Prey
7.4
Prey

Jeu de Arkane Studios et Bethesda Softworks (2017Xbox One)

Il m'a fallu du temps pour apprécier ce Prey : 2017 souligne la première acquisition puis s'est fait oublier, 2019 l'aventure est de nouveau tentée sur Xbox One cette fois-ci avec un nouvel achat, mais le framerate m'a fait zapper, 2021 encore une fois le soft m'est offert par Canard PC mais retombé dans les oubliettes d'une sombre plateforme nommée GoG, enfin 2023 je retente l'aventure via le service de Streaming de Microsoft et quelle aventure !

A l'origine j'imaginé le jeu comme un BioShock avec un canon à mousse, un sous Half-Life à l'histoire bien bornée, un Deus Ex sans réelle liberté. Pourtant, c'est au final à Prey que j'ai joué qui a bien compris les avantages et les défauts de ses prédécesseurs et qui au-delà des mécaniques de gameplay mets au centre de son expérience le principal intéressé, moi.

Les premières heures sont laborieuses, l'histoire se pose délicatement et flirte avec ses inspirations. On y incarne un scientifique au cerveau ramolli, mais aux muscles bien bandés qui n'est pas sans rappeler un certain Freeman. Morgan Yu, car c'est comme ça qu'il/elle se nomme, participe à des expériences chapotées par son frère Alex. Expérience, qui, d'après les dires de celui-ci vont révolutionner l'humanité, alors que dans les faits sont de simples QCM. Cependant, ça tourne court, car une étrange bestiole fait son apparition et assèche les témoins de nos réponses.

C'est de cette manière que nous sommes brutalement insérés dans Talos I (pas Talos i, mais un ou ouane pour les traites à la langue). Une station qui flotte dans l'espace et fait tout pour faire oublier l'hostilité de son environnement dans lequel il gravite. Cette station, ou plutôt complexe, se révèle être le coeur névralgique d'une société : TranStar. C'est donc naturellement que nous y retrouvons les pôles de ces grandes sociétés : les bureaux des relations humaines, les laboratoires scientifiques, les zones d'entretiens qui font tourner la machine, les endroits de vie, etc. Ce tout est souligné par une direction artistique forte afin de donner du cachet à cette structure qui se retrouve vidée de ses employés.

Vide ? Pas vraiment. Car la mystérieuse bestiole qui joue le rôle d'arachnide caniculaire semble avoir pris possession du lieu, avec son propre mode de fonctionnement. Tantôt nommé Mimic quand il se transforme en objet du quotidien, Fantôme quand il se décide à emprunter une enveloppe charnelle, Tisseur pour se reproduire, Télépathe pour télépather.. Un florilège de noms communs pour sigler une espèce entière : le Typhon. Un être métaphysique qui est le sujet de recherche de la florissante multinationale TranStar.

Nous sommes donc confrontés à un ennemi aux formes diverses et à la puissance, il faut le dire, dévastatrice. A l'image des jeux de 2017, la difficulté est présente et les premières heures font des échos à la survie et l'exploration, plus qu'à un simple shooter nerveux comme le font penser les mouvements de nos adversaires. C'est ici qu'Arkane tire son épingle du jeu, l'exploration est la pièce centrale de l'échiquier et sur la vingtaine d'heures de jeu, une très large moitié y est dédié. On parcourt les lieux, on fouine les emails des employés voire cherche ces derniers, puis on récupère des objets à recycler pour améliorer Morgan. Si de base seule la race extraterrestre squat la station, c'est bien qu'elle a reprit à l'homme des lieux qu'ils ont habités et force est de constater que de fil en aiguille, tout prend vie. Les employés, listés dans une base de données, peuvent être retrouvés et pour une majorité ont laissé durant les dernières heures avant l'invasion, des traces de vie et d'échange. Ce qui donne à la fois du corps à la narration environnementale et de l'esprit à l'imaginaire du joueur, sans le détourner de son objectif principal ou l'en sortir.

Car une société c'est un producteur de richesse, un employé une force de travail qui ne partage pas forcément les opinions de son employeur. Ce qui fait que pour la profondeur, nous avons un carillon sonore des personnalités plutôt qu'un bruit sourd entrepreneurial. Cela a pour finalité de ne pas rendre Talos I morbide, mais fantomatique, voire vivant, là où les inspirations (Half-Life/BioShock) ne sont que des lieux de mort. D'ailleurs, il est possible de sentir une critique sociale des multinationales tant ces dernières jouent avec les lois et profitent des États. Car si le plot est futuriste (il se déroule en 2035 de mémoire), la base est réelle avec le course aux étoiles des années 60-70 entre l'URSS et les Etats-Unis, ainsi que le rideau de fer qui est évoqué à de moult reprises. Des faits qui, au-delà de crédibiliser (donc immerger le joueur) l'histoire, font coeur avec TranStar et laisse pantois l'observateur sur le rôle des États face à ces menaces.

Cependant ce n'est pas ici que le soft m'a le plus surpris, mais sur sa liberté totale de jeu. Là où je reproche depuis sa sortie les affres dirigistes de BioShock, à savoir que si tu veux obtenir plus de pouvoir il va falloir tuer des petites soeurs, Prey préfère récompenser le joueur par son exploration, ce qui oblige le joueur à adapter sa façon de jouer à son interprétation du récit. Chacun est libre d'interpréter le Typhon au point de le rejeter ou de l'épouser, mais à la condition d'obtenir et dépenser des Neuromods.

Véritable bon pour l'humanité, les neuromods promettent d'avoir des connaissances sans passer par l'apprentissage. Imaginez avoir le trait affûté de la mangaka Asa Akira en un clin d'oeil, de maitriser la langue d'Annette Schwarz sans mettre le nez dans un livre, d'avoir l'expertise de la mythologie grecque de Lana Rhoades sans lire une BD de Ferry.. le rêve n'est-ce pas ? Plus qu'à étaler la liquidité pour acquérir les savoirs. Cependant dans Prey pas question de passer à la caisse, car ce qui est pratique avec le fait d'explorer la société qui les produits, c'est qu'elle en laisse traîner un peu partout, il suffit de se baisser pour les avoir. En jeu, l'acquisition permet de grimper l'arbre de compétences, et, on ne parle pas de compétences bidon, mais de piratage, maîtrise des armes, pouvoirs psychiques qui font valser les adversaires et autres bien pratiques (comme se transformer en mug) pour progresser.

Malheureusement c'est ici que je dois stopper mon avis, puisqu'en la poursuivant le risque de vous retirer l'expérience du jeu est forte. Sachez seulement que si aujourd'hui Prey se place dans mes jeux favoris, ce n'est pas à cause de ses cachets (direction artistique, sonore, level design etc), mais bien sur sa finalité. Arkane Studios n'a pas juste mis un twist, mais à poser les mots sur un parcourt au demeurant quelconque sur le joueur que je suis. Et pour ça, bravo.

Créée

le 14 sept. 2023

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