Knights Of The Old Republic demeure encore à ce jour mon aventure Star Wars favorite dans le médium interactif et l’un de mes RPG préférés de ce genre si prolifique ; il est de la trempe de ces aventures que je n’ai cessé de décortiquer pour en découvrir les moindres facettes alternatives et il m’arrivait encore de m’étonner de découvrir bien des années plus tard un contenu que je n’avais pas moi-même décelé durant mes nombreuses parties.


Sa suite, intitulée The Sith Lords, m’avait quelque peu plongé dans le désarroi lorsque je l’avais découvert, longtemps après avoir exploré les moindres parcelles de son prédécesseur. Une continuité beaucoup moins directe que je ne l’avais anticipé avec le premier Kotor, une direction artistique qui ne me semblait pas vraiment très inspirée ni même appropriée pour un Star Wars et une densité narrative dont je ne parvenais pas à déterminer si je préférais en louer l’audace ou bien en condamner la confusion et le manque de clarté de ses enjeux. Si vous êtes curieux à ce sujet, j’avais développé bien plus longuement mon ressenti à l’égard de ce second volet déroutant par l’intermédiaire de cette vidéo.


Il m’aura fallu du temps avant de reconsidérer mon opinion sur ce Knight Of The Republic, deuxième du nom, à une époque où Disney s’est empressé de rendre Star Wars quelque peu redondant et où même le MMO The Old Republic a remplacé les attentes qu’un Kotor 3 avait suscité durant deux décennies. Ce fut finalement l’avènement sur Steam d’une version restaurée de ce projet connu pour son développement éreintant et sa technique cahoteuse qui suscita mon nouvel intérêt à son égard ; la commercialisation hâtive de cette suite avait entrainé la suppression d’une partie conséquente de son contenu, pourtant déjà présente dans les données du jeu et qu’une communauté dévouée s’efforça de rassembler dans une version jouable au fil des années.


There ain't no grave can hold my body down


C’est donc envers le travail effectué sur cette restauration que je vais d’abord m’attarder durant quelques instants ; la démarche demeure en effet assez singulière dans le médium du jeu vidéo : c’est la première fois qu’un titre bénéficie ainsi, des années après sa parution, d’une somme d’ajouts aussi tangibles, facilement assimilable aux versions longues qui sont devenus monnaie courante chez son collègue cinématographique là où le médium interactif propose habituellement des suppléments à l’utilité bien plus superficielle. Et tout comme les rajouts intégrés à un film déjà existant, et déjà assimilé dans sa structure par une partie du public, cette version longue peut être autant sujette de critiques que de louanges : cette restauration donne ainsi parfois l’impression de diluer excessivement son propos, notamment en alternant bien plus fréquemment le point de vue des protagonistes, de telle sorte que l’immersion auprès de notre Jedi Exilé en est parfois quelque peu malmenée ; là où la version initiale se voulait plus condensée dans le déroulement de son récit, jusqu’à paraître parfois trop expéditive. Mais dans le cadre de ce Kotor 2, il reste néanmoins indéniable que cette version restaurée enrichit considérablement le travail effectué sur les compagnons du héros, ces derniers interagissant bien davantage entre eux durant l’aventure au lieu de commenter simplement les actions du joueur ; la majorité des dialogues demeure d’ailleurs doublée en français, faisant ainsi prendre conscience de la somme conséquente de répliques déjà enregistrées qui ont été écartées de la version initiale à l’époque de sa sortie tumultueuse. Ces multiples rajouts mettent également davantage en évidence les variations du récit selon l’alignement moral de notre protagoniste ou le genre choisi au début du récit ; des alternatives qui se révèlent par ailleurs parfois assez inattendues.


