Après le succès surprise de Super Smash Bros sur 64, il est tout naturel pour Nintendo d’en proposer la suite sur sa prochaine console : la Gamecube. Seulement, voulant ce versus fighting pour le début de vie de la machine, Nintendo offre bien peu de délais à Masahiro Sakurai et son équipe qui doivent donc proposer rapidement une suite pour laquelle pas mal d’attentes sont placées en raison du potentiel mais aussi des lacunes à combler de son prédécesseur. Et c’est dans ce contexte difficile que Sakurai va réaliser une œuvre incroyable, l’un des meilleurs jeux de son époque : Super Smash Bros Melee. Je vous propose de découvrir ce que j’en pense en écoutant la magnifique reprise orchestrale Fountains of Dreams.


GAMEPLAY / CONTENU : ★★★★★★★★★☆


L’épisode 64 proposant un système de jeu original mais très réussi, Melee reprend fidèlement ses fondamentaux tout en payant le luxe d’en enrichir le maniement. En effet, c’est cet épisode qui inaugure l’attaque spéciale latérale, l’esquive aérienne et la possibilité de charger l’attaque Smash, nouveaux standards pour le reste de la franchise et pas des moindres. De plus, l’accélération de la nervosité du titre par la gestion de sa gravité offre bien de la technicité et du dynamisme faisant passer l’épisode N64 pour un lointain ancêtre. On a encore quelques légers soucis de masques de collision à bien y regarder, comme la portée très grande du grab de Marth alors que son animation en suggère une courte, mais c’est vraiment du micro-détail.


Le nombre de personnages jouables passant de 12 à 25, en oubliant aucun des personnages du premier jeu au passage, le défi était de taille pour faire briller ce maniement et le moins que l’on puisse dire c’est qu’il a été relevé avec brio. Si parmi les personnages inédits on retrouve de simples variations de move set existant, comme Ganondorf qui est en réalité une version lourde de Captain Falcon, certains personnages sont beaucoup plus originaux, comme Ice Climbers amenant le concept de personnage double au sein de la franchise. L’équilibrage global du casting est très bon puisqu’il fait que les personnages les plus puissants sur la scène compétitive sont aussi parmi les plus difficiles à maîtriser, qu’ils ont nécessairement des points faibles, qu’une très grande partie du casting est parfaitement jouable à haut niveau et que les plus faibles sauront se rendre utiles pour certains défis particuliers.


Ce n’est pas parfait non plus, quelques personnages sont objectivement meilleurs que d’autres, mais avec 25 personnages jouables ça ne pouvait pas l’être. L’IA reste limitée également sur certaines arènes où la plate-forme peut être mortelle plus facilement que sur une arène classique, surtout avec des personnages à l’attaque spéciale haute peu permissive en termes de recover, même poussée au maximum ils seront foutus de se suicider de façon assez grotesque. Mais c’est mieux géré de manière générale que sur l’épisode 64 et ça ne cause pas de gros problème.


Les arènes ont carrément été triplées par rapport à l’épisode précédent avec un total de 29, ce qui est loin d’être anodin car elles offrent énormément de variations également aux situations de jeu avec une tonne d’événements dynamiques qui peuvent être pris en compte, de très importants écarts de taille, une gestion poussée du scrolling… Et il en va de même pour les items, avec des variations d’un item comme le super scope qui offre une arme à feu pouvant faire fonction de mitraillette ou de fusil, le freezie qui offre la possibilité de geler un ennemi par un projectile, le party ball qui offre aux containers un peu plus d’aléatoire…


Les modes de jeu sont très généreux et plaisants à jouer et à rejouer en boucle. Le mode classique comprend davantage d’aléatoire dans ses étapes pour que les parties ne ressemblent pas trop avec aussi quelques variations dans les étapes-mêmes, notamment pour les boss de fin pouvant réserver une deuxième forme, en fonction de différents paramètres. Le mode aventure reproduit très bien cette réussite en y ajoutant de très sympathiques étapes reproduisant les mécaniques emblématiques des univers principaux de Nintendo. Le mode event permet quelques originalités, comme devoir éjecter les adversaires uniquement pendant un certain laps de temps pour que le KO compte, éjecter l’adversaire avant qu’un allié ne le fasse…


Il y a bien quelques loupés dans tout ça avec des étapes du classique ou de l’aventure un peu brouillonnes, comme la collecte de trophées du classique, ou un peu bâclées, comme la jungle DK de l’aventure, et des events présentant des pics de difficulté assez brutaux, mais étant donné le faible temps de développement et la générosité du contenu, ces quelques phases de jeu mineures manquées sont parfaitement compréhensibles et excusables. Bien peu de jeu peuvent se vanter d’une telle réussite en pareilles conditions.


