Autant annoncer la couleur tout de suite : je n’ai pas réellement apprécié The Legend of Zelda Tears of the Kingdom. C’est regrettable pour une telle licence, et la qualité du jeu mériterait probablement mieux qu’un avis mitigé. Cependant, et à mon plus grand regret, c’est comme ça. Je ne peux pourtant pas dire que j’ai passé un si mauvais moment. Mais à l’heure de faire les comptes après une petite centaine d’heures de jeu, je n’ai pas non plus trouvé de réel moment m’ayant procuré un grand plaisir non plus. Pire, je suis ressorti de cette aventure avec une étrange sensation de soulagement après l’avoir achevé. Et surtout, des regrets d’y avoir passé autant de temps. Voire même d’y avoir joué tout court. Cela pourra vous sembler dur, mais pour expliquer ce ressenti, il convient d’apporter quelques précisions sur mon état d’esprit au moment de lancer cette suite. Comme beaucoup, j’avais, certes apprécié Breath of the Wild au moment de sa sortie, qui avait indéniablement apporté un nouveau souffle au surexploité principe des mondes ouverts. Toutefois, certains choix de game-design à l’instar de la durabilité des armes mal équilibrée ou des donjons moins intéressants que ce que produisait historiquement la série, m’avaient empêché d’adhérer autant que certains à cette nouvelle direction. Et après avoir terminé l’aventure, je n’éprouvais pas spécialement le besoin de revenir un jour dans cet univers qui m’avait globalement semblé un peu froid. C’est donc avec une certaine crainte que j’attendais ce Tears of the Kingdom, bien peu enclin à retrouver un monde et des contraintes de gameplay qui, je le savais, auraient du mal à marcher sur moi une seconde fois. Mais bon, on parle tout de même de Zelda, une des séries les plus magiques du jeu vidéo. Alors malgré une présentation de gameplay qui m’aura laissé plus que dubitatif, j’ai tout de même souhaité tenter ma chance, en espérant que le copieux add-on présumé que je m’étais imaginé comporterait son lot de surprises, qui justifierait cette nouvelle expérience. Malheureusement, à quelques éclairs près, Tears of the Kingdom est quasiment conforme à l’idée que je m’en faisais.



« Il est cinq heures, Hyrule s’éveille »



Alors attention. L’idée n’est certainement pas, ici, d’essayer de vous convaincre que ce Zelda Tears of the Kingdom est un mauvais jeu, loin s’en faut. Cette cuvée 2023 est riche, généreuse, et offrira toujours un plaisir de découverte sans pareil à tous ceux qui sauront apprécier sa démarche. Il n’est pas non plus question, comme certains ont pu le faire, de fustiger les développeurs sur les six années de développement nécessaires à cet épisode. Car si on pourra tout à fait estimer que le travail n’a peut-être pas toujours été effectué à bon escient, un peu de bon sens et de connaissances interdisent d’en critiquer la quantité. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, remodeler un jeu en partant d’une base déjà existante, tout en y ajoutant autant de contenu sans faire péter sa cohérence de partout, représente un labeur exigeant et de longue haleine. De plus, quand on voit les nombreuses possibilités apportées par les nouveaux pouvoirs, ou l’ampleur de ce nouveau terrain de jeu désormais étendu sur trois couches distinctes, on se dit que faire tourner ça sur un hardware aussi limité que la Switch a dû être un casse-tête de tous les diables. Et surtout, voir un titre de cette envergure et gorgé d’autant de détails tourner de cette façon quasiment sans aucun bug est une véritable leçon de développement dont beaucoup devraient prendre de la graine.


