Hé! Mais ce ne serait pas vous qu'on surnomme le héros de Kvatch?

Oblivion faisait parti de ces nombreux RPG auxquels j'avais arrêté de jouer au bout d'une vingtaine d'heures pour cause d'emmerdement aigu (et en l'occurrence d'un vampirisme particulièrement chiant à soigner); néanmoins, je suis aujourd'hui davantage enclin à savourer une aventure que l'on vit à sa propre cadence personnelle en prenant le temps de s'attarder sur un détail insignifiant ou un mystère insoupçonné. Le rythme a souvent été une obsession maladive dans les jeux vidéos mais des récentes productions ont pourtant renoués avec brio avec un éloge de la lenteur (Death Stranding ou Red Dead Redemption 2 pour les plus renommés; Shenmue 3 pour les plus controversés) et même si je reste clairement partisan d'une emphase sur la narration dans les RPG (Mass Effect, Kotor, The Witcher 3 ou Alpha Protocol pour ne citer que le côté occidental de la chose), je peux être plus réceptif à présent à une intrigue bien plus diluée par l'exploration du joueur et ses péripéties hasardeuses.


Il y a quelque chose de réellement écrasant, et presque intimidant, avec la manière dont les Elder Scrolls appréhendent le monde ouvert ; un océan vertigineux de possibilités qui découragerait presque d'entamer son périple tant la route à venir s'annonce longue et semée d'embuches. Alors pour les joueurs les moins complétionnistes, c'est le moment où le RolePlay se met en place et qu'une certaine sélection de quêtes et d'objectifs à accomplir s'effectuera selon l'alignement moral de notre protagoniste; alors, on ralentit la marche, on se dirige peinard vers notre objectif, on se surprend à observer les étoiles et essayer de comprendre ce cycle lunaire très bizarre, le voyage va durer des plombes de toute façon alors autant en profiter. Même si l'expérience d'Oblivion dans sa globalité ne m'a pas vraiment convaincu, je ne peux nier son exceptionnelle capacité d'immersion et la saveur délectable de rentrer à sa maison, durement acquise, après une aventure éreintante; et cela, alors même que l'aventure dans son ensemble se révèle franchement médiocre à bien des égards.


Il y a des RPG Japonais qui captivent par leur imaginaire et des RPG Occidentaux qui proposent une narration haletante mais à première vue, Oblivion ne dispose d'aucune de ses qualités. La redondance visuelle de son univers est probablement sa facette la plus rebutante au commencement de l'aventure; de l'Heroic Fantasy dans toute sa splendeur pour certains, dans toute sa paresse créative pour d'autres : des méchants démons envahissent le monde des chevaliers en armure et il faut tous leur casser la gueule; ça ne semble pas aller bien plus loin que cela en premier lieu et ce n'est pas l'esthétique dupliquée des environnements qui va contribuer à atténuer ce constat mitigé : les villes principales manquent ainsi singulièrement de personnalité propre, outre les inévitables boutiques d'armes, de sorts et autres guildes, il y a toujours une chapelle, un château, un intendant un peu snob et un dirigeant un peu con (ou l'inverse); bref ça manque un peu de fantaisie pour un jeu de Fantasy. Alors il est vrai que la poigne de fer de l'Empire (jamais vraiment condamnée par ses habitants dociles) pourrait légitimer cette uniformité visuelle mais il est tout de même étonnant qu'avec la diversité raciale de Cyrodiil, quelques habitations ne viennent pas trancher un peu plus avec cette austérité architecturale, même si vous pourrez me rétorquer que cela montre bien l'assimilation de ces races à l'Empire également. Quant aux fameuses portes d'Oblivion qui viennent parsemer d'un soupçon d'épique ces contrées verdoyantes, elles se révèlent malheureusement tout aussi redondantes à explorer; si la première percée sur les terres démoniaques véhicule une certaine adrénaline, la tension suscitée par ces découvertes tend à s'atténuer lorsque les mêmes éléments visuels sont recyclés à outrage et simplement agencés différemment; bref Oblivion n'est qu'un donjon qui ne dit pas son nom et qui a au moins le mérite de moduler sa configuration à chaque variante mais clairement pas de diversifier sa teneur ou son enrobage.


