Le jeu vidéo est un art. Cette phrase peut faire tiquer de nombreuses personnes, même consommatrices, mais force est de constater que quand on joue à certaines œuvres, il se passe quelque chose. Au même titre qu'on peut apprécier un beau tableau sans en comprendre le sens ou des musiques sont plus ou moins riches, il existe des jeux vidéo offrant une proposition qui sort du lot. On peut penser à des Shadow of the Colossus, Ico, GRIS, Ori, Journey, Flower, Abzu, Limbo, Inside… Sans citer certains jeux qui peuvent laisser les joueurs plus dubitatifs du côté « artistique » d’un jeu.
Silent Hill 2 fait partie de ces jeux qui veulent être plus qu’un jeu. Profiter à fond du format. Après un premier jeu efficace sur notamment l’ambiance et la mise en scène mais éreintant sur d’autres points, Silent Hill 2 se base sur la même structure initiale. On incarne un bonhomme perdu au milieu d'une ville appelée Silent Hill (c'est le titre du jeu), noyée dans un brouillard et infestée de créateurs dérangeantes. On ne voit rien. On se fait attaquer lentement par des créatures de façon aléatoire, alerté par le son d'une radio. Notre personnage est naze au combat, donc les combats sont fastidieux. Les codes de la licence apparaissent là.
Dans Silent Hill sur PS1, plusieurs mobs venez faire connaissance avec notre arme, mais les plus dérangeantes étaient les créatures humanoïdes. Celles où on décèle des membres, une tête… SH2 s'en sert à volonté. Chaque créature est dérangeante. Et chacune a un design inspiré et motivé. À l'instar du premier jeu, il n'est pas question de vagues de monstres, de danger réel, de screamers ou autre. La pression vient de l'ambiance générale. L'aspect esthétique, les dialogues, la caméra, la bande originale… tout est prétexte à nous faire nous sentir mal à l'aise. Pire encore maintenant : le compositeur, Akira Yamaoka, s'est davantage lâché sur la BO. Juste l'entendre peu augmenter notre tension cardiaque. Les personnages sont dérangés. Chaque cinématique met mal à l'aise. Que dire de Pyramid Hear, incarnation même de tout ce qui peut être détestable. Ces apparitions en cinématiques foutent les boules. Juste entendre la longue lame trainer au sol quand on joue nous fait suer. Même les énigmes ont un charme unique. Cette boite entourée de chaines et de cordes qui parait sceller un trésor immense enferme en réalité un cheveu. C’est cocasse mais ça marche bien.
Il faut aimer se faire du mal pour jouer à Silent Hill 2. Pourtant, le jeu propose un sous texte particulièrement dense. Dense à comprendre, à encaisser, à digérer. Mis en relief par les différentes fins, les PNJ, notre personnage… Par soucis de spoils, je n'en ajouterais pas mais nombreux sont les détails du jeu pour servir son propos. Jouer à Silent Hill 2 n’est pas agréable, tant sur la prise en main que sur l’ambiance. C’est désagréable, mais ça sert encore une fois le propos. Tout ceci mis en œuvre grave à une excellente écriture et cette ambiance qui encore une fois sert l’ensemble.
Bref, Silent Hill 2 est une œuvre qui ne parlera pas à tous. Pourtant, il vaut le détour. On ne voit plus pareils jeux aujourd'hui. Pas sur le plan du genre, mais sur le propos : assumé et osé. Silent Hill 2 n'aurait pas pu parler de la même chose sur un autre support en gardant cette pertinence. Le jeu vidéo permet des propositions atypiques qu'on ne vivrait pas de la même façon qu’avec film, une série, une pièce de théâtre, un livre ou autre. L'impact est là et ne serait être aussi fort ailleurs. Jouer à Silent Hill 2 n’est pas agréable, mais c’est impactant.