Sept ans après un premier volet magistral, les génies de Naughty Dog offrent aux joueurs une suite qui impatiente autant qu'elle inquiète. En effet, après une telle introduction, le public se demandait si un second opus serait à la hauteur des attentes. Puis l'univers pouvait prendre n'importe quelle direction, il restait à savoir si celle prise par les développeurs serait satisfaisante. Le jeu s'est dévoilé quand ceux-ci sortaient de la conclusion extrêmement convaincante des aventures spectaculaires de Nathan Drake et il est difficile d'affirmer que ce reveal trailer n'était pas alléchant. Des années de développement intensif qui ont valu une polémique passèrent et le jeu le plus attendu de l'année sort alors que l'enthousiasme est à son comble. Les retours sont majoritairement positifs aussi bien du côté de la presse que du public et tout le monde s'accorde pour dire que cette suite n'hésite pas à aller plus loin. Forcément quand je découvre le premier quelques mois plus tard, l'impatience est élevée. Ce road trip post-apocalyptique suivant un duo attachant et alternant séquences scénarisées intenses et gameplay attrayant entre fusillades et craft m'a fasciné, il fallait que je joue à cette suite dont la maîtrise fait la quasi-unanimité. J'ai bouclé le jeu hier et que dire si ce n'est que les équipes de Neil Druckman ont sublimé cet univers pourtant si sombre.


Attention spoilers


L'aspect film interactif est un peu plus poussé mais les phases de gameplay restent bel et bien présentes. Rien de nouveau de ce côté, on reprend les mécaniques du premier en y incluant un peu d'Uncharted. L'exploration est alors toujours de mise, il est important de fouiller chaque recoin des intérieurs afin de trouver des matériaux, des munitions ou des collectibles qui peuvent renforcer l'approfondissement de l'univers (les lettres). Le système d'amélioration des capacités ou des armes a le même fonctionnement. Les passages d'action, en infiltration ou en plus explosif, connaissent peu de nouveautés : les chiens pimentent un peu les séquences qui demandent un peu de discrétion, quelques nouvelles armes font leur apparition telles que l'arbalète ou la mitraillette pour le plaisir des joueurs les plus virulents (comme moi). Les plus grosses innovations sont issues d'Uncharted 4, à l'instar de ce dernier nous assistons à un élargissement des zones qui accroît l'exploration, nous dirigeons un véhicule ou encore nous nous amusons avec des câbles. Je n'avais pas plus d'attentes concernant ce point, la combinaison survie légère, traduite par les fabrications, action et expédition me plaît beaucoup.


Comment relancer l'intrigue si riche et si belle de The Last of Us premier du nom ? Le studio a trouvé la meilleure réponse : en mélangeant la beauté la plus pure à la cruauté la plus épouvantable. Les terres parcourues par les personnages sont plus hostiles que jamais, chaque endroit peut constituer une menace à n'importe quel moment. Cette menace réside bien évidemment en premier lieu dans les infectés. La saga est marquée par ses bâtiments en ruine modélisés avec soin ou ses paysages désolés devenus la plupart du temps terrains de jeu de zombies affamés de chair humaine. Le panel de créatures s'agrandit, les basiques marcheurs et les toujours aussi détestables claqueurs sont rejoints par les rôdeurs encore plus affreux, plus difficiles à abattre et les puants répugnants. Les séquences plus horrifiques se montrent alors davantage angoissantes, je dois avouer avoir sursauté à plusieurs reprises. Éliminer un infecté n'est pas difficile, le gameplay se renouvelle assez peu, il consiste soit à être discret et égorger tout le monde dans le dos un par un soit à sacrifier toutes nos précieuses munitions pour leur mettre leur race en restant poli. Le seul changement au sein du jeu nous vient du premier, c'est celui du surin à fabriquer avec Abby pour pouvoir charcuter un claqueur en infiltration. Malgré cela, les séquences d'épouvante sont réussies, on est souvent pris par la tension grâce à l'ambiance glauque des environnements ou aux divers designs toujours plus ignobles des infectés.


Les zombies composent une bonne partie du jeu puisqu'on nous plonge dans un univers post-apocalyptique mais le plus grand intérêt se situe selon moi dans ce qui concerne les humains. Dès les premières heures de jeu, Naughty Dog annonce la couleur avec le meurtre de Joel par un groupe qu'il venait de sauver. Au-delà de l'immense surprise que suscite cet événement tragique, on comprend rapidement que la monstruosité des infectés n'est rien face à celle des Hommes dans cet univers bestial. Comme dans le premier l'instinct de survie resurgit, la différence étant que chaque individu est dépossédé de son humanité au profit de sa vie...ou de sa quête de vengeance. The Last of Us Part II est un « revenge-game » dans lequel le cycle de la haine/violence n'a jamais été aussi bien montré. Ma passion pour les histoires de vengeance n'est plus un secret (Kill Bill, la saga John Wick et prochainement The Northman on espère) alors constater que Naughty Dog a décidé d'en inclure dans cet univers que j'aimais déjà beaucoup est un réel bonheur. La violence et la haine traversent le récit et n'épargnent personne. Elles sont au cœur de chaque personnage et motivent chaque groupe, les Séraphites et les Lucioles comme les Crotales. Il est ainsi complexe de repérer le bon côté dans cet univers caractérisé par le Mal. Pourtant il est difficile d'en vouloir à l'un d'entre eux, plus l'intrigue avance et plus on prend connaissance des raisons d'agir de chacun. Les concepts de Bien et de Mal se renversent comme rarement au point qu'il devient difficile de prendre parti. L'effet sur le joueur est alors puissant tant son sens moral est sans cesse remis en question. Le scénario prend aux tripes d'autant plus qu'il s'avère généreux en séquences d'une intensité folle : l'invasion de l'île des Séraphites ou l'arrivée d'Abby dans le théâtre me semblent être de parfaits exemples. The Last of Us n'est plus une œuvre qui s'inspire du cinéma mais une œuvre dont il faut s'inspirer.