Je ne vais en revanche pas m’étendre sur les nombreuses qualités du jeu, en grande partie héritées de son illustre prédécesseur, que nombre de médias et joueurs ont déjà largement relayées un peu partout. Toutefois, il conviendra de s’attarder sur les quelques éléments qui auront tout de même su me convaincre de rester à flots jusqu’au bout de l’aventure, malgré mes réticences. Et contrairement à ce que j’aurais pu croire de prime abord, c’est bel et bien l’histoire qui m’aura principalement motivé à aller de l’avant. J’aurai l’occasion de revenir sur sa narration par ailleurs catastrophique, mais son écriture et sa mise en scène m’ont très agréablement surpris. D’une part parce que contrairement à beaucoup de fois, le scénario attribue un rôle réellement consistant à la princesse Zelda, tout en proposant le Ganondorf le plus classe de l’histoire de la série, ce qui fait tout de même bien plaisir. D’autre part parce que contrairement à Breath of the Wild, on n’a pas la désagréable impression d’arriver après la bataille, avec le sentiment d’avoir été écarté de tous les évènements intéressants. Car en dépit d’une chasse aux souvenirs toujours au rendez-vous, nombre d’évènements de la quête principale se déroulent en temps réel. Cela apporte bien plus de dynamisme au récit, tout en y impliquant davantage le joueur.


Cet aspect va avoir pour effet de rendre cet Hyrule remanié bien plus vivant, corrigeant ainsi l’un de mes principaux griefs à l’encontre de Breath of the Wild. Nombreux, mieux répartis sur toute la carte, on sent que la pléthore de PNJs rencontrés ont une vie indépendante de celle de Link. Il n’est donc pas rare de les voir vaquer à leurs occupations, qui peuvent varier selon l’heure de la journée, et de les voir évoluer ou agir différemment au fur et à mesure que l’on progresse dans la quête principale. On a réellement l’impression que tout le monde est concerné par ce qui se passe, ce qui octroie un sentiment d’implication plus grand qu’à l’époque du Fléau Ganon. Généreux en quêtes annexes aux intérêts variables, les divers personnages côtoyés ont longtemps su constituer ma principale motivation à redécouvrir cet univers, en sachant se rendre tout à tour amusants et même pour certains, touchants. Tout juste regrettera-t-on que leur présence soit essentiellement circonscrite à la surface terrestre d’Hyrule, les Abymes et les îles célestes en étant presque totalement dépeuplés. Fondamentalement, ces deux éléments, jumelés à un feeling de gameplay un peu vieillissant mais toujours solide, ont suffi à me faire passer quelques dizaines d’heures supplémentaires dans cette version d’Hyrule, le temps d’achever sa quête principale et quelques annexes. Toutefois, il conviendra aussi de préciser qu’une bonne partie de ce temps a été consacré à des fins de confort, dans le but de m’éviter un combat final trop indigeste. Mais après avoir rushé la dernière partie du jeu en laissant de côté la moitié des sanctuaires, une belle portion des annexes, en m’étant limité à une unique chasse au trésor, ou n’ayant couvert qu’une portion congrue des abymes si on excepte les obligations inhérentes à l’aventure principale, je ne peux que regretter de m’être égaré aussi longtemps au sein d’une expérience aussi fastidieuse. Mais il s’agissait bien d’un Zelda, une des licences les plus majeures de l’histoire des jeux vidéo. Et je ne pouvais, ne voulais pas croire, qu’un coup de génie ou une surprise, n’allait pas hisser ce Tears of the Kingdom, au rang de jeu extraordinaire que l’on pouvait attendre de lui. Mais nombre de choix opérés ici, qui auront peut-être fonctionné pour vous, n’auront pas réussi à me convaincre.



