The Legend of Zelda: A Link to the Past
8.5
The Legend of Zelda: A Link to the Past

Jeu de Nintendo EAD, SRD et Nintendo (1991Super Nintendo)

J’entends parfois, en tendant l’oreille à droite ou à gauche, qu’il est bien compliqué de comprendre ces vieux de la vieille qui posent ce « A Link to the Past » comme l’épisode ultime et indépassable de la saga – le meilleur Zelda de tous les temps ! – alors que, bon, dans les faits il est quand même loin d’être si phénoménal que cela et – plus encore ! – loin d’être si irréprochable qu’on le dit. A ceux-là, cette critique leur est dédié. Car oui, je suis un de ces vieux de la vieille (un vieux né dans les années 1980 pour être précis), et oui je considère que ce Zelda est – dans mon esprit – un phénomène quasiment irréprochable. Sur quoi je m’appuie pour dire ça ? Eh bien justement, laissez-moi vous l’expliquer…


A dire vrai, tout l’argumentaire repose sur une simple mise en contexte. Oui, en étant né au début des années 1980, j’ai découvert ce « Zelda 3 » quasiment dans les conditions de sa sortie. Dire cela, c’est dire que mon approche première à l’égard de ce jeu ne fut pas celle d’un retrogamer qui a été contraint de faire l’effort de se reconditionner aux codes narratifs et techniques de l’époque, mais bien celle d’un joueur déjà conditionné qui s’est juste bouffé sa claque au moment où il a découvert et retourné ce jeu. Et – désolé de le dire – mais c’est là que se fait toute la différence. Comme moi je suis hermétique au tout premier « A Legend Of Zelda » pour l’avoir découvert beaucoup trop tard, je pense qu’ils seront nombreux ceux qui – parce qu’ils découvrent ce jeu a posteriori – ne sauront pas voir la vraie nature du tour de force que représente cet épisode-là pour son époque.


Je me suis baladé un peu, et j’ai listé les principaux reproches que l’on fait à cet épisode. En gros, ça tient à cette idée que c’est très répétitif dans ses donjons (jusque dans ses musiques), très directif dans l’ordre dans lequel il fallait les faire, et surtout que l’interface de jeu comme les déplacements du personnage étaient au fond assez rigides et peu intuitifs. Autant de défauts face auxquels j’aurais tendance à répondre par un « oui c’est vrai… » Oui c’est vrai : on ne fait pas les donjons dans l’ordre qu’on veut. Oui c’est vrai aussi : chaque donjon à la même musique, voire parfois des décors assez similaires ce qui n’aide pas pour générer des atmosphères différentes. Et oui – encore oui – cette interface de jeu à ses rigidités. Devoir sans cesse appuyer sur X pour ouvrir une fenêtre d’inventaire qui nous permettra de changer d’objet assigné, c’est vrai que c’est discutable. Ça interrompt l’action. Ça oblige à une gymnastique parfois usante. De même que ces déplacements en croix, avec seules huit directions possibles, ça fait quand même très restrictif au regard des exigences d'aujourd'hui. Ces reproches sont tous légitimes. Mais pour le coup, ce sont bels et bien des défauts qu’on ne voyait pas en 1992. Pire, c’était des défauts qu’on ne pouvait pas voir, car à l’époque, c’était des révolutions.


Prenez n’importe quel jeu sur consoles au début des années 90 et prenez la peine de regarder comment on gérait un inventaire à cette époque. En termes de fluidité, de rapidité et de limpidité, « A Link to the Past » explose tout. A l’époque, ça a été comme passer du Modem à la fibre optique. Le jeu était parvenu à équilibrer au mieux le rapport entre richesse d’objets et dynamisme dans l’action. Alors oui, à l’époque on n’avait pas une commande pour faire défiler les armes en pleine action. Je conçois que, quand on a connu ça, on se dit que même à l’époque, ils auraient pu y penser. Mais bon, que voulez-vous : l’histoire est ainsi faite. Si on en est arrivé là aujourd’hui c’est parce qu’à l’époque « A Link to the Past » a opéré sa part d’innovation dans le domaine.


