Suite à beaucoup de dithyrambisme autour de Red Dead Redemption 2, je me suis décidé à enfin poster ma propre critique après l'avoir fini il y a peu. J'ai assez hésité sur la note. Etant parti sur un 9, je me suis demandé si il ne serait pas préférable de mettre un 7. En bon compromis, j'ai mis un 8. J'ai adoré le jeu sur bien des aspects, mais celui-ci m'a également frustré à bien des égards, et c'est notamment cette raison qui m'a poussé à rédiger cette critique.


Que raconte Red Dead 2 ? Je vais tâcher d'être bref dans la mise en contexte. Le jeu se déroule quelques années avant le premier épisode, dans l'Amérique de 1899. Les Etats-Unis deviennent moins sauvages, les guerres intestines sont terminées et les derniers brigands récalcitrants plient face aux expéditions vindicatives des forces de l'ordre fédérales. Notre protagoniste est Arthur Morgan, hors-la-loi membre du gang de Dutch van der Linde. On suit les péripéties d'Arthur et de sa bande suite à un braquage raté au tout début du jeu.


Commençons par les bons points qui ont sans doute déjà été évoqués des milliers de fois. Sur l'aspect technique, Rockstar place la barre très haut. Le jeu est magnifique, et tourne sans aucun problème, même sur une PS4 pourtant en fin de vie. Pas de problèmes particuliers, si ce n'est de rares ralentissements. Sur des dizaines d'heures de jeu, je n'ai eu aucun plantage ni freeze et les temps de chargement son peu nombreux, à l'exception du gros chargement du début.


On peine à compter tous les détails d'animation: effets de pluie, d'eau, de poussière, de boue, de neige, traces de pas, météo, végétation... L'ensemble est on ne peut plus convaincant.


Le monde est vivant. Il y a une faune très active et très variée: cerfs, biches, blaireaux, moineaux, aigles, vautours, serpents, loups, grizzlies, alligators... La liste est longue. Chaque animal réagira évidemment à votre présence en fuyant ou en vous attaquant... Vous pouvez aussi chasser tous ces animaux, collecter leur viande pour la cuisiner et leur fourrures ou leurs plumes pour crafter des vêtements.


Les humains peuplant le monde de Red Dead n'ont pas été délaissés et paraissent plus vivant que jamais. Les pnj ont différentes activités au cours de la journée: ils vont bosser, prennent une pause, vont piccoler le soir, s'endorment dans le saloon à la nuit tombée... Bref chacun mène sa propre vie. Quand on rentre pour la première fois dans la petite bourgade de Valentine, on sent qu'un pas dans le jeu-vidéo a été franchi.


Sur ce point comme sur bien d'autres, le jeu fait preuve d'un sens du détail maladif. Même les cadavres d'animaux persistent quelques temps et se décomposent...


Les paysages sont variés et tous pittoresques: montagnes enneigées, déserts, canyons, forêts de conifères, marécages, grande ville, villages, champs... On pourrait imprimer une pelletée de cartes postales à partir des vues du jeu, il y en a pour tous les goûts. Quel sentiment grisant que de parcourir la montagne à cheval, trouver un bon point d'observation et prendre un peu le temps d'admirer l'horizon. Je n'aurai jamais cru ça possible dans un jeu vidéo.


Côté musique, les thèmes orchestraux se contentent de singer du Ennio Morricone et aucun thème n'est réellement marquant. Toutefois, en dehors d'un thème d'ambiance de map que j'ai trouvé un poil déprimant, la bande originale est d'assez bonne facture.


Enfin, autre gros point fort du jeu: son histoire. Même si j'ai tendance à regretter une certaine prévisibilité vis à vis de certaines intrigues, le jeu bénéficie d'une écriture subtile et soignée et d'une mise en scène à la hauteur.


Même hors scénario principal, Rockstar a poussé l'expérience immersive à fond. Rien que dans le campement de la bande de Dutch il se passe beaucoup de choses. Je donne un exemple: pendant la première fête on assiste à une longue scenette entre Karen et Sean qui, bien éméchés de leur soirée, s'isolent sous une tente et nous font un peu profiter de leurs ébats sexuels pendant qu'à quelques mètres de là, le reste de la bande est en train de chanter autour du feu.


