Silent Hill
8.1
Silent Hill

Jeu de KCET, Keiichiro Toyama, Akira Yamaoka, Team Silent et Konami (1999PlayStation)

Harrold "Harry" Mason ne fait pas partie de ces gens qu'on qualifierait de chanceux. Un soir, alors qu'il roule avec sa fille Cheryl sur le trajet des vacances direction Silent Hill, voilà qu'au détour d'un virage — nombreux sur cette portion de montagne — une enfant égarée se dresse soudainement dans le halo produit par les phares. Sous la panique, Harry n'a d'autre choix que de donner un brusque coup de volant pour tenter d'éviter le drame... Malheureusement, impossible pour lui de conserver le contrôle du véhicule. S'en suit une embardée qui les conduira dans le ravin jouxtant la route...
Comme pour parfaire son malheur, Harry perd connaissance dans la violence du choc. Il lui faudra plusieurs heures avant de reprendre ses esprits et établir le triste constat : sa fille a disparue.

D'un point de vue purement visuel, l'ambiance qui se dégage de ce Silent Hill est une réussite : l'épaisse couche de brume cendreuse qui enveloppe littéralement la ville permet de compenser avec brio les limitations techniques qui incombent à cette bonne vieille Playstation. L'équipe en charge du jeu, la Team Silent, prouve d'emblée qu'elle déborde d'ingéniosité et de culot. Et il en fallait, pour arriver à intégrer un tel élément — à priori plutôt disgracieux — et à l'imbriquer parfaitement dans le game design d'un survival-horror. Chapeau bas.

Tout ceci est épaulé par une bande son dantesque signée Akira Yamaoka, qu'on ne présente plus désormais. Et si le thème principal — bien qu'un léger cran en dessous de celui composé pour Silent Hill 2 — reste ici tout de même diaboliquement efficace, le talent du Monsieur ressort particulièrement lors des musiques d'ambiance, parvenant sans mal à former une entité tangible à elles-seules. Mues de fortes influences industrielles, ces dernières tendent à rendre l’atmosphère du jeu oppressante à souhait.

Au panel des items classiques de tout bon survival vient s'ajouter une radio portative. A défaut de s'en servir pour écouter le bulletin météo du jour, il officiera surtout de radar ambulant, renseignant le joueur sur la présence d'ennemis aux alentours au cours de ses pérégrinations. Crachotant d'infâmes grésillements dès qu'une bestiole aura décidé de rôder dans les parages.

Sachant qu'un concurrent sévère boxe dans la même catégorie sous le peignoir de Resident Evil, notre Silent Hill n'y va pas avec le dos de la cuiller pour nous rendre mal à l'aise tout au long de notre progression. La première partie du jeu met les bouchées doubles — avec le passage dans l'école — et renvoie à des sensations qu'on pourra difficilement blâmer, surtout pour un jeu qui va souffler sa 15ème bougie. Plans de caméras volontairement mal ajustés pour créer et entretenir la tension, brouillard à couper au couteau, luminosité ambiante proche du zéro lumen lors des phases en intérieur... Heureusement, notre protagoniste ne tardera pas à se dégoter un semblant de lampe-torche ayant subie les affres du temps. On est loin de la Maglite, mais c'est toujours mieux que rien.

Certaines zones abandonnées — déjà bien lugubres au demeurant — connaîtront des bouleversements graphiques significatifs lors du passage en monde dit ''alterné''. Le monde alterné pour les néophytes, c'est lorsque les sirènes de la ville (qui vous rappelleront immédiatement celles de nos casernes de pompiers) viennent déchirer le silence ambiant. En dehors d'offrir un moment désormais culte à toute âme de joueur, c'est surtout le signe que les ténèbres arrivent...

Lors de ces phases, la colorimétrie ambiante quitte son registre gris poussiéreux pour quelque chose d'encore plus malsain. Les murs des salles y sont remplacés par des grillages surmontés de fils barbelés, façon camp de prisonnier. Des troncs humains, fixés ça et là, viennent "décorer" les pièces tels de morbides bouquets de pâquerettes printaniers. La ville n'est désormais plus qu'un purgatoire macabre ou se mêlent la rouille et le sang, prête à faire sombrer Harry — ou devrais-je dire le joueur — dans dans les abîmes de la folie.