Et le plus agaçant dans tout cela est que cette impression de classicisme s'avère en vérité quelque peu erronée ; il y a bien une Lore passionnante à découvrir dans Oblivion mais comme trop souvent dans les RPG Occidentaux, elle délivrera sa saveur véritable par l'intermédiaire des livres et autres documents écrits, et non durant l'action proposée au joueur (sauf lorsqu'un antagoniste décidera subitement de nous raconter par la pensée les plus grandes révélations sur cet univers pendant l'exploration d'une grotte quelconque...). Et c'est également en cela que réside le plus grand échec d'Oblivion à travers le temps : son incapacité à proposer au joueur un véritablement enrichissement de son univers par l'intermédiaire de sa composante sociale. Oui, c'est bien connu, vous pouvez parler à tout le monde dans Oblivion. Et oui, c'est bien connu, les discussions sont souvent navrantes d'anecdotes inintéressantes et de répliques mécaniques, sans même mentionner la routine artificielle de ces citoyens et la source inépuisable de Memes qui en découle depuis plus de quinze ans. Vous espérez entendre une rumeur inquiétante sur un vampire dans les alentours ou l'histoire partagée depuis des générations sur un fantôme qui hante la région avoisinante à cette petite bourgade; parfois, très rarement, ce sera le cas mais le plus souvent le passant vous apprendra que son voisin aime beaucoup la confiture et que sa grand mère élevait des chevaux en Alsace Lorraine; une déconnexion totale avec les enjeux qui gravitent dans cet univers et le péril qui menace tout un chacun, comme si ces citoyens oisifs continuaient de vivre leur vie sans se soucier des démons qui frappent littéralement à leurs portes. L'Empereur est mort, les Portes d'Oblivion sont ouvertes, mais vous ne ressentirez que très moindrement la gravité de ces menaces à travers ses habitants même si cet écueil tend néanmoins à s'atténuer au fil de l'aventure et la recrudescence des hordes démoniaques aux quatre coins de l'Empire.


Enfin, je fais parti de ces joueurs qui apprécient habituellement de résoudre des quêtes par le dialogue et la diplomatie; grave erreur dans Oblivion, non seulement cette alternative parlementaire est quasiment inexistante dans la plupart des missions proposées mais le jeu met de surcroît en place l'un des pires systèmes de persuasion que j'ai pu voir à ce jour, Bethesda était visiblement très fier de ces animations faciales qui contribuent aujourd'hui à l’hilarante réputation de Cringe de ces NPC. Bref, ce n'est décidément pas dans la parlotte qu'Oblivion tire son épingle du jeu et les nombreux personnages que vous croiserez durant votre quête n'auront pas assez de temps accordé pour marquer durablement les esprits; Martin Septim offre néanmoins une heureuse exception puisqu'il est le seul personnage doté d'une voix unique et qu'il accomplira son propre parcours de héros, parallèlement aux actions du joueur, mais c'est tout de même bien peu face à la somme colossale de protagonistes que vous serez amenés à côtoyer lors de vos nombreuses aventures.


De surcroît, l'expérience s'avère également plombée par quelques choix douteux en matière de gameplay (le Fast Travel débloqué d'entrée de jeu pour les villes principales tend à restreindre le sentiment d'aventure et de découverte; la montée en puissance des ennemis, parallèlement à celle du joueur, atténue quelque peu le sentiment de progression etc etc), bref il est indéniable qu'Oblivion commence à souffrir durement de l'épreuve du temps et il n'est pas si étonnant qu'il soit parfois dénié dans la trilogie des Elder Scrolls 3d.


Mais alors pourquoi le charme parvient-il malgré tout à opérer?