Et au fond, c’est la même chose concernant tout le reste ! Les donjons ? OK, les textures et les thèmes musicaux revenaient d’un donjon à l’autre. Et pourtant à l’époque, c’était le gros point fort de « A Link to the Past » : sa carte était immense et incroyablement diversifiée pour l’époque. Quant aux musiques, difficile de reprocher à Koji Kondo d’avoir composé pour l’occasion près d’une trentaine de thèmes différents (et d’une qualité exceptionnelle pour la SNES) alors qu’à l’époque certains jeux se risquaient encore à sortir qu’avec deux ou trois morceaux différents et rien de plus. Le parcours est linéaire ? Alors oui, c’est vrai qu’il est plus directif que le tout premier « The Legend of Zelda ». Mais d’un autre côté, jouez-y au tout premier « The Legend of Zelda » ! Et vous me direz de ce que vous en pensez de cette absence de direction donnée ! Et pour ce qui est de la direction en huit directions, j’entends la critique. Mais d’un autre côté tout le gameplay a été rodé pour du déplacement en quadrillage ! Ennemis, usage des armes, composition des salles et des trajectoires : tout est optimisé au poil dans cette logique-là. Imaginez un seul instant devoir tirer en diagonale avec l’arc. En termes de technique et de jouabilité, avec les moyens de l’époque, cela aurait été tout simplement dégueulasse.


Et je vous rassure : je ne vais pas réduire ma critique qu’à une simple série de petites ripostes tatillonnes. Parce qu’à ne parler que des défauts qu’un jeune retrogamer peut voir comme tel alors qu’ils n’en étaient pas forcément pour l’époque, on oublie aussi de passer sur ce qui semble des évidences aujourd’hui mais qui étaient des véritables claques dans la gueule à cette époque. La composition des donjons en labyrinthe nécessitant de se creuser la tête pour se repérer dans un espace à trois dimensions (la Tour de Ganon : best donjon ever !) ; le jeu du miroir entre monde de la lumière et monde des ténèbres qui obligeait à une observation permanente des différences clefs ; une narration très dynamique sachant réduire au maximum les temps morts dans l’aventure. Tout ça, aujourd’hui, ça parait évident. A l’époque, c’était juste une révélation. « A Link to the Past » a posé tellement de choses qui servent aujourd’hui de bases pour le jeu vidéo moderne qu’il est aujourd’hui presque impossible pour le joueur qui n’a pas vécu cela dans son jus de se rendre compte du pouvoir que ça pouvait avoir pour les joueurs en 1990… Et du pouvoir que cela peut encore avoir aujourd’hui pour le nostalgique qui y rejoue aujourd’hui !


La voilà, selon moi, la réponse à apporter à tous ceux qui se questionnent encore sur le fait de savoir pourquoi les vieux de la vieille posent encore ce « A Link To The Past » sur un piedestal face à d’autres épisodes plus récents mais non moins fameux de la saga. Cette réponse c’est : « vous ne pouvez pas comprendre ! » Et j’ai conscience qu’elle est dégueulasse au possible cette réponse, parce qu’elle induit que les anciens savent et que les petits jeunes ne pourront jamais savoir. Elle est dégueulasse – oui – mais malheureusement je crains qu’elle soit vraie. Moi par exemple, j’ai voulu me risquer au tout premier « The Legend of Zelda » au début des années 2000. L’expérience fut plus que douloureuse et j’ai beau vouloir faire les efforts de contextualisation, je pense que je ne ressentirai jamais ce que ça a fait de jouer au tout premier « The Legend of Zelda » dans son jus… C’est triste mais c’est comme ça. That’s life…


Alors est-ce que ça veut dire que j’entends par là que tout débat est désormais clos sur les vieux Zelda ? Est-ce que je sous-entends que les jeunes joueurs ne pourront jamais parler des vaches sacrées du jeu vidéo sous prétexte qu’ils n’étaient pas là pour les tâter au moment de leur première fraicheur ? Eh bien non, ce n’est pas ce que je dis. Je dis juste que quand on parle tous d’un même jeu, on ne parle pas tous d’une même expérience de jeu. Et dire qu’on ne voit pas en quoi un « A Link to the Past » supplante un « Ocarina of Time » ou bien encore un « Breath of the Wild », c’est juste regarder la saga Zelda à partir d’autres expériences fondatrices que celles de ces vieux de la vieille qui ne parviendront jamais à déclasser cet épisode de leurs premières places. Moi c’est ce qui me fait notamment comprendre ces gens qui mettent « The Legend of Zelda » premier du nom en haut de leur top alors que moi, j’estime que ce « A Link to the Past » en est une version bien mieux équilibrée et réalisée, ce qui en fait donc pour moi un jeu supérieur…


Du coup maintenant vous savez peut-être. Vous savez peut-être pourquoi je ne peux pas m’empêcher de vous dire que ce « A Link to the Past » reste pour moi (et restera sûrement toujours) l’un des meilleurs Zelda de tous les temps. Ce n’est pas faire le vieux con que de dire ça. (Du moins je ne pense pas.) C’est juste faire valoir une expérience de jeu qui a eu une réalité et un impact indélébile sur soi un jour. Et surtout c’est la partager, cette expérience. Alors non, c’est vrai : « A Link to the Past » n’est pas l’un des meilleurs Zelda de tous les temps, mais pourtant, si, il l’est quand même malgré tout. ;-)

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le 26 août 2018

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