Aux sources du R

Raymarathon : 19/22

En 2010, Rayman est considérée comme une licence morte (encore plus qu'aujourd'hui, c'est dire !), son personnage s'étant fait surpasser en popularité par les Lapins Crétins. Pourtant, Michel Ancel bosse sur le retour de son personnage et prépare un jeu téléchargeable et épisodique dont le but sera de raconter la première aventure du héros à la mèche. Pour ce faire, l'équipe de Montpellier utilise un tout nouveau moteur de jeu, dont le rendu est proche du dessin animé.
Notez que si l'équipe des développeurs était assez réduite, les crédits durent près de 20 minutes, parce que visiblement il fallait absolument créditer tous les employés de toutes les branches d'Ubisoft.

Après plusieurs réorientations (en partie guidées par des retours de fans qui n'appréciaient pas le côté épisodique), Rayman Origins sort fin 2011… Un mois après Batman Arkham City et le même mois que Zelda Skyward Sword, Mario 3D Land et un tout petit jeu peu connu, Skyrim.
Bref, Rayman se fait laminer au niveau des ventes, mais grâce à un prix vite soldé et sa présence sur pas moins de 6 machines, il parvient au fil du temps à devenir rentable et à sauver la licence pour quelques années. Ouf !

Dans ce quatrième jeu de la série, on incarne Rayman bien sûr, mais aussi Globox et les Ptizêtres ainsi qu'une large variété de costumes pour tout ce beau monde. Il s'agit du premier jeu de la série qui soit jouable à quatre, les développeurs ont donc trouvé cette solution pour que chacun ait son propre personnage à l'écran. Franchement ça passe, les Ptizêtres sont un peu surreprésentés dans les costumes (alors qu'on ne va pas se le cacher, ce sont les moins intéressants), mais la solution est élégante et rigolote. On peut regretter qu'un réel quatrième personnage n'existe pas, et donc qu'une partie à 4 verra forcément deux joueurs prendre un personnage similaire, mais vu que je joue en solo…
Cela entraîne toutefois une uniformisation des personnages que je n'apprécie que moyennement. Je comprends que dans le cadre d'un jeu multijoueurs, tout le monde doive être traité sur un pied d'égalité, mais j'aurais préféré que chaque personnage ait un petit avantage sur les autres, j'imagine bien Rayman avoir une meilleure portée aux poings tandis que les Ptizêtres pourraient flotter plus longtemps grâce à la magie, par exemple. Ca donnerait un peu plus de personnalité à chaque héros.
S'il y a une chose qui est absente d'Origins, c'est un scénario. Globalement, on a juste droit à trois cinématiques pour nous raconter une histoire famélique, et c'est dommage vu les ambitions du titre (et des jeux précédents). Au cours du développement, le scénario est en fait passé d'un Rayman 0 à Rayman 4, et les différentes pistes laissées par les premiers trailers sont finalement absentes du jeu. Reste cette histoire de magicien de Rayman 1 fan de Mr. Dark, qu'on ne repère qu'en prêtant attention au background d'une seule salle du jeu. Mouais, c'est pas un antagoniste très excitant, j'espère qu'il ne va pas revenir dans un prochain jeu…

En revanche, Origins brille sur un autre point : les graphismes. Empruntant une esthétique de dessin animé qui n'est pas sans faire penser à Wario Land Shake It, sorti quelques années plus tôt, le jeu est un bonheur pour les yeux. Les personnages sont ultra-détaillés, les ennemis fourmillent d'animations rigolotes (la plupart sont repris de R1 et c'est amusant de voir leur apparence avec cette nouvelle DA), les décors sont chatoyants et profitent de la HD qui manquait à l'ami Wario… Et le tout est d'une fluidité remarquable, même sur mon PC qui galérait un peu avec Dolphin.
Bref, le jeu est une pépite pour les yeux, mais aussi pour les oreilles ! Christophe Héral, habitué des studios montpelliérains depuis Beyond Good & Evil, nous sert une magnifique partition, à la fois enchanteresse et pleine d'humour, qui fait fréquemment sourire ou rêver. Je pense qu'on est tous tombés amoureux de la chanson des poissons à la première écoute, mais honnêtement toute la BO vaut le détour et je serais bien incapable de désigner le morceau le plus faible de la composition.