Le choix tout simplement. La liberté qui vous est offerte de vivre une aventure à votre propre rythme et à vos propres principes. Vous voulez jouer un Impérial, pétri d’héroïsme envers sa patrie natale, et qui combattra le mal sous toutes ces formes? Vous pourrez le faire. Un Mage Elfe Maléfique qui œuvre dans l'ombre aux côtés d'une confrérie d'assassins? Rien ne vous en empêche. Un voleur vampire? Pourquoi pas. Ou juste un bonhomme qui va économiser pendant des plombes pour s'offrir une belle baraque en allant cueillir des plantes à droite à gauche dans la nature? C'est votre décision, après tout. Votre parcours de personnage n'est pas vraiment entravé par la responsabilité de l'élu (ce rôle étant plutôt dévolu à Martin Septim); de ce fait, avec un soupçon d’égoïsme, vous pourrez vous moquer éperdument de la sauvegarde de l'Empire et poursuivre votre propre périple selon les règles qui vous importent le plus. Et il y a de quoi faire, au delà de son aventure principale franchement rébarbative à accomplir (message pour les générations futures : la quête "Aide pour Bruma" s'avère en vérité optionnelle pour l'accomplissement du récit de Martin, vous me remercierez plus tard), car s'il y a bien une qualité que l'on peut concéder à Oblivion, malgré les nombreuses lacunes déjà énumérées, c'est bien une réelle inventivité dans les quêtes qui nous sont proposées. Si le déroulement s'avère parfois un peu trop linéaire lorsque le joueur a envie de foutre le bordel dans l'ordre établi (le début du fameux "Jean Michel PNJ est tombé inconscient"), les quêtes d'Oblivion s'avèrent néanmoins surprenantes à bien des égards, que ce soit dans le cadre inattendu de l'action, le piège qui se referme à l'insu du joueur ou des Quests Givers qui peuvent devenir les antagonistes à abattre en définitive. Comme souvent dans les Elder Scrolls, la présence des vampires apporte notamment une alternance bienvenue à la fantaisie classique qui parsème le récit et quelques unes des créatures de l'ombre vous offriront des rencontres inquiétantes durant votre découvert de Cyrodiil; bref, ces quêtes ne peuvent pas vraiment tenir la comparaison à la densité narrative d'un Witcher 3 mais sont néanmoins parfaitement louables à l'égard de la saga des Elder Scrolls dans son ensemble (de plus, les missions associées à la Confrérie Noire sont particulièrement renommées mais puisqu'elles ne correspondaient pas au RolePlay de mon personnage, je ne pourrais en juger que dans une autre partie).


Vous l'avez compris, je ne me suis pas vraiment amusé durant l’entièreté d'Oblivion, je ne vous ai pas parler notamment de ces donjons franchement lourdingues à parcourir, et pourtant, je ne peux nier que la formule Elder Scrolls a malgré tout œuvré pour me conférer un agréable sentiment de familiarité au fil des heures, de ceux où on dit véritablement au revoir à un univers interactif au moment d'achever sa partie. Ce n'est clairement pas l'un de mes RPG de prédilection mais je suis malgré tout heureux de l'avoir complété cette fois ci car il avait de belles expériences à offrir malgré son vernis quelque peu terne. Si Skyrim a indéniablement corrigé nombre de ses tares (la tension suscitée par le retour des Dragons et la rébellion contre l'Empire est notamment bien plus palpable dans mes souvenirs), Oblivion s'efforce néanmoins de compenser davantage le classicisme de son univers par des pirouettes de Quest Design assez innatendues et il n'est pas impossible que mon affection à cet égard s'accentue encore davantage lorsque je m'aventurerais sur le versant sombre de cet univers.


En somme, c'est classique dans la forme mais dans le fond, sa saveur demeure malgré tout atypique. Laissez lui sa chance à votre tour...Et rappellez vous simplement que dans Oblivion, ce sont vos actes, et non vos paroles, qui importent le plus; alors vous parviendez éventuellement à vivre une belle quête héroique (ou machiavélique). Même si vous en viendrez peut être à vous demander si tout le temps passé sur ces contrées (et requis pour cette aventure) en valait vraiment la peine.

Leon9000

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