Pour ce qui est du scénario du jeu, il est bon de noter qu'il est à la fois ambitieux et abscons. Non pas à cause des multiples fins possibles (bonnes ou mauvaises, qui découlent directement des actions opérées par le joueur au cours de sa partie) mais simplement car les éléments de réponse sont planqués de façon sournoise. Tant est si bien qu'il n'est que peu évident — voir quasi impossible — d'en saisir les tenants et aboutissants lors du premier run.
Non pas que cela viennent nuire à l’expérience de jeu. Bien au contraire. Mais j'encourage fortement l'amateur averti à pousser la porte du site http://www.silenthill.fr/, pour en saisir toute la substantifique moelle.

Si vous êtes en manque de survival-horror tendance old school, que vous avez déjà retourné les Biohazard, Fatal Frame et autres Forbidden Siren dans tous les sens, je ne saurai que trop vous prescrire d'aller lorgner du côté de ce Silent Hill, qui s'avère être un excellent palliatif n'accusant que peu le poids des années, et méritant amplement sa place au Panthéon du genre horrifique.

Histoire de chipoter, on lui regrettera bien un poil d'avarice en matière de cinématiques CGI (à la plastique superbe, mais bien trop courtes) ainsi que sa qualité parfois fluctuante en matière de voice-acting, pouvant manquer de punch lors de rares moments... Rien de bien grave, docteur.

SirMohawk
9
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Une O.S.T. à t'occir un host ♫, Les meilleurs jeux d'horreur et Les meilleurs jeux de la PlayStation 1 (PS1)

Créée

le 26 sept. 2022

Critique lue 1.4K fois

27 j'aime

4 commentaires

Ma wak

Écrit par

Critique lue 1.4K fois

27
4

D'autres avis sur Silent Hill

Silent Hill
VGM
8

« Silent Hill en fait c'est Fort Boyard en version glauque »

C'est la phrase que j'ai prononcé en tout innocence en discutant avec un ami après avoir fini le jeu. Et puis j'ai réfléchi, et je me suis rendu compte que ce qui était à la base une simple blague...

Par

le 28 août 2014

33 j'aime

22

Silent Hill
SirMohawk
9

Dérouille et d'os

Harrold "Harry" Mason ne fait pas partie de ces gens qu'on qualifierait de chanceux. Un soir, alors qu'il roule avec sa fille Cheryl sur le trajet des vacances direction Silent Hill, voilà qu'au...

le 26 sept. 2022

27 j'aime

4

Silent Hill
Jben
8

Critique de Silent Hill par Jben

Familier de la série mais pas du premier opus (joué en diagonale il y a des années de ça, alors que je ne jurais à l'époque que par Resident Evil), j'ai décidé de sauter le pas en me procurant le...

Par

le 6 mai 2010

23 j'aime

3

Du même critique

Metal Gear Rising: Revengeance
SirMohawk
6

Ninja Raiden

Lorsque Konami a annoncé que l'avenir de la série Metal Gear Solid allait se dessiner sous la forme d'un spin-off, les joueurs ont d'abord accueilli la nouvelle avec appréhension. A juste titre, car...

le 16 févr. 2013

37 j'aime

1

The King of Kong : A Fistful of Quarters
SirMohawk
8

Game Over / Insert Coin

Ne vous laissez pas duper par son apparence, "The King of Kong" est bien plus qu'un simple docu traitant de jeu vidéo. C'est d'abord deux personnages que tout oppose que l'on va suivre dans leur...

le 16 avr. 2013

34 j'aime

2

Broforce
SirMohawk
8

Born to pète ta gueule [sic]

Ce qu'il y a de bien avec les jeux indé, c'est que, non-contents de venir rassasier les intégristes des gros pixels avec autre chose qu'une soupe à l'oignon froide et indigeste, ils peuvent surtout...

le 8 oct. 2013

33 j'aime

16