Il se passe presque toujours quelque chose dans le camp selon le moment de la journée et l'avancement du scénario: on surprendra une dispute, une anecdote, une chanson, des remarques sur le comportement d'Arthur... Le jeu est un véritable échantillon de vie de fin de 19ème siècle tellement il est rempli de petits scénarios, de détails, et de dialogues.


Les scénaristes se sont arrangés pour nous faire éprouver beaucoup de choses du point de vue d'Arthur. Et fur et à mesure du développement de l'intrigue, l'empathie ne devient que plus forte, jusqu'au climax final du jeu. Je développe sous balise spoiler.


Alors que l'on pense qu'Arthur a enfin reconquis sa bien aimée Mary, suite à une soirée passée au théâtre avec elle, on reçoit le jour suivant une lettre d'adieu déchirante de sa part, ne pouvant se résigner à accepter une vie de hors-la-loi.


Mais ce n'est pas ce qui m'a le plus troublé.


Là où l'écriture de Rockstar brille, c'est que c'est au détour d'une mission apparemment anodine que notre protagoniste scelle son destin.


Malgré quelques réticences, Arthur est poussé par Strauss, le collecteur de dettes de la bande, à aller réclamer l'argent prêté à divers débiteurs. L'un d'entre eux particulièrement, n'a pas les moyens de rembourser son prêt, et est de plus gravement malade, atteint de la turberculose. Le pauvre fait vraiment peine à voir et malgré les supplications de sa famille, Arthur le brutalise pour obtenir compensation.


Bien plus tard dans le jeu, alors qu'Arthur faisait de plus en plus preuve de bonté, il est lui-même diagnostiqué de la tuberculose, contaminé par le vieil homme qui lui avait craché dessus. Sa fin est donc proche. Épris d'une grande empathie pour le personnage, j'étais particulièrement dégouté de savoir que quoique je fasse, il allait y rester.


C'est au détour d'un dialogue profond avec une bonne soeur, qu'Arthur Morgan se résoud à profiter du temps restant pour faire preuve d'altruisme, en quête de rédemption, donnant tout son sens au titre du jeu. Arthur va alors faire de son mieux pour expier ses fautes, à travers plusieurs bonnes actions, notamment en aidant cette famille qu'il avait rackettée, et dont le père a finalement succombé à la tuberculose. Petit à petit, le joueur de Red Dead Redemption 2 se résigne à accepter la mort inéluctable d'Arthur, donnant un dernier sens à sa vie via cette quête.


Dutch van der Linde est aussi un personnage intéressant, pleins de nuances. Ce dernier est un leader, saisi d'un idéal de vie, incompatible avec la société industrialisée en devenir du futur vingtième siècle. Nageant à contre-courant, incapable de renoncer et de voir la vérité en face, Dutch répète inlassablement la même réplique "j'ai un plan". Pour rassurer sa bande ou se rassurer lui même ?


Dutch répètera la même chose dans Red Dead Redemption 1. "Tu as toujours un plan, Dutch" lui rétorquera John Marston. D'un épisode à l'autre, le personnage reste cohérent dans son évolution.


John lui même, est cohérent d'un épisode à l'autre. Quand on connait les évènements du premier épisode de Red Dead Redemption, les motivations de John sont encore plus lourdes de sens après avoir terminé le 2. Combien de prequelles dans le jeu-vidéo ou même le cinéma peuvent se vanter d'en faire autant ?


Red Dead Redemption 2 peut donc bien être loué pour ses qualités exceptionnelles. Mais ce n'est pas un jeu sans défauts.


Pour commencer, les gunfights sont particulièrement ennuyeux. On se contente de presser la gachette gauche pour viser automatiquement l'ennemi, on lève légèrement le pointeur pour cibler la tête et on tire. De temps en temps, le jeu nous donne quelques séquences au fusil à lunette pour varier les plaisirs mais rien d'extraordinaire. Si le jeu n'avait duré qu'une vingtaine d'heures cela n'aurait pas posé de problèmes. Mais ici, la durée de vie est trois fois supérieure. Et passée la trentaine d'heures on s'ennuit ferme durant les séquences de tir...


