Silent Hill 3
7.8
Silent Hill 3

Jeu de KCET, Akira Yamaoka, Team Silent et Konami (2003PlayStation 2)

Il ne s'agit pas de l'épisode qui m'a le plus marqué (ça c'est le premier) ni de celui que je préfère (ça c'est le deuxième) mais c'est à mon avis le meilleur des trois épisodes fondateurs.
Au cours du marathon Silent Hill que je suis en train de faire en cette période d'Halloween, la chose la plus évidente dont j'ai pu me rendre compte est l'écart technique et ludique qui sépare chacun des trois chapitres de cette brumeuse saga. Il s'agit de quelque chose que je n'avais pas réalisé en jouant de façon espacée à ces jeux lors de leur sortie, le progrès de la Team Silent de 1999 à 2004, sur deux générations de consoles est impressionnant. James est bien plus dynamique que Harry, mais Heather les bat à plates coutures. Même armée de l'iconique tuyau rouillée, l'héroïne se meut avec souplesse, court avec énergie (sauf équipée du gilet pare-balles) et massacre les créatures cauchemardesques avec allégresse.

Visuellement, même si une grande partie du superbe Silent Hill 2 est reprise (on reconnaît les lieux et même les cartes se recoupent dans certains environnements) la ville et ses décors sont ici sublimés. Un travail incroyable a été fait sur les textures mouvantes, les murs grouillent, des motifs se dessinent sous nos yeux effrayés dans une démonstration progressive d'effets que je n'avais jamais vus auparavant et qui restent encore saisissants aujourd'hui. On retrouve même ce procédé sur certaines créatures qui n'avaient pas besoin de ça pour hanter nos cauchemars. Si Silent Hill 2 était froid et désolé, ce troisième épisode est chaud, poisseux et fourmillant de choses qu'on ne préfère pas identifier.

A l'ambiance sonore, on retrouve l'incontournable Akira Yamaoka qui, en cohérence avec le reste de l'épisode, poursuit son expérimentation tout en renouant avec des éléments issus du premier volet. Pour la troisième fois, c'est une bande son inoubliable et au coeur de l'ADN de la série.

D'ailleurs, et sans trop dévoiler de l'intrigue, on comprend assez vite que la filiation avec le premier Silent Hill est évidente et vient boucler la conclusion à cette trilogie. Ainsi, cette fois pas de fins multiples (juste des variantes) pour faire nos adieux à l'incarnation originelle de ce monde. On peut certes tenter des théories au sujet de l'intrigue, mais globalement il ne reste pas d'ambigüité quant au sens de cette sinistre histoire.

Silent Hill 3 nous met aux commandes de Heather, et ce EN DEHORS de Silent Hill. Les liens avec la ville seront dévoilés progressivement au cours de révélations où le destin ressemble à une malédiction. Heather côtoie quelques personnages aux motivations d'abord opaques, dont la place sur l'échiquier occulte se précise à mesure de l'implication de l'héroïne. Les fans seront amplement récompensés grâce à des références parfois très précises aux épisodes précédents, parfois même l'humour s'invite au détour d'une emblématique scène des toilettes.

Le terrain a beau être familier, les innovations apportées par ce troisième épisode sont aussi discrètes que bienvenues. Il s'agit principalement d'efforts sur l'ergonomie. Le maniement de l'héroïne pour commencer, on l'a déjà dit, a bénéficié d'un soin renouvelé, cependant le confort apporté par les nouvelles façons d'évoluer dans les menus ou l'inventaire est ce qui frappe le plus lorsqu'on vient de parcourir les deux épisodes aînés. Ici tout est beaucoup plus intuitif. L'exemple le plus évident apparaît quand il s'agit de combiner différents éléments pour résoudre une énigme. Ainsi, lorsqu'il faut choisir où disposer plusieurs cartes, livres ou plaques selon un schéma indiqué par une énigme plus ou moins opaque, on est gratifié d'une petite fenêtre où apparaissent les éléments impliqués dans la résolution, façon point and click, évitant des aller-retours pénibles dans l'inventaire comme c'était le cas dans le 1 ou le 2. Intervertir des éléments était alors une plaie, ici c'est un système discrètement intuitif.
Les modes de difficultés vont dans ce même sens. On peut choisir indépendamment la difficulté de l'action et de la réflexion, permettant de paramétrer le jeu selon ses points forts. En mode de difficulté élevé ceci dit, il faudra sérieusement réfléchir pour résoudre les casse-tête les plus compliqués.

Le plus important est évidemment l'ambiance, l'aspect technique et le système de jeu ont la politesse de s'effacer face à celle-ci, dans cette chaleur malsaine et putride qui caractérise le jeu. Heather a des réactions entre effroi et volonté de fer, accompagnant le joueur aussi terrifié (certains passages sont réellement effrayants, je parle d'une certaine pièce au miroir ou une certaine maison hantée) que déterminé à remplir cette quête de la vérité, et, au fond, de soi. Les niveaux inédits sont mêlés à de nouvelles interprétations de lieux déjà explorés au cours des deux premiers épisodes. Les références à Silent Hill 1 sont évidentes et particulièrement bien placées et présentées, l'impression de funeste destin n'en est que renforcée.

Silent Hill 3 est une conclusion magistrale, classique et même familière à première vue, mais aussi un superbe et sombre cadeau aux joueurs qui se laisseront happer par cette aventure au coeur des ténèbres.

I Reverend

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9

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