Néanmoins, soyons clairs : Kotor 2 reste un jeu connu pour sa structure brinquebalante et cette restauration tardive n’en fait que colmater les brèches ; le jeu est ainsi toujours sujet à quelques crashs occasionnels (la sauvegarde rapide est votre amie) et il subsiste encore quelques bugs plus regrettables comme certains dialogues skippés automatiquement (fort heureusement, ils surviennent assez rarement). De plus, il n’apporte pas de clarifications conséquentes à l’égard des tenants et aboutissants de l’intrigue, de telle sorte que si vous jugiez déjà les motivations des antagonistes de Kotor 2 un peu trop nébuleuses, cette restauration n’altérera pas votre opinion à ce sujet. L’ajout le plus important, dans la structure même de l’histoire, demeure indéniablement le chapitre de l’usine des HK -50 dépeignant l’hilarante confrontation entre HK – 47 et les modèles qui lui ont succédés partout dans la galaxie (les répliques y sont d’ailleurs d’une telle qualité qu’il est d’autant plus regrettable qu’elles soient demeurées dissimulées dans les données du jeu pendant si longtemps) ; n’espérez toutefois pas arpenter la fameuse planète uniquement peuplée par des droïdes, elle ne demeure accessible que par l’intermédiaire d’une autre extension qui, elle, demeurera vraisemblablement incomplète à jamais. Pour le reste, les rajouts sont parsemés au fil de l’aventure, de telle sorte qu’il est nécessaire d’explorer la galaxie pendant quelques dizaines d’heures afin de prendre conscience de la densité nouvelle de ce récit interactif. Comme la sempiternelle opposition entre version cinéma et version longue, le débat reste ouvert à l’égard de cette version restaurée mais dans la mesure où Kotor 2 a pendant longtemps été considéré comme un jeu balbutiant à bien des égards, je ne pense pas me tromper en affirmant que cette restauration salutaire saura adoucir le regard de nombreux joueurs à l’égard de cette aventure déroutante et aux multiples facettes parfois insoupçonnées.


Il est maintenant temps de s’intéresser au cœur de cette intrigue épineuse et des nombreuses réactions mitigées qu’elle pourrait susciter : sa narration qui semble parfois malhabile et inutilement alambiquée, son ambiance que je jugeais autrefois fade et peu inventive et l’égarement qu’elle paraît véhiculer tant auprès du protagoniste principal que du joueur lui-même. J’étais à la fois dans le vrai et dans l’erreur à bien des égards et il ne fait nul doute aujourd’hui que Knights Of The Republic 2 est un titre bien plus difficile à appréhender que son prédécesseur mais sa saveur n’en est pourtant pas moins impactante, juste bien plus singulière.


Rage against the dying of the light


En premier lieu car le jeu se refuse à illustrer une confrontation directe entre les forces ténébreuses et les légions de la République, comme la guerre ouverte dépeinte dans le premier volet. Les Sith se terrent dans l’ombre, prêts à frapper au moment opportun, tandis que les Jedi se dissimulent aux yeux de tous, par crainte semble-il au premier abord puis pour des motifs moins condamnables. De ce fait, il règne dans tout le récit une atmosphère de suspicion et de manipulation ; notre personnage est inlassablement traqué dans toute la galaxie tandis que ses camarades d’infortune lui témoignent continuellement une méfiance inexpliquée, pour des raisons qui ne seront clarifiées que très tardivement dans le récit. C’est donc une ambiance de guerre froide auquel le joueur est confronté durant son périple et non d’un affrontement immédiat contre des armées malfaisantes ; une approche à laquelle il convient de s’accoutumer pour être en mesure d’apprécier la véritable teneur de ce récit sinueux. En vérité, le jeu semble même avoir anticipé les thématiques qui seront abordées durant les deux décennies suivantes dans l’univers étendu avec les séquelles de l’Ordre 66 et la fuite désespérée des Jedi, déjà meurtris par la Guerre des Clones ; le héros infortuné de Kotor 2 est un paria, poursuivi sans raison apparente, et qui s’évertue pourtant à retrouver les Maîtres Jedi l’ayant autrefois renié alors même qu’il s’efforçait encore de surmonter le traumatisme des Guerres Mandaloriennes.


Dans Knights Of The Republic 2, il n’est pas tant question de libérer la galaxie d’une force dominatrice mais bien de lui apporter la guérison ; les mondes de la République pansent leurs blessures après ces années de conflits incessants et il appartient au joueur de prêter une oreille attentive aux souffrances infligées par les batailles auxquelles il avait pris part par le passé. Œuvrer au combat n’est peut être pas la voie du Jedi mais ce fut pourtant le choix du protagoniste avant son exclusion de l’Ordre ; son ressenti par rapport à cette décision n’appartiendra qu’au joueur et encore aujourd’hui, cet approfondissement des actes passés du héros, avant même la propre implication du joueur dans ses choix moraux, demeure assez singulière dans le médium interactif mais elle reflète pourtant le positionnement idéologique de ce Kotor 2 : celui de s’appesantir sur les conséquences de nos actions au-delà d’influer sur l’univers simplement car il nous en est donné la possibilité. Il en est de même pour les actions effectuées par Revan, dont l’ombre plane inlassablement sur les évènements de Sith Lords, et davantage que les évènements survenus durant le premier Knight Of The Republic, le récit préfère s’attarder bien davantage sur les actes qui ont engendrés une telle décennie de violence ; c’est en cela que Kotor 2 est une suite déroutante de son illustre prédécesseur car il ne s’intéresse pas tant aux actions précédemment menées par le joueur qu’aux circonstances qui ne servaient que de toile de fond au récit amorcé par Bioware en son temps. C’est pourtant par cet intermédiaire que Revan en devient un personnage doté d’une réelle consistance, au-delà du simple réceptacle des aspirations du joueur et si ce Sith Lords se refuse à poursuivre de manière plus concrète les péripéties entamées dans le premier volet, il en apporte pourtant un regard plus accusateur et en un sens, bien plus réfléchi.