De la routine et des larmes



Je le disais au début : je n’avais, à la base, pas très envie de lancer Tears of the Kingdom car j’avais peur de me retrouver face à une aventure trop similaire à Breath of the Wild, dont j’avais déjà bien fait le tour à sa sortie. Malheureusement, ce sentiment de redîtes présumé se manifeste sur un grand nombre d’aspects. Principal acteur à incriminer : la structure de progression. Evidemment, la visite des îles célestes du Prélude, cadre d’un tutorial calqué sur celui de son prédécesseur, met tout de suite la puce à l’oreille. Puis, l’entrée dans le vif du sujet, après plusieurs heures d’apprentissage des nouvelles mécaniques, ne fera que confirmer ces craintes. Dans les faits, il sera donc nécessaire de revisiter et cætera de sanctuaires pour récupérer cœurs et endurance. A nouveau, augmenter sa capacité d’inventaire exigera de repartir à la chasse aux Korogus. Débloquer toutes les zones de la carte demandera une fois encore de rechercher des tours, toujours précédées d’une petite énigme afin d’y accéder. On pourrait poursuivre longtemps cette déprimante litanie, mais on pourra trouver étonnant que Nintendo n’est pas cherché à renouveler quelque peu sa proposition, en dépit de quelques timides ajustements. On a vraiment l’impression qu’ils partaient du principe que la formule trouvée avec Breath of the Wild était parfaite, et n’ont alors guère jugé utile de la réviser, même si son âge ou une importante quantité d’heures au compteur étaient susceptibles de laisser filtrer la lassitude. Et il est vrai que devoir repartir à la recherche de souvenirs, recomposer avec ces insupportables armes destructibles, ou devoir récupérer puis refarmer des améliorations de tenues essentiellement similaires au jeu précédent, a rapidement généré chez moi un sentiment dissuasif d’écœurement prématuré.


De plus, on pourra légitimement s’interroger sur la pertinence de certains de ces retours au bout de six années, tant ils semblent aujourd’hui obsolètes ou inappropriés à cette nouvelle aventure. Ainsi, il m’est difficile de comprendre la gestion à peine revue des chevaux de cet épisode. Certes, ils peuvent désormais tirer des chariots afin de transporter toutes sortes de choses, ce qui peut se révéler bien pratique, voire indispensable pour certaines tâches. Mais ils sont surtout toujours embourbés dans un marasme d’archaïsmes difficilement acceptables aujourd’hui. Maniabilité approximative, IA et pathfinding épouvantable, champ d’action limité, ou obligation de passer par un relais pour les rappeler en cas d’éloignement, sont autant d’aberrations qui les rendent pénibles à utiliser. On pourra convenir du fait que la construction de véhicules amoindrira la frustration en limitant à peau de chagrin leur usage. Toutefois, je ne peux m’empêcher de penser qu’Epona et ses congénères méritaient un meilleur traitement. Vous me direz que ce n’est qu’un détail à l’échelle du contenu du jeu. Mais nombre d’éléments du même genre vient remplir un catalogue long comme la route céleste qui mène au Temple du Vent. Pourquoi continuer de restreindre l’escalade par temps de pluie quand les constructions Soneaux permettent de la contourner ? Pourquoi reconduire un inventaire aussi lourd et peu ergonomique en dépit d’un panel de ressources aussi important à gérer ? Et surtout, pourquoi rendre à ce point armes ou artefacts Soneaux si éphémères, amoindrissant ainsi l’intérêt d’une exploration qui dévalorise toute récompense ? On pourrait continuer comme ça longtemps. Mais on va simplement dire qu’après plus de cent heures passées sur un premier titre, ma patience vis-à-vis de certaines entraves s’est logiquement un peu étiolée.


Mais c’est surtout le traitement des larmes – les souvenirs version TOTK – qui pose à mon sens un vrai problème. Liées à la quête principale, leur recherche comme de coutume totalement libre, finira par mener à une révélation clef du scénario. Là où le bât blesse, c’est que si cette information est découverte un peu trop tôt dans l’aventure, elle ne sera en aucun cas prise en compte par la suite du récit avant un certain stade. Achever cette quête avec trop de hâte pourra donc engendrer un certain nombre d’incohérences de situations incongrues. Une bourde quelque peu dommageable pour un titre revendiquant une liberté totale d’exploration, pourtant susceptible de faire capoter sa vraisemblance narrative. S’il n’était pas nécessaire de tout révolutionner, il est tout de même regrettable que Nintendo n’ait pas jugé utile d’au moins bousculer certains codes de progression. Cela aurait, d’une part, altéré ce désagréable sentiment de rejouer à un jeu déjà connu, mais aussi d’éviter quelques gênantes bévues de cet acabit, qui peinent à justifier un tel recyclage. Faire sauter les sanctuaires pour redistribuer les cœurs dans d’autres zones, repenser de fond en comble une narration qui avait pourtant beaucoup à offrir, ou octroyer aux Korogus un rôle plus consistant en allouant l’optimisation de l’inventaire à une activité plus intéressante, sont autant d’axes qui auraient pu tirer Tears of the Kingdom vers le haut. Au même titre d’ailleurs que son monde ouvert, tout aussi maladroit, et qu’une vraie remise en question aurait largement pu transcender.



