La génération la plus précieuse de Pokémon

Derrière son énorme longévité, la série Pokemon a connu de vraies réussites tout comme des ratés critiques évidents. De tous ces débats enflammés sur le net, une génération revient toujours de manière presque unanime : la 2G (deuxième génération) à Johto. C’est la seule génération de Pokémon contenant deux régions et un contenu bien plus large que ce à quoi nous avons droit à l’heure actuelle. Celui qui devait s’appeler « Pokémon 2 » et signer la fin de la série a finalement redonné un dernier souffle au phénomène de société de la Pokémania avant que cette saga devienne le mastodonte que l’on connaît aujourd’hui. Dix ans plus tard, The Pokémon Company sort son remake de ces jeux légendaires pour la Nintendo DS. Est-ce que ces versions sont à la hauteur de ce que l’on entend partout ? Petit retour sur le remake de la région Johto.

The Pokémon Company n’en est pas à son premier coup d’essai. En 2004, elle sortait déjà le remake de la 1G en puisant dans la nostalgie afin de faire revivre ce phénomène qui a touché le monde à la fin des années 90. C’est sans surprise que Johto allait revenir au goût du jour en suivant les performances graphiques des épisodes DS déjà sortis à cette époque : Diamant et Perle. C’est un mal pour un bien, Heartgold et Soulsilver ne sont pas forcément plus beaux que ces derniers, mais j’y ai personnellement toujours trouvé énormément de charme dans sa présentation. Les sprites 2D dans ces environnements en fausse 3D fonctionnent hyper bien sur moi et c’est un plaisir immense de replonger dans cette aventure.

Pour contexte, j’ai recommencé ces versions en 2023 et donc mes attentes ont bien changées à l’âge que j’ai aujourd’hui. Ma connaissance de la série Pokémon est aussi bien plus élevée qu’à l’époque de sortie de ces jeux. De ce fait, mon regard sera plus critique et c’est sans surprise que j’ai trouvé plusieurs défauts évidents que je n’avais jamais remarqué jusqu’à maintenant.

Je ne vais pas refaire l’histoire de Pokémon 2G, c’est du grand classique et je pense que ceux qui liront cette critique ont déjà le topo. Sachez que ces remakes n’apportent pas grand chose de nouveau à cette génération. L’arc entre Eusine, le traqueur de Pokémon légendaires, et Suicune, a été importé directement de Pokémon Cristal, la version complémentaire de la 2G. Au-delà de cet « ajout » scénaristique, rien de bien nouveau hormis une remasterisation parfaite de tout ce qui a été fait en 2G. Du côté gameplay, il y a quelques éléments qui ont été ajouté et qui favorisent l’immersion sur les terres de Johto.

Premier ajout de taille : vos Pokémon vont vous suivre ! C’était quelque chose dont rêvaient les fans depuis le tout premier épisode et c’est la première fois que Game Freak se décide à implémenter cette fonction tant attendue. Non seulement la totalité des 493 Pokemon sont modélisés pour apparaître derrière leur dresseur, mais en plus cela fonctionne comme par magie. Aucun bug ou rendu bizarre, la totalité des monstres est affichée comme si cette fonction avait toujours existé. Ça peut paraître bête aujourd’hui, mais c’était un ajout révolutionnaire quand c’est sorti.

Du côté système de combat, ces remakes reprennent le fonctionnement de la 4G (Diamant et Perle). Il fut un temps où l’attaque spéciale et la défense spéciale n’existaient pas ce qui rendait les combats moins stratégiques et plus bourrins, d’autant plus que l’équilibrage était bien difficile à gérer. Plus de problème dans ce remake, tous les ajouts de la 4G sont implémentés afin que les joueurs puissent continuer à jouer stratégiquement dans ces versions. Un ajout bienvenue puisque retourner au système de combat d’origine aurait été un véritable downgrade.

L’écran tactile de la Nintendo DS permet maintenant d’accéder plus rapidement aux fonctions vitales du menu principal et aussi de garder un œil sur l’état de son équipe sans à avoir à ouvrir les menus. Il s’agit-là de la plus value de la Nintendo DS sur les autres consoles et bien que simpliste, cela constitue une amélioration de la quality-of-life non négligeable. Cet écran tactile sera par ailleurs utilisé à plein escient lors du Pokéathlon, une nouveauté de ces remakes qui permet de jouer à des mini-jeux pensés pour l’écran tactile qui vous permettront d’obtenir objets et rubans, mais aussi d’optimiser les statistiques des Pokémon qui participent à ces épreuves. C’est plutôt marrant (et jouable à plusieurs en local), bien que vite redondant.