My body is a cage


Un mendiant vous interpelle à votre arrivée à Nar Shaddaa, planète consumée par l’expansion technologique et la criminalité banalisée alors que de nombreux réfugiés, déjà malmenés par les conflits destructeurs qui ont consumés la galaxie, souffrent d’un racisme exprimé envers la race humaine. Vous lui offrez quelques crédits pour l’aider à endurer cette épreuve, sans guère d’hésitation si vous avez déjà choisi la voie d’un Jedi miséricordieux, sachant pertinemment que cette décision vous octroiera quelques points supplémentaires dans votre alignement moral. La voix de Kreia vous interpelle aussitôt, par la pensée si elle est restée à bord du vaisseau ou directement si elle fait parti de vos compagnons, et questionne les motivations de votre décision altruiste. Était-ce réellement un choix avisé ? Par la vision, elle vous démontre ce que vous avez infligé à cet homme en le dépossédant de l’épreuve qui aurait dû l’endurcir ; l’inconnu se fait agresser quelques ruelles plus loin pour ce même argent que vous lui avez accordé. Dans la galaxie nuancée de Kotor 2, la générosité spontanée n’est pas forcément un signe de sagacité et s’il appartient au joueur d’agir avec conciliation, dédain ou obstination envers les enseignements de Kreia, la question a bel et bien été posée dans l’esprit de son élève. Tel est le propos véhiculé par Sith Lords, et que le mentor du Jedi déchu incarne tout au long de ce périple tempétueux : l’émancipation des notions du bien et du mal. Dans Kotor 2, croire en une conviction c’est être capable d’assimiler son opposé afin d’en éprouver la véritable pertinence, et non de renier assidument cet antagonisme. Dans Kotor 2, éveiller autrui à sa propre vérité est une victoire bien plus grande que lui imposer ses convictions par la force des armes. Dans Kotor 2, la Force est une entité oppressante mais qu’il convient néanmoins d’explorer sous toutes les facettes au lieu d’en craindre les contradictions qui viendraient ébranler nos certitudes.


Presque deux décennies après que ses mots aient effleurés pour la première fois les pensées des joueurs, Kreia demeure encore l’un des protagonistes les plus déroutants du vaste univers initié par George Lucas et dont le basculement de point de vue qu’elle suscite en permanence s’exprime directement dans l’ambivalence que le joueur ressent à son égard, entre alliée de confiance et menace éventuelle. Son phrasé est explicitement Shakesperien et elle est caractérisée comme un personnage tragique de bien des manières ; elle dispose d’un pouvoir considérable dans la Force mais elle est amoindrie par son infirmité au combat, elle semble omnisciente à bien des égards mais elle peine pourtant à comprendre les sentiments plus ordinaires qui entravent l’esprit de son élève, elle est liée par l’intermédiaire de la Force à son apprenti mais elle condamne pourtant son aisance à s’attacher rapidement à ses compagnons, vaines distractions à ses yeux aveugles. Face à ces invectives et la véhémence de son propos, le joueur est le seul interlocuteur qui peut la confronter à son aigreur et ses désillusions ; les Sith perpétuent vainement une folie destructrice qui ne sera jamais apaisée tandis que les Jedi sont embourbés dans un orgueil inaltéré, confinant dangereusement à une réclusion maladive de peur d’être eux-mêmes confrontés à l’incohérence de leur code. Que la haine de Kreia s’exprime envers la Force comme une tyrannie omnipotente ou envers les croyances qui chercheraient à façonner la galaxie selon un dogme simpliste, la délimitation n’est pas toujours marquée ostensiblement (et elle demeure moins évidente que les propos fréquemment véhiculés par les fans) et sa démarche demeure parfois teintée d’un certain cynisme, qui deviendra une marque récurrente des productions Obsidian et du scénariste Chris Avellone. En dépit de sa grande érudition, Kreia n’a pas de réponse ferme et définitive à apporter à ces croyances obsolètes en alternative convaincante, outre l’abolissement de ces préceptes qu’elle s’efforce de mettre en œuvre, tant que par ses actes que son influence auprès du joueur. Mais elle n’en demeure pas moins ce mentor intransigeant qui refusera de voir son élève se complaire dans une paresse d’esprit en se confortant dans ses propres convictions ; un effort d’émancipation qu’elle parviendra à insuffler dans l’esprit des joueurs et qui incarne encore aujourd’hui la marque persistante de ce Kotor 2.