Le trio perdant



Car il faut bien en parler de ce monde ouvert, qui fut la véritable star du premier épisode. Un univers qu’on pouvait autant avoir hâte de redécouvrir avec la promesse verticale des îles célestes, que craindre de retrouver dans le cas d’un monde terrestre trop similaire à Breath of the Wild. Malheureusement, les choix opérés n’ont pas réussi à m’ôter une bien trop présente sensation de déjà vu et de déjà joué. Evidemment, la partie terrestre d’Hyrule en est la principale responsable. Bien sûr, de petites choses ont changé çà et là. Un relais à chevaux se sera transformé en siège de journal par ici ; tandis que par-là, la région Zora sera désormais envahie par la vase. Oui, ils ont rajouté des grottes un peu partout, même si elles se ressemblent toutes et qu’elles manquent cruellement de points d’intérêts déterminants. Cependant, pour peu qu’on ait gardé un peu de mémoire, on connaît déjà ce monde, et rien n’y a suffisamment changé pour qu’on s’y sente déstabilisé ou vraiment surpris. Même si l’approche de son exploration est partiellement modifiée par l’arrivée des nouveaux pouvoirs, on y fait grosso-modo les mêmes choses. Et pour peu qu’on ne souhaite pas passer sa vie sur la construction de véhicule, parcourir cette petite mise à jour d’Hyrule peine à dépayser quand activités ou combats se montrent aussi similaires dans leurs sensations de jeu qu’auparavant. On se trouve quand même devant le nouveau grand Zelda console de salon, et on était en droit d’attendre de vrais grands changements topographiques, comme de nouveaux édifices ou une totale reconstruction du monde justifiant l’intégration de la partie céleste. Peine perdue, tant la promesse initiale de cet épisode se révèle finalement bien anecdotique.


Après la désillusion rencontrée sur Zelda Skyward Sword, j’attendais de cette nouvelle proposition aérienne qu’elle se montre autrement plus attrayante que quelques espaces restreints se contentant de cacher quelques coffres et autres mini-jeux. Je m’imaginais déjà alterner les allées et venues entre ciel et terre, croiser Piafs et autres autochtones ayant élu domicile dans les hauteurs, ou résoudre des énigmes reposant sur la verticalité. En pratique, la chute n’en a été que plus vertigineuse, la proposition se révélant ici aussi inconsistante qu’à l’époque des Célestriers. Pauvres en activités, répétitives dans leurs environnements, ou même parfois purement et simplement clonées, ces îles célestes ne trouvent leur utilité que durant les quelques séquences de la quête principale qui les utilisent. Pour le reste, en dehors de rallonger l’écœurante sauce de quêtes annexes de la manière la moins élégante possible, cette partie céleste est, à mon sens, un naufrage abyssal, surtout au regard de ce qu’ont pu faire des titres comme Xenoblade Chronicles X.