Autre point noir: le temps passé à cheval. Je comprend et adhère parfaitement à la volonté de Rockstar de produire un jeu plus contemplatif et plus immersif. Oui, quand on se balade dans la nature, plein d'évènements surviennent et c'est une excellente chose. Sauf que, quand on doit constamment parcourir la moitié de la carte pour accomplir des quêtes annexes ou juste pour revendre des bricoles au bon pnj, cela devient une corvée de se déplacer.


Les trappeurs, pour tout ce qui concerne les items récoltés en chasse par exemple, sont peu nombreux et complètement paumés dans la nature. Même constat pour les receleurs d'objets ou de chariots. Au bout d'un certain temps les scripts de rencontres aléatoires sur la carte finissent logiquement par s'épuiser. On passe notre temps à rusher la carte d'un point à un autre, quitte à se manger un randonneur qui nous fera tomber... Rockstar a pourtant bien prévu des moyens de locomotion rapide, mais pour cela il faut se rendre soit à la diligence soit à la gare qui ne mènera qu'à un autre point de diligence ou gare, impliquant de quand même reprendre son cheval pour quelques minutes pour arriver à notre véritable destination...


Autre point particulièrement agaçant: le système de roue des armes. Arthur ne peut porter que deux pistolets (avec le holster supplémentaire) et deux armes longues sur lui, le reste étant stocké sur la selle du cheval. Jusqu'ici tout va bien. Sauf que, régulièrement, les fusils que l'on choisit de porter finissent toujours par être de nouveau rangés sur la selle du cheval, et ce automatiquement, sans demander l'avis du joueur. Cela devient particulièrement ennuyeux lors d'une embuscade ou pire, lorsqu'on est désarçonné. On doit constamment presser L1, pour activer cette foutue roue des armes et s'assurer qu'on est équipé comme il se doit... Sérieusement Rockstar ?


Autres défauts en vrac. Quand Arthur meure tout l'inventaire du cheval est perdu, et donc toutes les peaux en parfait état que l'on a passé une heure à récolter... L'inventaire du héros par contre n'est pas impacté. Perdre un peu d'argent, je comprend, mais pourquoi perdre spécifiquement tout l'inventaire du cheval ? Volonté de game design ou contrainte technique ?


Le jeu souffre aussi de problème d'ergonomie. Il est très facile de coller une patate ou une balle par erreur à un pnj. Le sprint par défaut oblige à marteler la touche action... Parfois des tutoriels de plusieurs lignes s'affichent, en même temps qu'un dialogue. Impossible parfois de tout lire.


Mention spéciale du gameplay foireux pour la pêche. Pour ramener un poisson, on peut passer facilement un quart-d'heure à faire tourner le stick. Et au bout d'un moment, le pouce commence à vraiment souffrir... Soit le jeu a oublié d'expliquer quelque chose, soit il y a un problème. Fort heuresement, la pêche est un élément totalement dispensable.


Je déplore également un peu l'aspect totalement dirigiste de toutes les missions. C'est simple: on va à un point A, on tire, on se rend à un point B, on tire etc... Il est impossible de sortir des clous imposés par Rockstar, quand MGS V permettait d'aborder les missions de la manière voulue.


Enfin, l'aspect punitif des primes sur la tête du personnage lors d'une mauvaise action rend les braquages rapidement inutiles et anecdotiques. J'ai tenté de braquer un train de plusieurs manières par exemple. Même en portant un masque sur le visage, les forces de l'ordre passent rapidement du statut "suspect inconnu" à "suspect: Arthur Morgan" alors que vous êtes toujours dans le wagon isolé en pleine campagne. Comment me reconnaissent-ils si vite ? Par les voies magiques du Saint-Esprit ? Je me retrouve du coup à devoir payer ma prime pour que les flics me laissent tranquille. Prime dont le montant équivaut à peu près à ce que j'ai ramassé en braquant... Avec toute la foule de détails qui ont été intégrés au jeu, aurait-il été si compliqué d'intégrer un système de prime un peu plus élaboré ?


Bref, je remercie en tout cas les créateurs de Red Dead Redemption 2 pour cette expérience unique bien qu'imparfaite. J'avais été assez déçu de GTA V, pensant que les jeux estampillés Rockstar n'étaient plus du tout pour moi, il n'en fut rien sur ce jeu. J'espère toutefois que la formule sera renouvelée pour le prochain jeu. Car disons-le, elle commence à vieillir.

Djex
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le 31 déc. 2018

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Djex

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