Cette frontière brisée entre le Bien et le Mal est bien sûr incarnée par les deux personnages que nous contrôlons : Ellie et Abby. La relation centrale n'est plus la touchante complicité entre Ellie et Joel mais la brutale confrontation entre Ellie et celle qui a tué celui qu'elle considérait comme son père. Pour mettre en scène ceci, Naughty Dog ne fait pas comme les autres et force le joueur à prendre le contrôle des deux côtés, nous sommes à la fois le protagoniste et l'antagoniste. La première partie du jeu se déroule du point de vue d'Ellie, l'enfant innocente du premier jeu. Si on pouvait voir quelques éclats de violence de sa part dans le précédent opus, cette suite la fait basculer dans la violence la plus pure, cet univers sans pitié a fini par la capturer. Le développement d'Abby prend le chemin inverse, elle forme dans les premières heures de jeu une menace importante avant d'être totalement humanisée lorsqu'on la contrôle. Découvrir ses origines, la voir sauver des Séraphites (le groupe ennemi) et surtout la voir échanger avec les Wolfs qu'on a sauvagement exécutés quelques heures plus tôt renverse la vision que nous avons des deux personnages même si l'animosité finit par les rejoindre. Appuyés par des personnages secondaires réussis, ces deux personnages sont passionnants à suivre, l'évolution de chacun fait appel à des émotions fortes. Les deux affrontements sont logiquement pleins de tension, j'ai rarement été autant impliqué dans un jeu vidéo que pendant la séquence du théâtre durant laquelle j'ai eu peur de devoir tuer Ellie. Le climax sous forme de rédemption manque peut-être un peu de crédibilité mais Ellie qui brise enfin le cycle de la violence, qui se rend compte qu'elle est victime de sa haine et que Joel n'aurait sûrement pas voulu un tel déroulement est une conclusion magnifique.


« Magnifique » est un mot qui nous vient souvent en tête car au milieu de cette férocité impitoyable, se cachent des moments plus contemplatifs de poésie. Cet aspect poétique passe tout d'abord par les graphismes d'une incomparable somptuosité. Que ce soit l'introduction enneigée, la nature qui reprend ses droits à Seattle, les flammes qui éclairent la guerre sur l'île des Scars ou encore la noirceur du climax, le travail formel de Naughty Dog passe encore un cap après le quatrième volet d'Uncharted qui était déjà sublime. Les expressions faciales sont selon moi la meilleure prouesse technique du jeu, elles n'ont jamais été aussi proches du réalisme et arrivent réellement à communiquer les émotions des personnages. La beauté ne réside pas seulement dans l'esthétique, elle s'étend sur l'intégralité du récit. Il est en effet difficile de ne pas être un minimum touché par tous les flashbacks mettant en avant la relation entre Ellie et Joel. Malgré sa mort, ce dernier est encore plus développé, il en est de même pour ses rapports avec Ellie. L'alchimie du premier se transforme elle aussi en haine entre une Ellie qui ne comprend pas les agissements de sa figure paternelle et un Joel toujours aussi protecteur qui n'éprouve aucun regret. Ellie était néanmoins très attachée à Joel, sa mort la hante jusqu'à la fin de l'œuvre qui illustre le fait qu'elle a tourné la page en abandonnant la guitare. A la fin on se retrouve avec une Ellie qui a tout perdu, femme et enfant sont partis, quelques doigts sont tombés au combat à cause de la haine, de la quête de vengeance et de son deuil mais qui est prête à prendre un nouveau départ.


En résumé, The Last of Us Part II conclut un diptyque émouvant qui brille par l'ingéniosité de son scénario. Naugthy Dog nous implique pleinement dans ce jeu des antithèses où haine, violence, amour et poésie se confondent. Les personnages attachants deviennent des monstres et les monstres deviennent attachants dans cet univers post-apocalyptique sinistre renversant les concepts de Bien et de Mal. En comptant sur des graphismes majestueux et un gameplay agréable, les développeurs ont créé une œuvre qui restera dans les mémoires.

BestPanther
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Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à sa liste J'aime le cinéma et le rap mais il m'arrive parfois de toucher à ma PS5

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le 10 mai 2022

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BestPanther

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