Et puis il reste la petite cerise sur le gâteau. Celle que peu avaient vu venir même si des titres comme Elden Ring avaient tout de même tracé une voie qui pouvait laisser planer quelques doutes. Car Tears of the Kingdom se paye bel et bien le luxe de proposer un troisième terrain de jeu grâce aux abymes, un monde sous-terrain aussi vaste que le monde terrestre d’Hyrule. Une idée qui aurait pu valoir son pesant de rubis si elle s’était accompagnée, là encore, d’une vraie direction solide. Elle en avait d’ailleurs le point de démarrage, avec sa volonté de se poser en dangereuse contrée sombre, et inexplorée, fourmillant de trésors et secrets en tous genres. Même la mécanique de miasme privant progressivement Link de ses cœurs de vie partait d’une bonne intention, dotant ce nouvel espace souterrain d’un caractère des plus oppressant. Mais il faudra aussi et surtout composer avec l’obligation de devoir en éclairer soi-même chaque recoin, en supporter sa direction artistique vomitive, ou accepter le fait que ce pantagruélique ensemble se révèle tout aussi annexe que la zone céleste. En termes d’intérêt, on est tout de même bien loin du jeu From Software cité plus haut, et le manque d’intérêt global des récompenses dissuade bien vite de visiter de fond en comble cette troisième couche répétitive.


Bien sûr, chacun jugera en fonction de ses affinités de l’intérêt véritable de ces trois zones mais de mon côté, aucune ne s’est révélée vraiment convaincante, ou même à la hauteur de ce que j’attends d’un bon Zelda. Et c’est d’autant plus frustrant que compte-tenu de la narration de ce Tears of the Kingdom, un peu moins de quantité et un peu plus de prises de risque aurait largement permis de faire mieux. Ainsi, plutôt que de se perdre inutilement dans des parties célestes et souterraines qui n’avaient pas grand-chose à dire, pourquoi ne pas avoir proposé un Hyrule plus concis, décliné en deux versions : passé et présent ? Non seulement l’idée aurait été bien plus en harmonie avec l’histoire qui nous est contée, mais elle aurait également permis de se débarrasser d’inutile lourdeurs, comme la quête des larmes. Mieux, elle aurait permis à l’aventure de réellement se réinventer, en permettant par exemple de jouer Zelda dans le passé et Link dans le présent. On aurait même pu imaginer de nombreuses interactions entre les deux personnages à travers le temps, les actions de Zelda pouvant avoir une influence sur le monde dans lequel évolue Link. Cela aurait permis de construire des énigmes très riches, qui auraient en plus nécessité de construire deux mondes très différents pour les justifier. Secondé par un gameplay renouvelé par l’intégration d’un second personnage, ce choix aurait largement contribué à écarter tout phénomène de redondance, bien trop présent dans Tears of the Kingdom. Un utopique élan d’audace qu’on aura peut-être un jour la chance de rencontrer au détour d’un éventuel DLC, afin de fêter l’arrivée d’une nouvelle console. Mais la mauvaise langue que je suis considérera plus probable que cette vision se liquéfie dans les tréfonds du classicisme d’un pas si hypothétique troisième Hyrule Warriors.



Zelda Maker



Evidemment, difficile d’être complet sans parler des fameux nouveaux pouvoirs, censés marquer la véritable évolution de ce Tears of the Kingdom. On ne pourra pas nier qu’ils enrichissent considérablement le gameplay, tout en facilitant l’exploration du monde. Mon préféré restera Infiltration, cette faculté qui permet de passer à travers un plafond, qui bien utilisé, peut faire gagner un temps précieux dans les déplacements. Toutefois, et malgré l’indéniable profondeur qu’elles apportent au jeu, ces aptitudes ne m’ont pas non plus entièrement convaincu pour plusieurs raisons. Je passerai très vite sur Duplicata, compétence principalement présente pour des raisons de confort, mais soumise à des contraintes de farm de sonium ou de gachapons pas très heureux. Ensuite vient Rétrospective, un talent bien utile pour se faciliter la vie. Mais étrangement, les vraies situations à exiger réellement son utilisation sont en vérité bien peu nombreuses, ce qui interroge un peu sur la pertinence d’un tel ajout dans un titre à la prise en main déjà bien lourde et encombrée.