Bien évidemment, le online fonctionne de la même façon que pour la 4G donc il n’y a rien de bien nouveau de ce côté là. Au final, c’est un remake au sens premier du terme. Le jeu a été refait en ajoutant peu de choses nouvelles mais en gardant l’essence même de ces jeux, avec les fonctionnalités des épisodes Diamant et Perle. Les jeux originaux étant iconiques, beaucoup de fans seront satisfaits de ce traitement, moi le premier. Seulement voilà, faire le remake de jeux aussi vieux sans rééquilibrer ce qui n’allait déjà pas à l’époque amene son lots de petits problèmes et vient tâcher le tableau.

La 2G a toujours souffert d’un problème d’équilibrage évident. Le rythme de l’aventure est très étrange et pas toujours logique, parfois même indigeste. La montée de niveaux n’a pas vraiment de sens puisque les Pokémon sauvages gardent un niveau extrêmement faible tout au long de l’aventure. De ce fait, le joueur ne gagnera quasiment pas d’XP. Résultat de ce problème d’équilibrage : une équipe qui ne sera probablement pas au niveau lors de l’arrivée à la ligue. Ce problème s’empire lorsque vous arrivez dans la deuxième région de Kanto : vous serez bien en dessous du niveau requis et il sera toujours impossible de gagner de l’XP de manière logique.

Ce gros problème de game design va bien au-delà de l’expérience des Pokémon ou du rythme catastrophique de l’aventure (lors de ma partie, les 3 derniers badges ont pu être gagnés en l’espace de 2h alors que les 3 premiers badges vous prendront entre 5 à 10 heures de jeu). Les objets sont également touchés par ce problème et la majorité des objets un minimum intéressants ne seront disponibles que à Kanto, c’est à dire dans le contenu endgame de ces remakes. L’expérience est au finale peu cohérente et même frustrante par moments - le jeu a de grands moments de vides scénaristiques de plusieurs heures avant de vous assommer de quêtes principales les unes après les autres.

Kanto est toujours aussi décevante, par ailleurs. La région se termine très vite et n’a pas grand chose d’interessant - même dans ces remakes. Oui, vous rencontrerez des nouvelles espèces de Pokémon, mais l’expérience sera bien plus vite expédiée et vide que Johto. Il est toujours agréable de retrouver les personnages de la 1G, mais les rencontres avec ceux ci sont si succinctes que vous les oublierez aussitôt. La rencontre avec Red est en revanche sublimée et cela restera un des plus grands moments, si ce n’est LE plus grand moment, que la série ait connu.

Heartgold et Soulsilver gardent aussi l’esprit des jeux originaux en instaurant des événements temporels qui ne seront accessibles que sur certains jours de la semaine. C’était quelque chose de drôle et novateur dans les jeux Gameboy Color, mais ça devient vite énervant sur des remakes. Cette fonction était déjà passée de mode sur Nintendo DS et elle a quand même été gardée, limitant certains objets, Pokémon et rencontres, à certains jours de la semaine sans aucune raison particulière à part allonger la durée de vie artificiellement. Il en est de même pour les CS, gardées telles quelles, une véritable plaie qui vous forcera à apprendre des attaques inutiles aux Pokémon de votre équipe.

Il faut prendre Heartgold et Soulsilver comme ce qu’ils sont, des remakes presque à la lettre de vieux jeux Gameboy Color. En dehors des problèmes évoqués, cette génération a énormément de charme et c’est difficile de ne pas l’aimer. Les musiques sont iconiques, les lieux visités restent dans les mémoires, le bestiaire de cette génération est parmi les meilleurs de Pokémon, et le contenu reste massif même sur Nintendo DS. Heartgold et Soulsilver resteront - probablement pour toujours - les épisodes les plus iconiques de la série Pokémon. Ils en possèdent l’ADN le plus pur, avec les plus grandes qualités de cette série, mais aussi ses défauts les plus imprévisibles.

Tels l’argent et l’or, la 2G est si précieuse que son aura résonnera à travers le temps comme le plus grand vestige de l’apogée de la Pokémania des années 2000.