Après les aventures exotiques, effrénées et parfois ridicules il faut bien l'avouer, de ce cher Nathan Drake dans la série Uncharted, Naughty Dog a décidé de changer de voie pour un projet ambitieux mais moins exubérant dans sa constitution. Avec The Last of Us, les développeurs reprennent un thème bien connu du jeu vidéo et de la pop culture, l'infection ravageant l'humanité. Les zombies sont ici des infectés, à divers stades, du coureur (mobile et puissant) au colosse (imposant et attaquant à distance) en passant par le claqueur (aveugle mais plus meurtrier que les autres) ; une liste un peu courte qui dénote un certain manque de variété dans le "bestiaire", même si au final l'adversaire le plus redoutable et le plus nombreux dans le jeu reste... l'humain (flic ou voyou). Un clin d’œil peut-être volontaire et bienvenu à ce cher Sartre.

On parlait d'un petit défaut en évoquant le bestiaire, autant mettre les choses au point d'emblée, The Last of Us compte une certaine quantité de défauts qui pourraient nuire à la potentielle appréciation de certains joueurs. Puisqu'il faut bien évacuer ce délicat moment comme on arrache une dent pourrie, autant signaler que le dernier bébé des Dogs doit lui aussi, comme la plupart des jeux proposant de l'infiltration, faire avec une I.A. capricieuse et pas toujours crédible. Le repérage est parfois laborieux, les transitions entre les différents comportements souvent saccadées et brutales et la crédibilité souvent mise à mal.
Le jeu a aussi tendance à ne pas élever le challenge en imposant des checkpoints trop peu espacés, parfois insérés au sein d'une même phase que l'on aurait aimé recommencer depuis le début sans avoir à recharger une sauvegarde ; en donnant encore trop de matériel de soin et de munitions, et ce même en difficile ; et peut-être paradoxalement en offrant un tel éventail de possibilités au joueur (dans l’itinéraire au sein d'une zone, dans la possibilité d'éliminer un ennemi ou de se défendre...).

La dent étant arrachée, le plaisir revient au moment de parler des nombreuses qualités du jeu. La lumière du soleil filtrant à travers les branches d'une forêt verdoyante, le défilé de girafes plus vraies que nature au sein d'une ville rattrapée par la végétation, la finesse de particules ornant une eau saisissante de réalisme ; les raisons de louer la beauté du jeu abondent, les images magnifiques se succèdent et la mémoire demande à revivre ces instants où l'esprit s'est pâmé devant la beauté.
L'oreille réclame quant à elle ces accords de guitare à la mélancolie prononcée, qui indique le ton du jeu et du scénario. Cette intrigue justement est l'un des autres points forts du jeu, tantôt mise en scène avec force et spectaculaire à la faveur d'un prologue mémorable quoique trop peu interactif, tantôt avec pudeur et finesse à la faveur d'un final surprenant d'humilité. Dans The Last of Us on ne sauve pas l'humanité. On essaie de ne pas mourir et de ne pas se perdre, en ne perdant pas les autres.
On croise des êtres dont on n'est jamais sûr de réellement bien appréhender correctement les intentions, dont on ne sait jamais vraiment s'ils vont vivre longtemps, s'ils vont nous aider dans notre quête.

Et les saisons passent, la relation entre Joël et Ellie s'enrichit, se développe, avec un naturel dans le rythme qui rend l'ensemble du jeu crédible, sans excès de moralisme, de sentimentalisme ou même de philosophie.
Le monde de The Last of Us n'est jamais vraiment effrayant, mais il peut-être brutal, déprimant ou juste réaliste.

Rares sont les jeux vidéo proposant une telle crédibilité dans leur univers, leur intrigue et leurs personnages ; rares sont les œuvres arrivant à canaliser leur ambition pour ne pas dépasser leur propos ; rares sont les produits ayant la capacité de surpasser leurs défauts en étalant leurs qualités.

En voilà un.
ngc111
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le 26 sept. 2013

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ngc111

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