Mais les deux plus gros morceaux resteront sans doute Amalgame et Emprise. Le premier était attendu au tournant par nombre de réfractaires d’une des mécaniques les plus décriées de Breath of the Wild : la durabilité des armes. Et autant être clair tout de suite, si ce nouveau système atténue passablement le souci, il n’en règle aucunement le fond. Au-delà du fait qu’il ne s’applique pas aux arcs, pour lesquels le problème reste entier, il n’enlève rien au fait qu’il est toujours aussi frustrant de devoir se coltiner une entrave impossible à enlever, même au prix de plusieurs centaines d’heures de jeu. Je peux aisément comprendre les raisons d’un tel choix de game-design sur une première moitié d’aventure misant sur la survie, en faisant avec les moyens du bord. Je comprends aussi l’idée d’expérimentation offerte par Amalgame, rendue brillante par la vaste étendue des combinaisons possibles. Mais au regard de combats au feeling toujours aussi rigide et peu passionnant, il est tout de même un peu pénible de ne jamais vraiment pouvoir se fixer sur le type d’armes qu’on préfère au moment d’aller s’attaquer aux derniers affrontements.


Et puis il y a Emprise. Le fameux pouvoir de création déjà culte construisant l’identité de ce Zelda. Relativement simple à prendre en main pour des possibilités incroyables, il fait déjà les beaux jours de YouTube à grands renforts de robots géants typés Gundam, de vaisseaux spatiaux élaborés à la Star Wars, ou autres facéties toujours plus extravagantes et poussées. Quel que soit l’intérêt qu’on porte à cette mécanique, dont la fréquence d’utilisation variera allègrement d’un joueur à l’autre, on ne pourra que saluer sa richesse et son accessibilité, passé un petit temps d’adaptation. Pourtant même ici, quelques griefs m’ont empêché de pleinement adhérer au concept. Et le plus évident restera la pertinence d’une telle proposition dans un jeu estampillé Zelda. Car il faut bien comprendre qu’en dépit de son ergonomie plutôt efficace, exception faite de son saugrenu système de décollage, il n’y a pas non plus de miracle. Construire quelque chose de fonctionnel prend du temps, d’autant plus si l’on est obligé de s’y reprendre à plusieurs fois, notamment parce que telle ou telle pièce n’était pas tout à fait droite. Les énigmes étant rarement d’une complexité démesurée, il n’est donc pas rare que leur résolution théorique soit bien plus rapide que la mise en pratique, souvent fastidieuse. Et passer plus de temps à enchainer les phases de collage/décollage qu’à vraiment se triturer l’esprit sur des puzzles un peu complexe interroge un peu sur la légitimité réelle de cet ajout quelque peu envahissant.


Et là arrive mon second souci qui, de ce que j’ai pu voir, n’a finalement été que très peu évoqué jusqu’à maintenant. On pourra aisément s’accorder sur le fait que toutes ces nouveautés de gameplay propices à une énorme liberté d’action, favoriseront des expériences fondamentalement différentes d’un joueur à l’autre. Une grande force à n’en point douter, témoignant de la richesse du titre, transcendé par ce fameux pouvoir de création. Certes, il est très gratifiant de constater que l’on peut contourner une difficulté en faisant preuve d’un peu d’imagination, ce qui donne parfois cette sensation, factice mais agréable, d’avoir trouvé une solution que n’avait pas imaginée les développeurs. Mais ce sentiment a un prix qui m’a progressivement déconnecté de mon intérêt pour cette mécanique au bout d’un certain temps. Et il s’agit de son challenge. Car en raison de cet excès de liberté, ce Zelda devient facile, très facile, au moins dans ses énigmes. Traditionnellement, ces dernières pouvaient se révéler parfois retorses, mais souvent en grande partie du fait qu’elles ne proposaient qu’une seule et unique solution. Il nous fallait donc essayer de visualiser comment ses concepteurs avaient pensé la situation pour pouvoir la résoudre. Et c’était, à mon sens, ce qui les rendait, au moins en partie, vraiment passionnantes. Or cet épisode, à de rares exceptions près, multiplie les options permettant de se défaire d’un problème donné. On ne bloque donc jamais bien longtemps, ce qui désamorce en partie de l’intérêt de beaucoup de ces puzzles. Une remarque qui me paraît d’autant plus vraie quand vient le moment d’aborder le délicat problème des donjons qui resteront gravés dans ma mémoire comme les plus mauvais de l’histoire de toute la série.



