Temps de jeu : 10 heures
Test rédigé pour Nintendo-Difference [#44]
D'abord pensé pour sortir sur Nintendo Wii U et Nintendo 3DS en marge du PC, Save me Mr Tako : Tasukete Tako-San a finalement fait route vers la Nintendo Switch, El Dorado des jeux indépendants. À sa tête, un seul et unique développeur (français au demeurant), Christophe Gelati. Son projet, véritable lettre d'amour à la Game Boy de Nintendo, entend proposer une expérience de jeu similaire, en partie due aux limitations de l'époque. Platformer doté d'un poulpe pacifiste comme héros, le joueur devra user de son encre pour immobiliser ses ennemis, s'en servir de plate-forme temporaire et ainsi venir à bout de la cinquantaine de niveaux qui compose le jeu. Disponible depuis le 30 octobre dernier pour un peu moins de treize euros, Tako le mollusque semble malheureusement bien trop inoffensif pour s'imposer réellement, en dépit d'une bonne bouille.
TAKOYAKI ! TAKOYAKI ! OSAKA NO TAKOYAKI GA TABETAI !
Save me Mr Tako : Tasukete Tako-San prend place dans un univers où humains et poulpes se livrent une guerre sanglante. Jadis peuple dominant par leur intelligence supérieure, ces derniers se sont depuis enfoncés dans les abîmes des océans, dès lors que nous autres sommes arrivés sur Terre. Une venue malheureuse pour notre bande de poulpes, puisque les Hommes, sans hésitation aucune, s'en servent comme ingrédient principal pour leurs bons petits plats. Il n'en fallait pas plus pour que les récentes générations de mollusques, particulièrement hargneuses, se décident à s'armer et à repousser l'envahisseur. Tako est l'un d'entre eux, à la différence près que lui, rêve plutôt d'une trêve que d'un bain de sang. Avec l'aide de la princesse du royaume des poulpes, d'une fée bienveillante et d'un confectionneur de chapeaux, nul doute que notre petit mollusque y parviendra. Pour Tako, sa seule arme sera son encre. Non-létale, elle lui permettra cependant de traverser obstacles et ennemis sans soucis.
En effet, chaque cartouche d'encre permet d'immobiliser un monstre, qu'il soit à terre ou dans les airs, le transformant l'espace de quelques secondes en une plate-forme utilisable. Ainsi, Save me Mr Tako : Tasukete Tako-San se transforme davantage en un jeu de réflexion qu'un platformer pur et dur. Non pas qu'il en devienne un casse-tête exigeant, mais bien que certains coins, lieux, boss ou phases demandent une manière de procéder bien particulière. De prime abord assez amusant, le titre devient rapidement répétitif et même laborieux. Il ne suffira que d'une petite demi-heure pour sentir poindre l'ennui. Le level-design y est générique au possible, faisant même passer le plus mauvais des Kirby pour un chef-d’œuvre d'ingéniosité, quand bien même la seconde partie du titre offre un peu plus de subtilité. On court, on tire son encre sur tous les ennemis – ou presque – pour s'en servir de la même manière, on récupère des gouttes d'encre pour recharger nos réserves (qui ne s'épuisent jamais), tout ça pour déboucher sur une énième cutscene bavarde. TRÈS bavarde.
Poulpes Frictions
Car, s'il s'inspire à de nombreux moments de Kirby, tant dans sa manière de concevoir ses niveaux que dans sa direction artistique et même certains passages clés (preuve à l'appui, ce duel à l'épée face à un simili-Meta Knight), le jeu puise sa différence dans sa scénarisation, pour le moins imposante. Il y a tout un tas de Personnages Non-Joueur (PNJ), lesquels peuvent débiter des informations utiles, d'autres moins, des quêtes à remplir ou bien des bouts d'histoire. Pas franchement intéressante sur la longueur, il n'empêche qu'elle sert relativement bien certains personnages, lesquels se révèlent finalement attachants. Toutefois, impossible de ne pas pester face à ces dialogues infinis (pour un jeu de plates-formes), plus encore lorsqu'ils apparaissent en amont d'un boss ; les revisionner ad nauseam ne rendra l'échec que plus frustrant. Des boss pourtant bien fichus dans l'ensemble, mais ternis par ce choix discutable. C'est d'autant plus vrai quand le titre – qui se corse rapidement avec ses ennemis imprévisibles – peut éliminer le fragile Tako d'un coup d'un seul.
Dit comme ça, Save me Mr Tako : Tasukete Tako-San ne vend pas forcément du rêve. C'est un petit peu vrai, mais ce serait oublier tout l'aspect artistique du titre, véritablement fantastique. Hommage à la Game Boy assumé, Christophe Gelati propose une aventure dans la plus pure tradition de l'époque. Si l'écran monochrome est évidemment le détail qui saute le plus aux yeux, il ne faudrait pas non plus oublier la très chouette bande-son réalisée comme à l'époque, avec quatre canaux maximum en simultané, pour un résultat fidèle. Le joueur appréciera également les quelques donjons qui parsèment le jeu, franchement agréables, ainsi que la possibilité de changer de filtre de couleur pour s'adapter au mieux à l'ambiance du moment. Pour le reste, entre une physique des sauts trop flottante, une gestion fantaisiste des collisions et toute une mécanique de chapeaux qui se résume finalement à un simple gimmick (l'un ajoute un cœur supplémentaire, l'autre modifie l'effet du tir, etc.), difficile d'être emballé par ce petit indé néo-rétro.
Verdict : Non !
La rédaction d'un test n'est pas toujours chose aisée, a fortiori lorsqu'il s'agit de juger négativement une œuvre indépendante, réalisée de surcroît par une seule et unique personne ou presque. Imaginez désormais que cette œuvre n'est autre que le fruit d'un travail passionné et d'un hommage fidèle à l'une des consoles les plus légendaires qui soient. Car, oui, Save me Mr Tako : Tasukete Tako-San fait partie de ces jeux-là. Lors de sa traversée, impossible de ne pas ressentir toute la passion qui se dégage du titre à chaque pixel, véritable lettre d'amour à la Game Boy. Sauf que l'épopée du courageux Tako ne peut se résumer à une copie parfaite d'une époque reculée, oubliant au passage d'apporter du neuf et surtout sa propre personnalité. Pire encore, en plus d'être trop long pour son propre bien (une quinzaine d'heures en ligne droite dans le cadre de ce test), le titre ne se montre jamais réellement amusant. Trop bavard, trop plat, trop répétitif, trop désagréable à contrôler, trop illogique dans ses quelques phases de backtracking, trop peu ambitieux dans son système de chapeaux, etc. Quitte à choisir, le joueur aurait certainement préféré un jeu « trop bien ». Sincèrement dommage.