L'enfer est pavé de bonnes intentions

Haaaa... Pillars of Eternity... tant de promesses et tant de déceptions...
Qu'est ce qu'un jeu comme Pillars ?
[+] un jeu au capital nostalgie élevé, pour un CRPG qui se veut l'héritier de Baldur's Gate.
[+] un univers très dense, et dans lequel on vous lache comme autochtone et pas comme touriste.
[+] un jeu qui se veut l'ami des mini-maxeurs avec une micro-gestion du personnage assez poussée.
[+] un jeu fait par un studio de rôlistes passionnés, pour un public de crowdfundeurs très exigeant...

Oui mais Pillars c'est aussi...

[-] un jeu qui a force de reprendre un style de production vieillissant, n'arrive pas à s'affranchir de ses limites : interface pénible, fluidité des combats à la ramasse, progression bêtifiante, classes de personnage déséquilibrées.
[-] un univers certes dense, avec une mythologie que les auteurs se sont clairement bien amusés à écrire, mais d'un classicisme poussif, qui au final ne motive pas ma curiosité.
[-] une gestion de personnage détaillée jusqu'à l'absurde et l'abscons : trop de paramètres à gérer sur cette damnée feuille de personnage, sans indication claire de l'impact à venir. Ce jeu a réussi l'exploit de me faire sentir "puni" à chaque montée de niveau.
[-] une gestion du fan-service servile qui casse l'immersion : les fameux PNJ écrits par les backers sont pour la plupart mal écrits, voire ridicules dans le genre fan-fiction pour midinette. Vouloir "sauver" son immersion consiste rapidement à éviter certains personnages dont on comprend qu'ils ne servent qu'au remplissage de la map... autant dire que ça casse pas mal l'envie d'interaction.

[=] La nostalgie peut être un piège... les lourdeurs de gameplay et visions étriqués qui émaillaient certains vieux jeux ne deviennent pas des qualités 20 ans plus tard, et tous les progrès ne sont pas des trahisons. Vouloir faire un jeu foisonnant est un but noble en soi, mais la qualité de ce foisonnement est importante, et le rapport que le jeu instaure avec le joueur via la technique et la narration l'est pour moi encore plus.
Pillars renoue avec les défauts des vieux jeux, mais ne fournit pas assez de sympathie dans son rapport au joueur - avec une histoire qui me mette en empathie avec le jeu, une mécanique qui me permette de planifier et me projeter dans les actions attendues - et vouloir plaire à l'armée des backers ("vous allez avoir un monde riche ! vous allez contribuer et écrire des pnjs ! avoir une feuille de perso super détaillée ! des classes exotiques !") fausse le rapport au joueur.

Si vous aimez Baldur's Gate, et que votre affection vous a permis de passer par dessus toute la mécanique de jeu pesante et maladroite, autant technique que narrative ;
Si vous vous sentez une âme de "puriste", que les jeux à vocation "exclusive" vous attire; que le caractère "punitif" de certains choix de gameplay ne vous rebute pas ;
Ou que vous assumez très bien votre biais de confirmation parce que vous avez backé ce jeu ;
dans ce cas Pillars of Eternity est un jeu pour vous.
(mais pas pour moi)
(s'en va préparer sa critique de Wasteland 2)