Les temples maudits



Après la désillusion Breath of the Wild, je n’attendais pas grand-chose des donjons de ce nouvel épisode. Pourtant, et malgré des critiques toujours bien présentes, certains sons de cloches positifs ont tout de même fini par me faire espérer un minimum. Peine perdue, lorsque j’ai découvert que les seuls éléments capables de faire illusion résidaient intégralement dans le visuel et la musique, plus en harmonie avec les habitudes historiques de la série. On admettra donc volontiers qu’un effort a été consenti afin de retrouver des temples thématiques chers à la série, et que leur musique évolutive leur octroie une atmosphère autrement plus marquée que les créatures divines de Breath of the Wild. Convenons également que les boss se montrent également un peu plus agréables à combattre, que ce soit de par leur direction artistique plus réussie, ou de par la stratégie de jeu à mettre en place, aussi simpliste soit-elle. On regrettera simplement qu’en raison de ce dernier point, aucun d’entre eux ne soit encore réellement capable de représenter une menace crédible.


Mais ces timides élans ne sauraient masquer la navrante vacuité du contenu de ces fameux temples, parfois à peine plus consistants qu’un simple sanctuaire un peu dense. Tous reposeront donc sur un objectif similaire qui sera d’activer quatre ou cinq mécanismes à travers la résolution de différents puzzles répartis dans toute la zone, avant d’aller en affronter le boss final. C’est donc prisonnier de ce carcan sans surprise, à peine égayé de quelques ennemis, que l’on devra visiter ces répliques déguisées des créatures divines. En vrac, on a donc un donjon Piaf insipide, précédé d’une interminable montée aux enfers qui a failli me convaincre d’arrêter le jeu prématurément. Ensuite vient le donjon Goron, indigeste méli-mélo de passages en wagonnets, que quelques sessions d’escalade et autres constructions de ponts permettront heureusement de contourner. Et puis il y a le donjon Zora. Ah, le donjon Zora. Certainement l’une des plus grandes hontes de l’histoire de la série. Flanqué d’un level-design d’une pauvreté effarante, d’énigmes plus simplistes que jamais, et ponctué par un boss aussi ridicule qu’inoffensif, il m’est bien difficile de comprendre comment un niveau aussi squelettique a pu être validé. Terminable en moins de vingt minutes, il a au moins le mérite d’être suffisamment expéditif pour ne pas avoir le temps de se montrer insupportable. Seul le donjon Gerudo parviendra parfois à sauver la mise, de par une construction plus inventive et un peu moins scolaire. Enfin, on passera rapidement sur l’intermède au château d’Hyrule et sa succession de combats vite redondants, tout comme sur l’ultime donjon dédié au cinquième sage, aussi long et fastidieux que symbolique de tous les problèmes que je reprochais plus tôt au pouvoir d’Emprise.


Terminons enfin sur un dernier point que je n’ai que peu abordé jusque-là, mais qui me paraît assez représentatif du problème principal de Tears of the Kingdom, à savoir son OST. N’ayant pas forcément adhéré à celle de l’épisode précédent, j’admets pourtant volontiers que le travail effectué était cohérent, et contribuait à donner une vraie identité à cet univers. Mais qu’on parle d’échec ou de réussite, il est normal d’attendre d’une nouvelle aventure qu’elle renouvelle, ne serait-ce qu’un peu son propos, la musique ne faisant pas exception. Mais ici, à l’instar d’un monde qui préfère souvent étendre et recycler plutôt qu’innover, l’OST se contente majoritairement de nous resservir ad nauseam la bande-son de 2017. Une vraie suite ambitieuse aurait essayé de rhabiller ses ambiances, au moins à l’aide de réorchestrations, afin de permettre au joueur de percevoir le monde qui l’entoure d’une autre manière, même si celui-ci n'a pas fondamentalement changé. Mais la plupart des thèmes de ce Tears of the Kingdom se cantonneront à restituer la même atmosphère que dans Breath of the Wild. Ils ne font donc qu’accentuer un peu plus cet indécrottable sentiment de déjà joué, là où ils auraient dû nous aider à nous en extirper. A l’image d’un univers et d’une boucle de gameplay qui n’ont plus assez à exprimer, cette OST finit donc par tourner en rond, donnant à l’ensemble des allures de DLC de luxe bien trop prononcées. C’est d’autant plus frustrant que dès qu’elle se risque enfin à proposer du neuf, comme lors des cinématiques ou du combat final, elle sait aussi s’illustrer avec brio dans ses moments de grâce, au même titre que le jeu lui-même. Mais ces élans de générosité et de réelles nouveautés sont bien trop timides et trop peu déterminants après six années d’attentes. A n’en point douter, The Legend of Zelda Tears of the Kingdom est un jeu d’une grande générosité dans son contenu, et composé de mécaniques d’une impressionnante richesse. Cependant, cette générosité et cette richesse se retrouvent aussi, et surtout, dans ses innombrables redîtes perpétuelles. Et c’est finalement cela qui a rendu pour moi cette expérience vaine et dispensable.


