Après avoir passé des dizaines d'heures sur Oblivion, je n'attendais pas grand-chose de son successeur tant ce dernier m'avait déçu. Si le début de l'aventure s'était révélé prometteur, en dépit d'une entrée en matière construite sur des Deus Ex Machina[1], les problèmes d'équilibrage et le faible niveau général d'écriture et d'intérêt des quêtes s'étaient rapidement faits ressentir.

Avec Skyrim, c'est la même chose. C'est peut-être même pire puisque tout le monde vous considère comme l'Être élu au bout d'une heure de jeu. Mais l'enrobage est meilleur : si la gestion des ombres est toujours aussi dégueulasse, si les animations ne sont pas toujours très réussies, et si cette impression de flotter lors des déplacements est toujours bien présente, la direction artistique générale compense allègrement ces faiblesses. Il suffit de comparer des captures d'écrans d'Oblivion à celles de Skyrim pour s'en convaincre.

La jouabilité, elle aussi, a subi quelques améliorations. Si les combats restent encore assez brouillons, l'effort a au moins été fait sur la montée en niveau. Ici, plus question d'essayer d'optimiser ses compétences pour pouvoir prendre +5 en Force au prochain niveau, de courir ou de sauter comme un con. On a simplement accès à un arbre de talents par compétence (chiffrée sur cent) et on choisit de monter sa santé, sa vigueur ou sa magie à chaque nouveau niveau. Simpliste, mais efficace. On regrettera tout de même le fait de n'avoir accès à la spécialisation Persuasion qu'assez tard dans la partie.

Surprise : même les doublages sont plutôt réussis, si l'on tient compte du volume de répliques à enregistrer. Certaines voix sont tout de même assez pénibles (notamment celles des gardes) mais on est tout de même loin du concert d'atrocités d'Oblivion.

Les premiers pas dans Skyrim sont très agréables. On descend une pente en admirant le ciel, on fait une petite halte pour pêcher du saumon et on arrive au premier village, accompagnés par une bande son pas franchement extraordinaire aux premiers abords, mais qui recèle quelques jolies exceptions [2]. On se fait attaquer par des loups, on récupère leur peau (snif) et on s'en va faire un petit tour à la forge pour se fabriquer une armure, avant d'aller péter les rotules des bandits du coin. Planqués dans un vieux tertre. Ils ont l'habitude. Nous aussi.

Le premier donjon ne m'a cependant pas plus emballé que ça. C'est de l'Oblivion couloir-monstre-trésor sans réelles alternatives et sans véritable interaction, avec une sortie dérobée au plafond de l'entrée pour pouvoir sortir plus vite à la fin.

Les possibilités de jeu sont tout de même assez colossales. Entre faire le mercenaire pour telle ou telle guilde, se balader en cheval et braconner le mammouth, se marier ou faire des quêtes trouvées sur le tas, il y a de quoi faire.

Mais la véritable question à se poser est la suivante : est-ce que j'ai vraiment envie de faire tout ça, et est-ce que le jeu m'en donne envie ?

Version brève : non.

Très franchement, j'ai commencé à me lasser du jeu à partir du moment où mon personnage a tué son premier dragon. Le combat est sympathique au début, puis ça commence à partir en sucette. Après avoir lutté avec un arc en mode lissage de souris et un bouclier qui ne pare rien, vous voilà propulsé sauveur de l'Humanité. Mieux : une fois retourné en ville, le Jarl vous remercie « pour tous vos services rendus à la ville », vous nomme Thane et vous file une bimbo-esclave gratuite. Après une petite heure de jeu. Je ne sais pas si j'ai pris l'habitude de jouer un paria ou un mal aimé avec Kotor 2/The Witcher 2, mais voir mon ancien candidat à la potence couvert de trophées sans avoir rien fait du tout me fait profondément suer.

Niveau quêtes, c'est pas mieux. On a droit au fédex lidl du style « ma scierie n'est plus rentable à cause des ours qui défoncent les arbres ; ramène-moi dix peaux d'ours [de tout Skyrim] » aux quêtes de guilde du style « va à Faillaise, va à Vendeaume, va à Fordhiver, va à Markarth, retourne à Fordhiver, retourne à Faillaise... », le tout organisé dans un « journal » plus minimaliste tu meurs. Bien sûr, je n'ai pas fini l'intégralité du jeu avant d'écrire ça, et il y a sûrement deux ou trois quêtes qui sortent du lot, mais pas la peine de me sortir le joker de la Confrérie Noire. Dix quêtes sympas sur deux cents ineptes, ça ne passe pas. Et la trame principale ne m'a vraiment pas inspiré.