Vous l'aurez compris, sur la présentation Origins récolte un 10/10 sans forcer. Maintenant, le plus important c'est de savoir comment ça se joue. Et sur ce point, Origins file une claque à tous les plateformers contemporains.
Rayman est dynamique, répond au doigt et à l'oeil, a une variété de mouvements (et d'animations) à faire pâlir un certain plombier et on les débloque assez vite au fil de l'aventure, qui s'étale sur plus de 60 niveaux. Niveaux qui sont d'ailleurs assez longs, donc vous n'en ferez pas le tour rapidement, sauf si vous êtes aussi drogués aux plateformers que moi.

Mais surtout, Rayman Origins propose un challenge relevé. Et contrairement à Rayman 1, on fait face ici à de la bonne difficulté, j'en veux pour preuve l'absence d'un système de vies (donc d'un Game Over) et la rapidité avec laquelle Rayman réapparaît après une mort. Deux éléments qui rendent l'aventure beaucoup plus agréable que sur l'ancêtre PS1.
Et du coup c'est top, chaque niveau est comme une piste de course qu'on est tentée de parcourir aussi vite que possible, tout en gardant l'oeil ouvert pour décrocher quelques Electoons supplémentaires. D'ailleurs, on en revient à un point négatif que j'avais attribué à Lapins Crétins La Grosse Aventure : l'obligation de garder le bouton de course enfoncé, ça finit par faire mal au doigt vu que personnellement je le pressais en permanence dans 99% des niveaux. Mais c'est un moindre mal au vu du fun que la sensation de vitesse procure !

Je vais quand même atténuer un tout petit peu la difficulté : elle m'a semblé bien moins grande qu'il y a 12 ans. Alors oui, j'ai vieilli et j'ai pris du galon entretemps, mais j'avais le souvenir que chopper une Pièce de la Mort était une tâche quasi-impossible à l'époque. Il s'avère que j'étais bien nul, l'immense majorité étant ramassable sans souci.
Cela dit, le jeu propose quand même un certain nombre de niveaux tendus, je pense bien sûr aux niveaux des Coffrapattes qui demandent une exécution parfaite pour être réussis d'un seul coup, ou à la Lande aux Esprits Frappés qui sera votre pire cauchemar (et qui m'avait fait ragequit il y a bien longtemps, là j'ai enfin réussi à la passer, je peux dormir en paix). Et même la deuxième moitié du jeu en général propose fréquemment des niveaux assez relevés, qui raviront les amateurs du genre.

Je pense que le principal point faible du jeu, outre sa première moitié un peu trop simple, se situe au niveau des boss (décidément, seul Rayman 3 aura réussi à en proposer de bons). Ils souffrent du syndrome "Attends que mon point faible soit exposé", qui rend les affrontements assez longs et basés sur du die & retry que je ne trouve pas du tout intéressant. C'était déjà un problème dans R1, et Legends ne fera qu'exarcerber ce défaut.
Soyons toutefois indulgents, il n'y a que 7 boss dans tout le jeu, et aucun n'est réellement difficile, même le boss secret de la Lande.

Je vais quand même donner un autre bémol au jeu : sa version 3DS. Pour l'avoir faite il y a 3 ans, c'est une version qui a le mérite de contenir tous les niveaux du jeu sur consoles HD (à l'exception de la course-poursuite au début du niveau final), mais qui est atroce à regarder (vive le 240p de la 3DS, avec des sprites pas toujours à l'échelle), contient pas mal de glitchs sonores et souffre de temps de chargement absurdement longs et qui cassent toute envie de recommencer un niveau où on meurt en boucle. Fuyez-la comme la peste et préférez-lui n'importe laquelle des autres versions disponibles !

Finalement, Rayman Origins c'est un jeu qui me file la banane. Ses animations magnifiques, sa bande-son géniale, ses ennemis débiles (on affronte quand même une parodie d'Angry Birds et une fourchette embrochant un citron), son gameplay qui pousse naturellement à la course… Même quand je meurs pour la 25ème fois face à un Coffrapatte, je ne peux m'empêcher de relancer immédiatement un essai, parce que je sais que le jeu est bien fait et qu'il me suffira d'être plus attentif pour l'emporter.
J'avais peur du projet à son annonce, parce que je voulais un vrai Rayman 4 en 3D. Mais à l'instant où j'ai eu une manette entre les mains, j'en suis tombé amoureux. C'était un shot de dopamine comme j'en avais rarement ressenti dans ma vie de joueur. Et 12 ans plus tard, je suis replongé avec plaisir dans cette addiction.