Nul doute que pour beaucoup de joueurs, The Legend of Zelda Tears of the Kingdom sera un jeu d’exception. Pour peu que l’univers de Breath of the Wild vous ait un tant soit peu manqué, ou que vous soyez un nouveau venu dans la licence, vous trouverez dans ce nouvel épisode une aventure généreuse, riche, et malléable, qui place plus que jamais l’exploration au cœur de son expérience. Pourtant ce nouveau voyage dans cet Hyrule plus ou moins remanié ne fera pas que des heureux. Un constat d’autant plus ingrat que cette suite améliore presque l’intégralité de ce qu’avait déjà fait Breath of the Wild, considérée comme la nouvelle Triforce du monde ouvert à sa sortie. Fiers de cette formule ayant su marquer les esprits, les équipes d’Eiji Aonuma ont donc fait le choix de la reconduire tel quelle en la peaufinant, plutôt que de la remettre en question. On obtient donc un résultat, certes plus profond, mais qui propose surtout la même boucle de progression et multiplie redîtes et recyclage en tout genre. Sauf qu’après plusieurs dizaines d’heures passées sur un premier titre, aussi efficace que puisse en être le concept, il y a de fortes chances qu’il finisse par lasser, une fois reversé sur un nouvel opus à la durée encore plus importante. De ce fait, retrouver sanctuaires, korogus ou chasse aux souvenirs dans un Hyrule trop timidement revisité, questionnera immanquablement les joueurs les plus en quête de nouveauté. Bien sûr, ces dernières existent et procurent parfois un salvateur souffle d’air frais, à l’image de certains nouveaux pouvoirs, ou d’un monde plus vivant. Mais voir certaines d’entre elles autant peiner à tenir leurs promesses, comme les îles Célestes, ou les nouveaux donjons tout simplement ratés, aura tout de même de quoi agacer au bout de six ans d’attente. De mon côté, le problème essentiel, est que j’attends tout simplement autre chose d’un grand Zelda. J’attends d’une licence aussi phare du jeu vidéo qu’elle se remette en question, qu’elle me surprenne afin de me faire vivre une grande aventure que je ne saurais trouver ailleurs. Mais The Legend of Zelda Tears of the Kingdom ne m’a laissé qu’une sensation de déjà vu et de déjà joué. Je n’attends pas de la série phare de Nintendo la même recette pop-corn que celle d’une production UbiSoft, et aussi travaillée que puisse être cette expérience remodelée, elle n’aura jamais vraiment su me dépayser. Vraie nouvelle aventure exceptionnelle ou DLC de luxe reposant trop sur ses acquis, chacun pensera ce qu’il veut de ce Tears of the Kingdom. Mais, par rapport à mes attentes de joueur, cette proposition est restée vaine, tant elle aura échoué à susciter en moi toute envie de découverte, qui en est pourtant son point le plus central.

Arnaud_Lalanne
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le 30 juin 2023

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Arnaud Lalanne

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