore à relever.



GAMEPLAY / CONTENU : ★★★★★★★☆☆☆



Action-RPG en 2D avec une vue de côté induisant des déplacements uniquement vers la gauche et la droite de l’écran et de haut en bas, Muramasa se présente comme Odin Sphere pour finalement s’avérer très différent dans sa nouvelle philosophie de jeu, beaucoup plus dynamique et homogène. Cette homogénéité tient surtout au fait que les maniements différents selon les personnages jouables et les armes sont très proches les uns des autres, même s’il y a bien sûr de multiples variations notamment selon l’équipement accordant plus d’importance à la puissance ou à la rapidité, à l’attaque ou à la défense, débloquant des capacités spéciales très variées...


Le jeu est assez malin pour que la routine ne s’installe pas malgré un même maniement principal sur tout le jeu. D’une part, on débloquera très souvent de nouvelles armes plus puissantes que les anciennes, et en difficulté élevée il faudra toujours avoir le meilleur équipement possible, ce qui nous forcera à nous confronter aux différentes variations de gameplay. D’autre part, il nous faut changer d’arme pour déclencher une attaque puissante sur tout l’écran, attaque au combien importante dans les situations critiques et au combien plaisante dans les situations ordinaires, ce qui incite à pleinement profiter des différentes armes équipées.


Si le bestiaire est sympathique avec des paterns assez différents les uns des autres poussant à développer de nouveaux combos, ils n’auraient pas suffi sans les nombreux et réussis combats de boss, très endurants, en différentes phases, avec des attaques diversifiées... Ils constituent le gros point fort du gameplay et ce pour quoi la répétitivité du maniement ne pose pas trop de problème. Mais il est à noter que le jeu est 2 fois moins conséquent en contenu que son prédécesseur, c’est aussi sans doute pour cela que le rythme ne souffre pas trop de ce maniement principal répété encore et encore sans situations de jeu originales.


La proposition dynamique tient surtout à la fréquence des coups occasionnés comme subis qui peut être hallucinante avec un maniement permettant de se déplacer très rapidement avec des mouvements d’esquive amples et généreux dans leur frame invincibilité pour un confort de jeu optimal. Quelques petites lourdeurs viennent tout de même un peu entacher le dynamisme du gameplay. Si l’on court et qu’on donne un petit coup dans la direction opposée, le personnage s’arrêtera au lieu de se retourner et frappera à côté, le temps de terminer son animation et qu’on lui donne l’ordre de se retourner est bien plus que nécessaire pour subir un assaut dévastateur.


L’attaque auto peut nous faire rater une attaque ou un mouvement en ciblant automatiquement un adversaire déjà K.O ou en nous rattrapant au rebord d’une plate-forme dont on passe trop près. Quelques problèmes de lisibilité peuvent se poser, tout particulièrement lorsque les ennemis sont nombreux. L’ennemi peut profiter de frames d’invincibilité qui ne sont pas renseignées par un indicateur visuel. Le mode de difficulté élevé révèle un problème d’équilibrage. D’une part, des ennemis communs très dangereux car très nombreux sont pourtant pauvres en récompense. D’autre part, des ennemis supposément puissants ne sont que peu dangereux car en petit groupe, voire tout seul, et pourtant les vaincre est très fortement récompensé. Le gameplay n’est donc pas parfait mais tout de même très satisfaisant dans l’ensemble.



SCENARIO / NARRATION : ★★★★★★★☆☆☆



Le premier grand parti pris narratif c’est que deux intrigues sont proposées. La première intrigue est celle d’une gentille princesse possédée par erreur par un esprit guerrier qui vont devoir coopérer pour que les choses rentrent dans l’ordre. La seconde intrigue est celle d’un ninja amnésique poursuivi pour des crimes dont il ne se souvient pas et qui n’a clairement pas l’intention de se laisser faire. Nous sommes bien loin de l’ambition d’Odin Sphere qui en mêlait 5 pour rappel et qui étaient très interdépendantes les unes des autres, contrairement à ces deux-ci dont les liens sont plus discrets. L’avantage c’est que la narration n’en est que plus accessible bien évidemment.


Tout est du point de vue du protagoniste avec des dialogues réguliers pour faire évoluer l’histoire et développer l’univers du Japon médiéval fantastique dans lequel nous sommes plongés. L’intrigue de Mohomine ne m’a pas trop emballé, on comprend assez vite comment les 2 personnages vont s’influencer mutuellement, c’est gentiment naïf et on pouvait faire mieux avec un tel concept de possession, mais ça se laisse suivre sans grande difficulté ni déplaisir. Je suis aussi exigeant parce que le précédent titre du studio avait placé la barre extrêmement haut, il faut bien le dire.


L’intrigue de Kisuke m’a déjà beaucoup plus convaincu avec une réelle histoire tragique au bout, le personnage le plus charismatique du jeu pour moi en la personne de Torahime bien plus intégrée à ce récit et des enjeux un peu plus palpitants vécus à travers un personnage bien badass. Ses répliques sont souvent très impactante et cinglantes, son amnésie colle bien au fait que l’on est un peu perdu dans cet univers au début tout comme lui… il constitue à la fois la meilleure porte d’entrée au jeu et sa meilleure intrigue. Si d’aventure vous ne vouliez faire qu’une campagne parmi les deux, ce que je décourage tout de même, ça serait celle-là sans hésiter.


Il est à noter que chacune de ces intrigues disposent de 3 fins différentes en fonction des lames équipées. Ces sabres constituent un fil rouge de l’intrigue assez malin, très bien inscrits dans la direction artistique globale étant bien évocateur de l’époque dans la culture populaire. En revanche, quelques soucis de rythme peuvent se poser dans les 2 campagnes avec des péripéties intermédiaires peu intéressantes pour elles-mêmes comme dans ce qu’elles pourraient apporter à l’intrigue principale. Avec « seulement » 2 intrigues retenues, un peu plus de rythme et de maîtrise aurait sans doute été le bienvenu même si ça n’est pas non plus si gênant que ça.


La narration manque un peu d’ambitions, l’une des 2 intrigues proposées manque d’intensité, le tout peut manquer de rythme à l’occasion… mais malgré ça c’est un scénario au moins sympathique à suivre quand il n’est pas un peu plus, je l’ai bien aimé au final même si dans une moindre mesure que son prédécesseur. Enfin, il est à noter que les différentes intrigues posent un univers plus large dans lequel on pourrait facilement raconter bien d’autres histoires plus ou moins parallèles à celles du jeu, ce qui se fera quelques années plus tard dans des DLC à l’occasion de la remasterisation sur Vita. Je n’ai parlé ici que de celles disponibles dans le jeu de base.



CONCLUSION : ★★★★★★★☆☆☆



Si l’ombre du génial Odin Sphere ne planait pas tant au-dessus de Muramasa, je l’aurais sans doute adulé entre sa direction artistique très travaillée, sa réalisation tout en 2D très soignée, son gameplay dynamique et plaisant, son sympathique scénario avec ses quelques fulgurances… Mais je sais que le studio peut être encore plus ambitieux sur des points auxquels j’accorde beaucoup d’importance et faire d’autres choix artistiques ou ludiques qui ont ma préférence personnelle. Muramasa The Demon Blade n’en demeure pas moins une petite pépite de la Wii et une porte d’entrée très satisfaisante au travail du studio Vanillaware.

damon8671
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le 12 nov. 2020

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damon8671

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