Le système de trophées permet d’augmenter considérablement le nombre de récompenses à débloquer tout en approfondissant les possibilités encyclopédiques de la franchise pour les univers de Nintendo, notamment à leurs aspects les plus secondaires et qui ne peuvent être retenues dans les arènes et personnages jouables nécessairement limités en nombre. Par ailleurs, en affichant une partie du contenu à débloquer mais en masquant aussi une grande partie, l’aspect addictif est très réussi puisque le jeu semble sans arrêt relancer de nouveaux marqueurs de progression à travers les personnages, les arènes, les modes de jeu… qui sont autant de situations de jeu inédites. Bref, c’est quasiment un sans-faute jusqu’ici et ce n’est pas prêt de s’arrêter.


RÉALISATION / ESTHÉTISME : ★★★★★★★★★☆


Face au défi de démontrer les capacités techniques de la machine en son début de vie, Melee fait très fort. La cinématique en images de synthèse se développe ainsi chez Nintendo avec ce titre et brille ici de mille éclats avec des transitions ingénieuses entre les univers, une grande générosité dans les personnages mis en scène… alors que la modélisation des personnages, le niveau détail des arènes, les effets visuels en mettent plein la vue sans jamais accuser de baisse de framerate. Bien que 2 ans seulement séparent Melee de son grand frère sur N64, c’est bien un passage de génération qui s’opère pleinement.


On retrouve une nouvelle fois le souci du détail de l’animation qui ne manque pas d’aller puiser son inspiration dans les toutes dernières productions de Nintendo comme dans les plus anciennes selon les besoins mais toujours avec efficacité. Il est seulement dommage que le positionnement du jeu au lancement de la machine ne lui permette pas de mettre en avant les productions de la Gamecube qui sont encore à venir, ni teasing des titres futurs, ni promotion des autres titres de lancement, comme Captain Olimar aurait pu promouvoir Pikmin, mais c’est assez normal.


Le casting s’étoffe également considérablement avec des univers plus approfondis, de nouveaux/anciens explorés et l’arrivée d’antagonistes en personnages jouables, un vrai plaisir ! Même si ce dernier point casse un peu le concept initial du jeu, qui reste malgré tout dans le titre, qui se faisait s’affronter uniquement des héros, mais tant pis. Et vu le succès commercial phénoménal qui attend le titre, ce casting est très loin d’être anodin car il devient un instrument de premier ordre pour Nintendo qui peut conforter la suprématie de ses licences, faire perdurer des séries en déclin mais aussi faire découvrir des franchises, notamment celles coincées jusqu’ici sur l’archipel nippon.


Le développement à l’international et en Europe de la formidable saga Fire Emblem est probablement l’exemple le plus illustre de l’importance prise par les personnages jouables choisis et du soin de leur chara-design et animations. Pour chipoter, le travail esthétique sur les costumes alternatifs est assez inégal sur l’ensemble du casting. Autant certains personnages sont assez classieux quel que soient les couleurs adoptées, comme Marth ou Zelda par exemple, autant pour certains les couleurs alternatives sont flashy et aucun costume alternatif n’est très agréable à l’œil, mais tant que tous les modèles de base sont réussis…


L’OST de Super Smash Bros Melee compile, mêle, transforme et transcende les plus grandes musiques des plus grandes franchises de Nintendo. Rock, rap, techno, samba, jazz, reggae… tous les styles musicaux y passent avec audace mais aussi cohérence avec les univers associés. De plus, le passage au support CD permit aussi une meilleure qualité sonore très bien exploitée avec des parties orchestrales puissantes pour les thèmes originaux comme pour les reprises. C’est tout simplement magistral et là encore une évolution significative par rapport au premier épisode moins ambitieux, comme pour tout le reste.


CONCLUSION : ★★★★★★★★★☆


Plus complet, plus technique, plus dynamique, plus diversifié, plus impressionnant, plus généreux, plus addictif, plus plaisant… Super Smash Bros Melee prend le prometteur concept de Smash Bros 64 et en catapulte tous les aspects au firmament. Le jeu le plus vendu de la Gamecube est une bombe absolue, un chef d’œuvre incontournable de son genre et de son époque, un tour de force incroyable malgré des conditions de développement difficiles et un héritage déterminant pour la suite de l’histoire de Nintendo.

damon8671

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