Au début, je pensais me passer purement et simplement du voyage rapide pour tout faire à cheval, mais j'ai fini par laisser tomber. Entre les quêtes qui multiplient les allers retours sans intérêts, les attaques de loups si chiantes et répétitives qu'on finit par avoir la flemme de descendre de cheval, et le bourrin en question trop lent, ça commence à faire. Les développeurs nous ont tout de même offert la possibilité de se déplacer en charrette, ce qui rend le canasson quasiment inutile.

Un autre aspect assez frustrant de Skyrim est le manque de personnalité qui se dégage de l'ensemble des personnages, avatar compris. Je ne suis pas particulièrement fan de Mass Effect du point de vue de l'alignement (les deux jauges Parangon/Renegade), et je n'aime en général pas le fait d'avoir des répliques doublées, mais au moins, je n'ai pas eu l'impression de jouer un bête bout de plastique bouffant à tous les râteliers en jouant [Female] Shepard. Les répliques sont génériques, les quêtes sont génériques, et tout le monde est au courant de la fois où vous avez aidé Régis à repousser un raid de crabes de vases ; il n'y a pas de système de réputation locale. De même, votre avatar peut très bien s'enrôler dans l'armée et rejoindre une guilde d'assassins sans que ça ne choque personne, ou se trimballer avec une armure distinctive de la guilde des voleurs sans que la garde ne fasse quoi que ce soit (les voleurs sont censés être discrets, et les gardes sont censés les mettre en taule, non ?).

J'ai souvent lu ici et là qu'il fallait jouer à Skyrim « pour l'ambiance ». Les premières promenades sont en effet sympathiques, les tours en ville, beaucoup moins. Faire dire tout et n'importe quoi aux personnages lorsque votre avatar passe à côté, c'est un classique de Bethesda pour simuler la vie en société. Il faut voir ça comme une évolution des vieux jeux de rôles où, dans une auberge, vous pouviez intercepter une rumeur intéressante. Sauf que lorsque les discussions ne tournent qu'autour de ça dans la rue, la mascarade commence à se faire remarquer. La différence était d'ailleurs assez flagrante dans The Witcher par rapport à Oblivion : dans la rue, une femme se plaignait d'être battue et une autre lui disait de foutre un bon coup de poêle à son mari, des vieux se plaignaient de leurs furoncles, et les corps finissaient par disparaître. Dans Skyrim, tout tourne autour des quêtes, des ingrédients et des dragons, et tout le monde s'écrie d'un sublime « quel gâchis ! » lorsqu'ils passent devant le corps putréfié d'un voleur à Faillaise, laissé par la garde depuis une bonne semaine.

Au final, je joue un Archer/voleur Khajiit (recommencé après avoir fait une Nordique) et je n'ai quasiment plus envie de le jouer après une vingtaine d'heures de jeu. A la limite, je jouerais bien un magicien ou un guerrier orque pour essayer la magie, l'enchantement et la forge, mais lorsque je planifie mes futurs rerolls, c'est souvent le début de la fin.

(SPOILS divers et variés...)

Dans New Vegas, je me souviens d'avoir satellisé une bande de goules complètement cinglées, d'avoir entendu un marshal faire son dernier mea culpa dans son bureau verrouillé et le doigt sur la gâchette, et d'avoir protégé des villages d'une horde d'esclavagistes...

Dans Kotor 2, je me souviens d'avoir lutté contre la nature même de mon avatar, pourchassé par des chasseurs de prime, des Seigneurs Sith malfaisants et une poignée de Jedi cherchant à me mutiler pour le bien de la galaxie.

De The Witcher 2, je me souviens des fesses de Triss.

Dans The Witcher, je me souviens d'avoir passé un bon moment avec Shani et Zoltan, d'avoir joué l'inquisiteur dans un village et d'avoir rencontré la Dame du Lac.

Dans Fallout 2, je me souviens d'avoir sauvé une petite bande de goules moches et puantes squattant une centrale nucléaire, d'avoir sauvé la moitié de la Nouvelle Californie et d'avoir fait le con à New Reno.

D'Oblivion, je ne me souviens de rien. Et Skyrim est bien parti pour emprunter la même voie.

[1] : http://www.youtube.com/watch?v=HAHruOV7UhE&feature=youtu.be#t=28
[2] : http://youtu.be/nkz3KLS9O8c

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le 12 déc. 2011

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Makks

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