Et c’est pourtant dans cette même démarche que réside à mon sens la plus grande faille de ce périple interactif : la contradiction entre cette ambiguïté morale revendiquée par le récit et la démarcation concrète des décisions du joueur qui lorgne toujours autant vers un manichéisme désormais inapproprié. Kotor 2 perpétue en effet le même système d’alignement moral que son prédécesseur ; chaque décision du joueur lui octroie des points attribués au Côté Lumineux ou Obscur de la Force et le jeu peine ainsi à mettre en place les véritables dilemmes moraux qui devraient être suscités par les enseignements de Kreia. Les choix suggérés par le Mentor du Jedi déchu sont eux même bien trop souvent catégorisés vers la tromperie et la manipulation, de telle sorte qu’il devient difficile de ne pas percevoir une forme de malfaisance dans ces agissements, quand bien même elle s’évertue simplement à confronter le joueur à ses contradictions idéologiques. Enfin, le récit lui-même est structuré de telle sorte qu’il n’offre pas réellement la possibilité d’incarner un Jedi qui œuvrerait à la fois dans les ténèbres et la lumière (appelés plus communément les Jedi gris dans l’univers étendu) ; durant ses pérégrinations, le héros exilé devra très fréquemment prendre parti pour l’une des deux factions qui se disputent le contrôle d’une planète, chacune de ses alliances étant très clairement caractérisée dans un alignement moral bien défini. Cette segmentation morale est sans doute un héritage trop conséquent du premier Kotor dont cette suite ne pouvait s’émanciper convenablement avec un délai de développement aussi restreint mais il en résulte une certaine incohérence qui parsème le récit et tend à amoindrir son propos (la fameuse dissonance si souvent révélée par les Narrative Designers de l’industrie). Ce manichéisme trouve néanmoins une certaine utilité dans le système d’influence des compagnons, innovation la plus majeure apportée par ce Kotor 2 au-delà de la tonalité contrastée de son récit, et qui informe ainsi le joueur à tout moment de la manière dont il est en train d’influer, plus ou moins à son insu, sur la moralité malléable de ses frères et sœurs d’armes. Cette influence est d’ailleurs si marquée qu’elle occasionne les surprises les plus inattendues de ce Sith Lords et permet ainsi de mettre évidence les enseignements de Kreia, préconisant qu’un choix peut parfois avoir une conséquence moins anodine qu’attendue (ou même espérée) et qu’il incombe ainsi au joueur de réfléchir posément à la marche à suivre pour apaiser les tourments de cet univers ; en cet aspect le système de jeu et la narration se révèlent ainsi cohérents l’un envers l’autre ; ce n’est d’ailleurs pas un hasard si le dénouement du récit s’attarde autant sur le devenir des protagonistes secondaires que celui des planètes que le joueur aura arpentés à leurs côtés. Dans Kotor 2, la destination n’est pas l’objectif premier à accomplir mais si le voyage importe autant, c’est bien grâce à nos compagnons.


Tread softly because you tread on my dreams.


Au cours de cette seconde exploration des contrées de Sith Lords, d’autres écueils ont néanmoins persisté à malmener ma découverte de la galaxie, de telle sorte qu’en dépit du regard plus appréciateur que j’aurais à l’égard de ce titre dans sa globalité, il ne peut pour ma part prétendre atteindre la magnificence du premier Kotor. Des écueils qui demeurent toutefois compréhensibles puisqu’ils résultent clairement de l’inexpérience de l’équipe d’Obsidian qui s’attelait alors à son premier RPG d’envergure en dépit du temps de production clairement déraisonnable qui leur avait été accordé. La structure du jeu se révèle ainsi trop souvent redondante et je comprends volontiers pourquoi l’expérience m’avait paru quelque peu rébarbative à l’époque alors que je n’avais pas bien cerné les intentions du récit ; sur la quarantaine d’heures qui composent l’aventure tourmentée de ce Kotor 2, il faut bien avoir conscience que les dix premières heures peuvent parfois faire preuve d’une certaine maladresse entre un tutoriel excessivement long et poussif, un schéma qui paraît trop récurrent dans les péripéties des héros (leur vaisseau est contraint d’atterrir littéralement trois fois, voir quatre fois, d’affilée) et s’il parvient à éviter l’oscillement de ces premiers instants, le reste de l’aventure sera néanmoins parsemé de lacunes similaires : l’exploration des planètes sera trop souvent encombrée par des donjons assez peu inventifs dans leur Level Design et, comme déjà mentionné ci-dessus, la confrontation perpétuelle avec des factions en discorde tend un peu à devenir archétypale (la planète Ondéron est toutefois une heureuse exception, tant dans la manière d’impliquer indirectement le joueur dans le déroulement du conflit, son ambiguïté morale qui trouve enfin un écho avec l’enseignement de Kreia ainsi que sa progression moins schématique que celle des autres mondes). Le jeu parvient à mettre en place une belle montée en puissance à partir de LA révélation qui marquera également les esprits , une autre facette du précédent volet que les créatifs d’Obsidian auront habilement assimilés, mais la dernière partie de l’aventure se veut également malmenée par un enchainement d’affrontements assez indigeste, même si la version restaurée parvient à y impliquer bien plus concrètement les péripéties des autres protagonistes pour insuffler plus d’ampleur au récit. Enfin, si Kreia demeure l’une des créations les plus emblématiques de cette saga dédiée à l’Ancienne République, je serais moins élogieux à l’égard des deux antagonistes qui ont également suscités beaucoup d’effervescence en leur temps ; Dark Nihilus a été érigé au rang d’icône au fil des années mais il est pourtant dénué de personnalité au-delà de sa faim incommensurable et son design impactant (un certain syndrome Boba Fett en ce sens) et Dark Sion peut certes toujours se targuer d’être assez unique dans le vaste florilège des antagonistes de Star Wars mais il peine également à incarner une menace oppressante, en dépit de son apparence qui se voudrait effrayante ; tous deux demeurent néanmoins assez singuliers dans l’imaginaire de cette galaxie lointaine malgré les nombreuses années écoulées depuis leur première (et unique) apparition auprès des joueurs, un peu à l’image de l’impact suscité par ce Sith Lords au fil des décennies.


Knights Of The Republic demeure encore à ce jour mon jeu Star Wars préféré et à dire vrai, je doute fortement qu’il pourra un jour être égalé. Une direction artistique et un récit qui parvenaient à atteindre un compromis miraculeux entre la retranscription de la trilogie cinématographique originelle et une appropriation créative convaincante (Disney aurait pu en prendre de la graine) ; une appropriation qui n’avait d’égale que celle qu’ils conféraient au joueur en lui donnant les moyens de vivre sa propre aventure Star Wars.


Mais aujourd’hui, je suis davantage enclin à apprécier ce Knights Of The Republic 2 pour ce qu’il est réellement ; un jeu qui ne s’est jamais évertué à vouloir détrôner son prédécesseur sur son propre terrain mais a opté pour la voie d’une émancipation créative ; une œuvre qui s’est attelée à déstructurer cette aventure Star Wars pour confronter le joueur aux incohérences de son univers fétiche. Ce Sith Lords ne manque pourtant ni d’audace ni d’imaginaire mais il convoite quelque chose de plus singulier que la lutte entre le bien et le mal ; il semble éprouver lui aussi une faim incommensurable envers cette rupture des croyances préétablies…Et des schémas narratifs déjà existants. Par l’intermédiaire de Kreia, le scénariste Chris Avellone a posé toutes les questions qui méritaient à son sens d’être posées envers Star Wars et n’ayons pas peur des mots, c’est à une véritable considération philosophique que son récit souhaite nous emmener, une aventure plus intérieure dont la démarche pouvait paraître presque déplacée à une époque où la créativité de la saga était encore foisonnante mais qui se révèle aujourd’hui salvatrice alors que l’imaginaire de la franchise semble désormais cantonné à ce manichéisme suffocant. C’est la radicalité de cette démarche qui permet encore aujourd’hui à Kotor 2 de subsister dans la prolifération des œuvres estampillées Star Wars et il est aisé en cela de voir en ce second volet ce que Majora’s Mask fut en son temps pour Ocarina Of Time ; une suite arborant une structure semblable en apparence, conçue au fil d’une production éreintante mais dont le temps de développement restreint semble avoir été compensé par l’exceptionnelle liberté créative qui a été alors octroyée aux développeurs, une liberté qui ne semble pas avoir été réellement réitérée depuis.


C’est pour cette radicalité que je vous invite aujourd’hui à accorder votre attention à ce Sith Lords et peut être même reconsidérer tout comme moi votre jugement à son égard. Car il porte encore aujourd’hui l’empreinte d’un périple qui ne craignait pas de questionner les fondations de l’imaginaire dont il se nourrissait pourtant. Et il porte peut-être également en cela la marque des grands.


N’oubliez jamais…L’apathie, c’est la mort.

Leon9000

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